Archéologie - Pas-de-Calais le Département
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Saint-Omer, rue de la Haute Meldyck , Quartier de la Cavalerie, 2021, diagnostic

La Région Hauts-de-France projette de viabiliser l’ancienne friche militaire de la caserne Foch, rue de la Haute Meldyck, en accompagnant un programme de construction d’un hôtel et d’immeubles locatifs du bailleur Promogim. L’impact sur le sous-sol archéologique du projet a conduit le Service Régional de l’Archéologie à prescrire un diagnostic archéologique sur plus 1,5 hectare et désigné la Direction de l’Archéologie du Pas-de-Calais pour réaliser l’opération. Au total, 7 tranchées complétées de sondages ont permis de mettre au jour des fortifications urbaines et les douves.

L’opération de diagnostic est localisée dans un secteur ancien de la ville Saint-Omer qui jouxte l’abbaye de Saint-Bertin fondée au 7ième. Une fouille réalisée en 1996 dans la partie nord-est du périmètre prescrit avait dégagé des vestiges médiévaux conservés à plus de 2,50 m de profondeur (sous la cote NGF des 5 m). Une occupation du secteur antérieurement à la fin du 10ième siècle (assèchement des terres) a été caractérisée. Elle a été suivie de creusements de fossés en lien avec les travaux hydrauliques de la basse Meldyck du 10ième au 13ième siècle. Un tronçon du rempart du 13ième et des témoignages des travaux du bastion ont été également identifiés.

Le diagnostic de novembre 2021 vient compléter ces résultats. La datation des découvertes du diagnostic, en l’absence de mobilier, repose sur leur nature (structures défensives modernes), la stratigraphie et la confrontation avec l’iconographie. Des parallèles ont pu être établis entre les deux opérations. Sur la fouille, les vestiges sont scellés par des remblais modernes identiques à ceux du terre-plein repéré lors du diagnostic. Il est d’ailleurs possible que le sommet de la stratigraphie médiévale (des remblais) ait été mise au jour sous ces remblais à la cote NGF 5,90 m. Elle n’a pas pu être examinée dans le détail car les investigations ont été limitées par les remontées rapides de la nappe et les nombreux réseaux actifs. Les fossés dégagés lors de la fouille, qui peuvent être assimilés aux cours d’eau artificialisés dès l’époque carolingienne, se poursuivent très certainement vers le sud-est, sous les niveaux modernes du diagnostic. Leur étude permettrait d’appréhender le réseau hydrographique urbain du 10ième au 16ième, les techniques de canalisation, l’économie de l’eau voire l’environnement (étude des restes organiques).

Les découvertes majeures du diagnostic demeurent la mise au jour, à moins de 0,40 m sous le TN, des fortifications de l’angle oriental de la ville. L’ensemble, formé d’un rempart, d’une poterne, d’un terre-plein et d’un mur de contrebutement, est daté de l’époque moderne. De nombreux questionnements restent toutefois à ce jour sans réponse en l’absence d’investigations plus approfondies. Lors de la fouille de 1996, un mur en blocs de calcaire équarris avait été associé à la courtine du 13ième (remparée en brique à l’époque moderne). Ce mur a été plus largement observé lors de l’opération de 2021. Plusieurs éléments attestent une antériorité possible de la maçonnerie en calcaire. Sa conception est très similaire à la courtine médiévale étudiée sur la fouille du Lycée Monsigny. Il a été établi lors du diagnostic que le parement en brique est bien plaqué contre le mur en calcaire. Enfin, son parcours concorde avec les représentations modernes qui placent la courtine médiévale à l’est des cours d’eau.

Mais d’autres indices étayent l’hypothèse d’une construction contemporaine du rempart moderne. Le terre-plein du rempart est monté contre le côté intérieur du mur en calcaire qui n’était pas destiné par sa facture à être apparent. Surtout, le mur fait partie de la face orientale du bastion et se retrouve très en avancée par rapport au tracé général de la courtine médiévale visible sur l’iconographie moderne. La réponse ne peut être apportée que par le dégagement généralisé des murs et de leurs fondations.

Le dégagement de la poterne, bien que superficiel, a mis en évidence la complexité de la structure. Elle a fait peut-être l’objet d’un agrandissement de sa galerie d’accès vers l’ouest. La circulation à l’intérieur est marquée par une rupture de niveau importante à mi-parcours dont il reste à déterminer l’agencement (escalier ou rampe). La fonction du renfoncement avant la sortie n’a pu être définie. Enfin, l’enduit encore largement présent laisse présager la découverte de nombreux graffitis intacts.

Le bastion a très vraisemblablement été construit au début du 17ième siècle par les espagnols (le bastion est figuré sur le plan de Titelouze de 1630) puis possiblement retouché sous Vauban. L’examen détaillé de l’ouvrage peut être une source d’information pour appréhender l’évolution des pratiques militaires.

Les dérivations modernes de la basse Meldyck, qui n’ont pas pu être observées dans les tranchées, ont sans doute été déplacées vers l’ouest hors de l’emprise de la prescription. Les douves en revanche occupent la moitié orientale des parcelles. Elles ont été comblées à la fin du 19ième siècle au moment de la démolition du bastion. Le fond n’a pas été atteint (à 3 m sous le TN), excepté dans une tranchée où une possible cunette a été repérée.

Pour conclure, les vestiges offrent un fort potentiel d’étude pour parfaire la connaissance des fortifications urbaines, non seulement de Saint-Omer, mais à une échelle plus large, des places-fortes des frontières sud des Pays-Bas espagnol puis du pré-carré de Vauban. Ces monuments ont parfois été détruits sans fouilles. Depuis quelques années, les chercheurs ont démontré les apports de la fouille pour la connaissance de ces fortifications qui, à la différence des ouvrages toujours en élévation très bouleversés à l’époque contemporaine, conservent de nombreuses infrastructures mal documentées. Ces études peuvent alimenter le sous-axe de l’archéologie militaire de l’axe 14 de la programmation nationale de la recherche archéologique. Elles rentrent aussi dans les champs des thématiques de recherche développés par le PCR des Places-Fortes des Hauts-de-France.

 

rue de la Haute Meldyck, vue du parement du rempart moderne.

Référence du rapport

Willot J.-M. (dir.), avec la participation de Agostini H., Dewitte O., Lousio I. et Rabahi Y.,
Saint-Omer (Pas-de-Calais),Rue de la Haute Meldyck, Rue du Quartier de Cavalerie,
Rapport final d’opération de diagnostic, édition Direction de l’Archéologie du Pas‑de‑Calais, Dainville, 2022, mars, 100 pages, 59 figures.