La Direction de l’Archéologie du Pas-de-Calais a procédé, de janvier à mars 2022 et sous la responsabilité d’Élisabeth Panloups, au diagnostic archéologique portant sur le secteur 4 de la deuxième tranche opérationnelle du projet du Canal Seine-Nord Europe. La zone concernée par cette intervention se situe au sud-est de Oisy-le-Verger, depuis la RD 21 au nord à la limite communale avec Sauchy-Lestrée au sud.
L’emprise s’étende sur plus de 27 ha, localisée sur le rebord nord du plateau du Cambrésis. Sa topographie est entaillée de petites vallées et vallons secs qui viennent se jeter dans la Sensée plus au nord. 62 tranchées ont été réalisées représentant 12,7 % de la surface prescrite.
Les résultats du diagnostic viennent compléter les découvertes adjacentes faites lors des précédentes opérations archéologiques du Canal Seine-Nord Europe, notamment le diagnostic de D. Gaillard réalisé en 2008 (Gaillard et Gustiaux 2009). À la suite de ce diagnostic, deux fouilles avaient été effectuées par T. Marcy en 2009 (Marcy 2011) concernant la nécropole aristocratique augustéenne et par P. Lefèvre pour les Langgräben en 2010 (Léfèvre 2010) (Figure 185, page 182).
Aucune structure contemporaine des vestiges funéraires Bronze final / premier âge du Fer fouillés en 2009 n’a été identifiée au cours du diagnostic, à l’exception d’une fosse Hallstatt / La Tène ancienne retrouvée dans le secteur 6, soit à plus de 600 m au sud-ouest des Langgräben.
Les premières traces d’anthropisation mises en évidence sur ce diagnostic sont liées à la mise en place des fossés parcellaires, probablement au cours de La Tène moyenne ou finale. La majorité des vestiges protohistoriques se concentre dans le secteur 5 et au nord du secteur 6, où un silo a notamment été découvert, sans autre structure potentiellement contemporaine conservée à proximité. De manière plus erratique, quelques fossés et de rares fosses protohistoriques sont identifiés dans les secteurs 1, 3 et 4.
Aucun hiatus d’occupation n’est observé entre La Tène finale et la période augustéenne. Les structures, toujours peu nombreuses, sont principalement identifiées dans le secteur 5. Il s’agit majoritairement de fosses, et non plus de fossés.
Trois occupations distinctes ont été identifiées pour la période gallo-romaine, principalement datées du Haut-Empire. Elles regroupent une aire funéraire, une carrière de grès et un espace dévolu aux activités agro-pastorales. Aucun habitat associé n’a été identifié.
Au sud du Bois du Puits, le réseau parcellaire gallo-romain s’est révélé particulièrement dense dans le secteur 5. Ces vestiges semblent se situer en marge de tout habitat. En effet, aucun enclos ou plan de bâtiment ne sont identifiés. Les fosses, sans vocation clairement déterminées, semblent se concentrer aux abords des fossés et plus particulièrement des intersections. L’interprétation fonctionnelle possible de cet espace pourrait relever d’activités principalement agro-pastorales. Ces observations méritent d’être modérées car les vestiges sont particulièrement arasés et livrent peu de mobilier.
À l’extrémité nord-est de l’emprise, dans le secteur 2, une aire funéraire de 5 tombes associée à un chemin gallo-romain complète significativement les découvertes archéologiques à proximité. Ce nouvel espace sépulcral se situe à moins de 300 m de la nécropole aristocratique augustéenne fouillée à proximité en 2010. Ce nouveau locus funéraire est vraisemblablement plus récent, utilisé sur un temps court entre la seconde moitié du Ier siècle et le début du deuxième siècle après J.-C. Même si les deux sites ne sont pas contemporains et relèvent d’un statut social différent, ils présentent une organisation similaire en bord de chemin. Les axes de circulation se révèlent par ailleurs potentiellement contemporains et pourraient donc se raccorder. Dans tous les cas, la découverte d’un second espace sépulcral ancre davantage ce secteur, le long de l’actuel RD 21, dans un paysage funéraire sur le temps long.
