Rapport 2010
Ce projet d’aménagement s’inscrit dans le cadre de mesures de valorisation et de protection du site des « 2 Caps » (cap Blanc-Nez et cap Gris-Nez), engagées par le Conseil général du Pas-de-Calais dans le cadre d’une « opération grand site » (OGS), initiée par le Ministère de l’Écologie et du Développement Durable. Le diagnostic archéologique a révélé la présence d’un habitat retranché du Néolithique moyen II, qui occupe la totalité de l’emprise du projet d’aménagement sur une surface totale de 2.4 ha et a donné lieu à une prescription de fouille.
Culminant à 150 m d’altitude, le Mont d’Hubert constitue la bordure crayeuse nord-occidentale de l’Artois, une position de hauteur qui offre un panorama sur un rayon de 30 km. Lorsque les conditions atmosphériques sont favorables, on aperçoit les côtes anglaises à l’ouest, la ville de Dunkerque au nord, les monts de Flandres au nord-est tandis que vers le sud on domine la boutonnière du boulonnais.
L’occupation est implantée sur un substrat principalement calcaire, affecté par endroit d’énormes poches d’argile de décalcification et de quelques placages sableux.
La programmation de l’intervention archéologique en deux temps a été dictée par la volonté du Conseil général du Pas-de-Calais, en tant qu’aménageur, de démarrer les travaux archéologiques dès l’automne de l’année 2010 tout en évitant des conditions climatiques difficiles durant l’hiver qui nous ont amené à différer, au printemps de l’année suivante, le reste de l’opération.
Ainsi, une première zone de 8 000 m² a été décapée et fouillée de septembre à octobre 2010, elle comprend une partie du fossé d’enceinte ainsi que toute la partie de l’emprise située à l’extrémité ouest. Les plans de plusieurs constructions à ossature de bois, avaient été identifiés et partiellement observés lors du diagnostic. La fouille a confirmé la présence de plusieurs structures situées à l’extérieur de l’enceinte néolithique mal conservées et qui ne permettent pas de restituer un plan de construction.
Le mobilier particulièrement indigent, dans ces trous de poteau, est attribuable à un horizon protohistorique sans plus de précision. Un fossé peu profond, au tracé légèrement incurvé a été partiellement reconnu sur quelques mètres de longueur. Il a livré en surface de nombreux silex taillés et qui à ce stade ne permettent pas d’évoquer une datation.
Enfin, un ensemble trous de poteau récents, qui comportaient encore des fiches métalliques dans les comblements (support de barbelés ?), se développe par rangée de trois à quatre poteaux dans la partie sud de l’emprise.
L’enceinte Néolithique a été décapée à l’endroit précis d’une interruption, reconnue lors du diagnostic, dans le creusement du foss
é permettant un passage sur une largeur de 3.70 m. Cette interruption ne présente pas d’aménagements particuliers, mais elle est bordée de part et d’autre par deux petits segments de 5 à 6 m de long se prolongeant par des tronçons de fossé beaucoup plus longs dont l’un continue clairement en dehors de l’emprise. Les deux petits segments sont implantés de manière symétrique mais en alternance s’appuyant pour l’un sur le bord interne et pour l’autre sur le bord externe de l’enceinte.
En plan, un rétrécissement marque le contact entre le petit et le long tronçon suggérant une relation chronologique entre les deux creusements. En réalité, il n’y a pas véritablement d’interruption mais plutôt un effet de seuil sur un peu plus d’1 m de large créé par la remontée du niveau de creusement entre le petit et le long segment. La stratigraphie conservée à cet endroit est peu dilatée et met en perspective, à chaque fois, un comblement synchrone entre les deux tronçons de fossé.
Les remplissages des fossés montrent un apport crayeux important dans les comblements et livrent un mobilier archéologique riche et varié, composé essentiellement par de nombreux restes de débitage et d’outils en silex secondaire, de matériel en grès et de récipients en céramique. Le substrat carbonaté a favorisé la conservation de rejets fauniques et de coquillages marins.
