Dans la commune de Nouvelle-Église, rue Degrez, se dévoile une page fascinante de l'histoire. Les fouilles archéologiques menées par la Direction de l'archéologie du Pas-de-Calais, durant l'été 2023, ont révélé des vestiges étonnants. Ces découvertes s'inscrivent dans le cadre du projet d'aménagement du Parc d'activités de la Porte d'Opale, supervisé par la Communauté de Communes de la Région d’Audruicq (CCRA).Le site de Nouvelle-Église, témoin silencieux de l'époque gallo-romaine, a livré ses secrets à travers une série de sépultures antiques remarquablement préservées. Ces fouilles minutieuses offrent un aperçu unique des rituels funéraires de nos ancêtres, enrichissant ainsi notre compréhension de leur vie et de leur mort. En plus de ces sépultures, les archéologues ont mis au jour les vestiges d'une exploitation agricole datant du Moyen Âge, témoignant de l'évolution continue du paysage et de l'activité humaine sur ce site à travers les siècles.
Un cimetière gallo-romain
Depuis plus de 10 000 ans, la plaine maritime flamande est l’objet de nombreuses incursions marines (montée des eaux marines). Cependant, dès que la mer recule les Hommes
trouvent là un terrain propice où s’installer.
À Nouvelle-Église, c’est entre le premier et le deuxième siècle après J.-C. qu’apparaissent les premières occupations humaines sous la forme d’un cimetière gallo-romain.À cette période, le site correspond à un marais littoral où s’écoulent des petits chenaux soumis à l’influence des marées. C’est le long d’un de ces anciens chenaux que les archéologues ont mis au jour une dizaine de sépultures à crémation. Ce sont majoritairement de petites fosses dans lesquelles ont été déposés les os brûlés. Des poteries sont placées en offrandes dans quatre des tombes. Un bûcher, qui a servi à la crémation des corps, a également été découvert. Afin d’organiser cet espace funéraire, deux fossés ont été creusés.
Cette zone marécageuse a subi de multiples avancées et reculs de la mer, creusant des chenaux.
L’installation du cimetière gallo-romain semble s’organiser le long d’un de ces chenaux. Mais le chenal pourrait également être postérieur et avoir en partie détruit la zone.
Une datation par carbone 14 permettra aux archéologues de répondre à la question.
Sépultures alignées, décryptage d'un cimetière ancien
La majorité des sépultures s’aligne selon un premier fossé orienté est–ouest tandis qu’un second fossé, en forme d’agrafe, isole l’une des sépultures.
Il est également possible qu’un chenal de marée ait conditionné l’implantation du site funéraire.
Afin de protéger les restes du défunt et les offrandes, les Gallo-Romains utilisent parfois un coffrage en bois.
De ce matériau périssable, les archéologues ne retrouvent qu’une fine ligne noire laissée par sa décomposition.
Des terres propices au développement agricole
À la fin de la période antique et au début du Moyen Âge, les influences maritimes progressent dans la plaine et de grandes quantités de sable recouvrent les vestiges antiques. Lorsque ces influences refluent
vers le nord, entre le 5ème et le 10ème siècle, de larges plaines herbeuses se mettent en place et deviennent des espaces propices au développement agricole.
À partir du 11ième siècle, des hommes et des femmes s’installent sur ces terres. Afin d’empêcher le retour de la mer et d’évacuer le trop-plein d’eau de ce territoire, ils mettent en place tout un réseau de digues et de fossés drainants : c’est la poldérisation.
Cette activité agricole a laissé de nombreuses traces, comme la présence de fossés de drainage pour assécher le sol, deux silos enterrés permettant le stockage de grains et les traces d’un petit bâtiment léger en bois.
Un mulotin ?
Un mulotin a également été mis au jour. Il se compose d’un fossé circulaire avec un terre-plein central pouvant accueillir une meule de gerbes de céréales non battues. Sa structure permettait de stocker temporairement une
grande quantité de la récolte à l’abri des intempéries avec une toiture, et de l’humidité du sol avec un monticule de terre.
Schéma de restitution d’un mulotin.
La fouille a concerné une partie de l’exploitation agricole médiévale, probablement là où se situaient les structures de stockage (silos, mulotin). Reste à déterminer la fonction du petit bâtiment en bois (étable, grange ?).
Comprendre l’évolution du paysage
À quoi ressemblent les paysages qui se sont succédés à Nouvelle-Église ? Le géoarchéologue étudie tous les indices à sa disposition pour comprendre les différentes couches de sédiments, leur formation et leur succession. On appelle cette science la stratigraphie.
Il commence par faire de nombreuses observations à l’oeil nu. Des coquillages en place dans un niveau de sable sont synonymes d’une incursion marine. Une couche brune riche en matière organique témoigne d’une zone humide riche en végétaux (marais ou tourbière). Il complète ses observations en effectuant des prélèvements sous forme d’échantillons de terre, afin d’analyser les pollens, graines et coquillages anciens. Ces indices permettent de reconstituer les végétations et paysages qui se sont succédé sur ce secteur.
Les archéologues prélèvent des échantillons de terres contenant des anciens pollens, charbon de bois et coquillages. Ces prélèvements sont faits avec le plus grand soin, afin de ne pas polluer les échantillons et de ne pas fausser les résultats.
Ce schéma stratigraphique présente la succession des niveaux de sédiments découverts sur le site de Nouvelle-Église et la variation des paysages sur ce territoire.