Les fouilles du site préhistorique de Biache-Saint-Vaast permettent de mieux comprendre la  capacité d’adaptation et les moyens de subsistances de l’Homme de Neandertal, il y a 240 000 ans. Ces pratiques sont dominées par la chasse de grands herbivores et de leur transformation.

Une faune variée adaptée à son milieu

À Biache-Saint-Vaast, durant la présence de l’homme de Neandertal, le paysage est dominé par une steppe arborée. La faune y est nombreuse, composée de grands herbivores comme l’aurochs ou le rhinocéros et des carnivores comme l’ours des cavernes. Lors des fouilles, les ossements de ces trois espèces ont été majoritairement découverts. Néanmoins, sur le même site, les ossements de 50 espèces animales ont été retrouvés. Ces animaux ne ressemblent en rien à la faune que nous avons l’habitude de rencontrer dans nos campagnes actuelles. Voici quelques-uns de ces animaux rencontrés, chassés et consommés par l’Homme de Neandertal :

Voici quelques-uns de ces animaux rencontrés, chassés et consommés par l’Homme de Neandertal :

L’aurochs : Il s’agit de l’ancêtre du taureau et de la vache. À lui seul, il représente 69 % des ossements trouvés sur le site. Il a l’allure d’un taureau de combat espagnol, mais en plus grand et plus lourd. Les plus grands spécimens pouvaient atteindre 2,2 m au garrot. Les archéologues estiment que l’on est en présence d’une chasse spécialisée sur le site de Biache-Saint-Vaast où l’aurochs l’était principalement pour sa viande. ©B.Clarys

L’ours brun : Seconde espèce la plus présente sur le site de Biache-Saint-Vaast (16%), il est rare sur les sites archéologiques de cette période. L’homme de Neandertal devait avoir, ici, un intérêt tout particulier à sa chasse pour sa peau et sa viande. Il est contemporain de l'ours des cavernes qui est trois fois plus grand et plus lourd que lui. ©B.Clarys

Les rhinocéros : On dénombre plusieurs espèces de rhinocéros sur le site de Biache-Saint-Vaast qui représente 8 % des ossements découverts. Ils sont présents pendant les périodes les plus tempérées entre 240 000 ans et 200 000 ans avant notre ère. Ce sont des animaux présents dans les prairies et d’une taille comparable à un éléphant d’Asie actuel (2,5 m au garrot). Exemple d'adaptation, le rhinocéros laineux a de longs poils pour résister au froid. ©B.Clarys.

Le mégacéros : Il s’agit d’un des plus grands cervidés (famille du cerf). Ses bois pouvaient dépasser les 4 m d’envergures. Le mégacéros supportait des températures assez basses, mais affectionnait particulièrement un climat humide, tempéré ou modérément froid. Il vivait en forêt claire et aux lisières de forêt plus dense, où l’envergure de ses bois ne lui permettait pas de pénétrer. ©B.Clarys.

Le lion des cavernes : Il diffère du lion actuel par sa plus grande taille, sa plus forte musculature et une absence de crinière. Espèce vivant dans les prairies tempérées ou tempérées froides. Il est l’un des principaux concurrents de l’Homme de Neandertal occupant les mêmes espaces et chassant les mêmes proies. ©B.Clarys.

Les chevaux : À Biache-Saint-Vaast, les espèces sont de petites tailles. Ce sont des animaux qui préfèrent vivre en troupeau dans des plaines tempérées ou tempérées froides. ©B.Clarys.

Le bison : Aussi grand et lourd que l’aurochs, il avait des cornes bien plus longues que le bison actuel dont l’envergure pouvait atteindre 1,2 m. Hormis son crâne, le reste de son squelette n’est pas facile à distinguer de l’aurochs. Le bison privilégie la vie en troupeau dans les grandes plaines ouvertes. ©B.Clarys.

Le loup : Carnivore habituel des zones tempérées et tempérées froides, le loup s’adapte à de nombreux milieux de plaines ou forestier. Il est régulièrement en concurrence territoriale avec les groupes humains. ©B.Clarys.

Le mammouth : Cousins légèrement plus petits des éléphants, les mammouths sont de grands herbivores adaptés à des milieux de plaines froides (steppes). Il n’est présent sur le site de Biache-Saint-Vaast que par de rares ossements. Cela ne permet pas de dire si l’homme de Neandertal a chassé ou non ce mastodonte. ©B.Clarys.

Un chasseur équipé et expérimenté

À Biache-Saint-Vaast, l’homme de Neandertal est un chasseur. Le très grand nombre d’ossements animaux découvert, notamment ceux de grands herbivores comme l’aurochs ou le rhinocéros et de carnivores comme l’ours brun montre une chasse spécialisée sur un petit nombre d’espèces. Le charronnage occasionnel n’est pas à exclure, plus particulièrement sur les gros carnivores ou le mammouth.

Comme tout bon chasseur, l’homme de Neandertal possède un équipement adapté et une organisation structurée.

L’arme de prédilection est l’épieu. Il s’agit d’une lourde branche droite de bois taillée en pointe à l’aide d’un outil en silex. La pointe peut également être durcie en la brûlant légèrement. Si aucun vestige d’épieu n’a été découvert sur le site, de nombreux outils en pierre taillée qui permettent le travail du bois ont été retrouvés dans les niveaux archéologiques attestant de sa probable fabrication.

Afin d’être le plus efficace possible, la chasse aux grands herbivores se doit d’être organisée. Dans le groupe de chasseur, il peut y avoir une répartition des rôles entre ceux qui vont rabattre les animaux et ceux qui vont porter le coup fatal. Pour cela différentes stratégies sont possibles nécessitant une bonne coordination, voir une hiérarchisation du groupe. Si les archéologues envisagent la participation de tous ceux qui sont en état de chasser, ils ne peuvent attester d’une répartition liée à l’âge ou au sexe des individus.

 

Un habitat organisé autour du traitement de l’animal

En étudiant la répartition des vestiges archéologiques et notamment des ossements d’animaux, les archéologues ont mis en évidence que celle-ci n’avait rien d’aléatoire. En effet, les vestiges sont concentrés dans trois zones distinctes. Cette organisation spatiale reflète la localisation d’activités différentes à des endroits précis. Pour les ossements d’aurochs et d’ours, ils sont concentrés dans une zone centrale. Cet agencement des vestiges pourrait correspondre à une aire de boucherie où les animaux sont dépouillés, dépecés et décharnés sur place. D’autres zones de concentration situées à proximité, mais plus petites correspondent à une aire de rejet des déchets.

Dépeçage d’un aurochs à Biache-Saint-Vaast. © G.Tosello

Les données recueillies sur le site permettent de suivre la démarche des chasseurs préhistoriques de Biache-Saint-Vaast quant à l’exploitation du gibier. Grace aux marques retrouvées sur les ossements, il apparait que l’aurochs est chassé avant tout pour sa viande et sa moelle, alors que l’ours l’est plus pour sa peau.