La seconde tranche des travaux permettra de dégager complètement le tracé du fossé d’enceinte et d’en explorer la partie interne.
Ivan PRAUD et Elisabeth PANLOUPS
Rapport 2011
Les travaux de protection et de mise en valeur du site des Deux Caps (Gris-Nez et Blanc-Nez) sur le littoral régional dans le cadre de « l’Opération Grand Site » et placés sous la responsabilité du Conseil Général du Pas-de-Calais ont entraîné des surveillances archéologiques en vue de futures constructions d’aires de stationnement en arrière du trait de côte. Le diagnostic archéologique mené en 2007 sur la parcelle d’un parking au Mont d’Hubert à Escalles a ainsi révélé la présence d’un habitat retranché daté du Néolithique moyen II. Cette découverte a donné lieu à une prescription de fouille du Service Régional de l’Archéologie.
L’opération s’est déroulée en deux temps : une première tranche a été réalisée durant l’automne 2010 (BSR, 2010) qui fût suivie d’une seconde au printemps 2011. Une équipe du Centre départemental d’Archéologie placée sous la direction scientifique de l’Inrap (Institut National de Recherches Archéologiques Préventives) a pu fouiller intégralement une surface de 2.4 ha sur une durée totale de 5 mois. Nous en présentons ici les principaux résultats obtenus à l’occasion de la fouille qui s’est déroulée de mars à juin 2011.
Le site archéologique est implanté au sommet du Mont d’Hubert dans un contexte géographique singulier. En quittant la baie de Wissant et son rivage sableux vers le Nord, le relief s’élève progressivement marquant la côte d’une série de crans, vestiges d’une érosion liée à un niveau marin plus bas que l’actuel. Le cran d’Escalles au pied du Mont d’Hubert en constitue un exemple bien marqué dans le paysage. Le Mont d’Hubert, situé à moins d’un kilomètre en retrait du cap Blanc Nez, forme la bordure crayeuse nord-occidentale de l’Artois et culmine à 150 m d’altitude. Il occupe une position dominante offrant une vue panoramique des côtes anglaises aux monts des Flandres dans un rayon de 30 km.
Le décapage archéologique de la seconde tranche, sur une surface de 1.6 ha, a permis de dégager le tracé du fossé d’enceinte ainsi qu’une partie de l’aire interne. Il a révélé, d’un point de vue géologique, un substrat calcaire affecté par d’énormes zones d‘argile de décalcification comportant des poches de dissolution qui ont piégé des limons pléistocènes et des lambeaux sableux tertiaires du Diestien.
L’occupation néolithique a été probablement préservée jusqu’à la seconde guerre mondiale. Sur la parcelle décapée, nous avons recensé plus d’une trentaine d’impacts de bombes et une zone totalement remaniée de 2500 m² au nord-ouest de l’emprise, détruisant définitivement le gisement sur près de 0.5 ha. Des installations militaires sont également présentes, elles se matérialisent par cinq rangées parallèles de piquets traversant l’emprise selon un axe nord-ouest / sud-est, auxquelles s’ajoutent plusieurs tranchées de communication entre les blockhaus. La structuration de l’enceinte néolithique s’en trouve partiellement endommagée.
Les versants du Mont d’Hubert présentent une importante déclivité. À l’endroit où le Mont s’élargit vers l’ouest il est barré par le creusement d’un imposant fossé enserrant un espace interne large limité dans la partie occidentale par le versant le plus abrupt de l’éperon crayeux. Le tracé du fossé est assez rectiligne, il a pu être suivi sur 120 m de long jusqu’aux limites de l’emprise. Au-delà, son parcours continu, mais demeure inconnu. Il est constitué de quatre segments principaux, dont la largeur moyenne est de 3.50 m, creusés sur des profondeurs pouvant atteindre plus d’1.60 m. Trois interruptions ont été reconnues, mais seule l’entrée septentrionale est restée intacte. Les deux autres ont été touchées par des bombardements intensifs. Le passage au nord, large de 3.70 m, est bordé par deux petits segments de 5 m à 6 m de long, attenants à des tronçons plus allongés. La conservation partielle de l’interruption située au centre du décapage suggère l’existence d’un aménagement similaire à celui observé précédemment. Enfin, en limite sud de l’emprise, le départ d’un nouveau segment de fossé témoigne d’un lieu de passage dont il ne reste plus grand chose.