Immédiatement au nord du Bois de Bloquières ou Bois du Puits, dans le secteur 4, une vaste zone d’extraction a été identifiée sur près de 7000 m², activité ayant possiblement donné son nom au Bois qui s’est développé par la suite. La présence de galeries peu profondes semble avoir eu pour but la collecte de blocs de grès, matière première présente en quantité sur la butte tertiaire et ses abords. La mise en évidence de puits laisse entrevoir l’exploitation possible d’autres matériaux présents plus en profondeur, comme l’argile ou la craie. La datation de cette carrière n’est pas aisée. Très peu de matériel a été mis au jour, tant en surface que lors des différents tests. Celui-ci est attribué majoritairement à la période gallo-romaine. Si quelques éléments antérieurs sont présents, aucun mobilier plus tardif, médiéval, moderne ou contemporain n’est présent. La question se pose de savoir si le mobilier et les structures antiques sont rattachées à une occupation antérieure détruite par la carrière ou s’ils sont en lien avec cette activité. Si cette dernière hypothèse se trouvait confirmée, les carrières romaines de grès tertiaires sont particulièrement peu documentées. Après le Ier siècle après J.-C., ces grès ne sont retrouvés sur les sites archéologiques qu’en matériaux de construction, et encore, peu de moellons vraiment mis en forme sont identifiés. Les spécialistes du macro-outillage semblent s’accorder sur le principe d’une continuité de l’exploitation des grès tertiaires à l’époque romaine, pour une utilisation non réellement définie à ce jour (Picavet communication personnelle). Les grès seraient ensuite récupérés et réemployés comme matériau de construction. L’usage des grès landéniens a été mis en évidence à plusieurs reprises à proximité, notamment lors des fouilles liées aux projets du canal Seine-Nord Europe ou de la reconversion de l’ancienne Base Aérienne 103.
À 1,5 km du diagnostic, un bâtiment atypique gallo-romain a été édifié avec de nombreux blocs tertiaires, tenant lieu de parois (Maniez en cours). Le lien entre cet édifice aux techniques de construction inédites et la zone d’extraction identifiée lors du diagnostic ne peut que se poser. Lors de la fouille de l’établissement gallo-romain de Sauchy-Lestrée (fouille 32 CSNE : Gaillard, Vanwalscappel 2016), près de 243 fosses d’extraction de grès ont été identifiées, à l’affleurement d’une butte tertiaire localisée sur le versant méridional de l’emprise. Cette activité est en partie contemporaine de l’occupation de la ferme entre la fin du 2ième siècle et la fin du 3ième siècle après J.-C. Les fosses présentent deux morphologies principales avec des structures quadrangulaires à parois droites et des creusements aux contours irréguliers (Gaillard, Vanwalscappel 2016 : 116-121). Peu de mobilier a été récolté lors de la fouille, en dehors d’importantes quantités de déchets de taille. La carrière est exploitée au delà du 5ième siècle après J.-C., où elle est desservie par un chemin. L’usage de la dynamite au cours du 19ième siècle est également attesté (Gaillard, Vanwalscappel 2016 : 166). Plus globalement, à l’échelle de l’ensemble des fouilles réalisées sur la plateforme de Marquion, ce sont plusieurs dizaines de tonnes de grès qui ont été extraits, utilisés et ré-utilisés de la fin du Néolithique à nos jours (Prilaux, Lefèvre 2016 : 209-211). L’exploitation la plus intense se situe à l’époque gallo-romaine comme matériau de construction et dans la confection d’outils. Sur ces sites, l’extraction s’effectue directement sur place à proximité immédiate ou au contact des espaces habités. Cette organisation simultanée et au même endroit des activités artisanales et domestiques semble pouvoir s’appréhender différemment à Oisy-le-Verger où la carrière est indépendante de l’espace habité.
L’étude des mines et matériaux associés est inscrite dans l’axe 12 de la Programmation nationale de la recherche archéologique (CNRA 2016 : 165-174). Les anciennes carrières font partie intégrante du patrimoine archéologique et revêtent un intérêt scientifique majeur pour la compréhension de leur fonctionnement. Mais leur datation en contexte de diagnostic ou de prospection est difficile (CNRA 2016 : 167), d’autant plus que leur utilisation est le plus souvent diachrone (CNRA 2016 : 167). Plus largement, les sites miniers se situent à l’interface du milieu naturel et de l’espace organisé par l’homme et nécessitent des moyens d’études pluridisciplinaires permis par l’archéologie préventive.
Cette carrière participe pleinement au fonctionnement d’un territoire rural particulièrement structuré à la période gallo-romaine, où l’ensemble des composantes économiques, sociales, commerciales et cultuelles sont présentes. L’étude approfondie de ce site s’intègre donc également dans une démarche d’étude territoriale de l’occupation du sol à l’Antiquité, telle que préconisée dans l’axe 10 de la programmation nationale de la recherche archéologique (CNRA 2016 : 149).
Référence du rapport
Panloups, Chombart et al. 2022 : Élisabeth Panloups, Jérémie Chombart, avec la collaboration de Élisabeth Afonso Lopes, Axel Beauchamp, Dimitri Boutteau, Justine Cadart, Déborah Delobel, Emmanuelle Leroy-Langelin, Laurent Wilket,
Oisy-le-Verger (Pas-de-Calais), Canal Seine-Nord Europe (CSNE), Secteur 4 - Tranche opérationnelle 2,
Rapport final d’opération de diagnostic, édition Direction de l’Archéologie du Pas‑de‑Calais, Dainville, 324 pages, 186 figures.