L’aire interne est caractérisée par une dizaine de fosses creusées indifféremment dans les argiles de décalcification comme dans la craie. Deux d’entre elles présentent une morphologie circulaire en plan, des parois très abruptes et ont été creusées sur 1,50 m de profondeur dans la craie. Elles comportent de nombreux restes fauniques dont certains sont mis en scène. La structure 546 a livré au sommet de son comblement plusieurs bois de cerf et au fond un jeune chevreuil en connexion anatomique. Ces dépôts de faune chassée sont attestés sur quelques sites du Néolithique moyen II dans des contextes tout à fait comparables.
A l’ouest de l’emprise, dans une vaste doline, une imposante structure a été creusée dans un encaissant sableux. La présence de planches et de pieux en bois en place indiquent un milieu humide continu et un souci d’aménagement d’une structure implantée dans un sédiment particulièrement instable. Les premières observations sur l’organisation des bois suggèrent une fonction liée à un approvisionnement en eau douce. Les éléments mobiliers découverts dans le comblement sont peu nombreux et invitent à rester prudent quant à la datation de cette structure.
Aucun bâtiment n’a été identifié à l’intérieur de l’enceinte. Au diagnostic, les traces de deux bâtiments avaient été mises en évidence dans la partie externe de l’enclos. Très arasés, les poteaux n’ont pas été retrouvés lors de la fouille. D’autres structures sont présentes à l’extérieur de l’enceinte. Elles sont globalement très arasées et non datées. Certaines sont attribuables à la Protohistoire sans plus de précision. La présence de structures néolithiques à l’extérieur de l’enceinte, sans être exclue, ne peut être affirmée.
Le mobilier provient essentiellement du comblement du fossé. Sur les 120 mètres de fossé fouillés intégralement, plus de 1500 kg de silex, 500 kg de grès, 200 kg de faune et 120 kg de céramique ont été exhumés. A cela, il convient d’ajouter de nombreux restes humains et plusieurs milliers de litres de coquillages marins.
L’étude du site est en cours. Plusieurs axes seront privilégiés au cours des études de mobilier. Nous mettrons l’accent sur les stratégies d’approvisionnement en matière première de ces communautés, sur la définition des différentes étapes des chaînes opératoires représentées sur le gisement et des analyses typo-technologique des outillages. La très bonne conservation, en milieu carbonaté, des restes d’ossements humains et animaux, constitue un atout considérable dans notre région pour étudier la composition du cheptel domestique, de la gestion des troupeaux, des équilibres alimentaires de ces populations (apport carné, végétal et marin) ainsi que de la place de l’animal dans la société.
En outre, la présence, la répartition et la détermination des restes humains désarticulés mêlés aux rejets permettra aussi d’alimenter la réflexion sur la fonction du site. La comparaison des principaux résultats avec les séries régionales et extra-régionales orientera, dans un premier temps l’attribution chrono-culturelle du site puis, dans un cadre élargi à l’échelle de l’Europe du Nord-Ouest, soulignera les caractères particuliers ou communs ainsi que les contacts éventuels entretenus avec des sites appartenant au même horizon chronologique.
Ivan PRAUD et Elisabeth PANLOUPS
Références des rapports
Ivan Praud (responsable scientifique pour l'Inrap), Elisabeth Panloups (responsable d’opération adjointe pour le Conseil Départemental du Pas-de-Calais),
Mont d’Hubert, Escalles (pas-de-calais),
Rapport de fouille préventive, édition Inrap Amiens (Nord-Pas-de-Calais) , 2014, 5 vol. (336, 228, 235, 161, 143 p.).