Quand l’archéologie se penche sur la Grande Guerre
La question ne s'est posée que récemment. Très largement documentée, la Guerre 14-18 n'était pas a priori un champ d'investigation dévolu à l'archéologie. Que pouvait, en effet, apporter cette discipline à la connaissance d'un conflit ayant fait l'objet de tant et tant de travaux historiques, de recherches ? La réponse a été au cœur de l'intervention de Vincent Merkenbreack, archéologue à la Maison de l'Archéologie du Pas-de-Calais. Un nouveau Café Archéo-Archives proposé au public le jeudi 15 novembre dans le cadre de l'exposition "Reconstruire l'avenir après la Première Guerre Mondiale", visible jusqu'au 4 janvier prochain à Dainville.
Inaugurée en France au début des années 90 avec la recherche de la dépouille du romancier Alain Fournier, l'archéologie de la Grande Guerre est, sauf rares et spectaculaires exceptions, une « archéologie opportuniste ». Les découvertes sont ainsi souvent liées à des fouilles qui, au départ, concernaient des époques plus anciennes. Illustration récente à Avesnes-lès-Bapaume : Un emplacement gallo-romain traversé par deux tranchées allemandes de la Première Guerre. « Sur cette zone de quatre hectares, nous avons extrait sept tonnes de munitions potentiellement actives » souligne Vincent Merkenbreack. De nombreux corps aussi qui, comme à chaque fois, font l'objet d'une procédure visant, si possible, à identifier les victimes ou tout du moins à leur garantir une inhumation dans un cimetière militaire : « Nous travaillons en parfaite collaboration avec les autorités françaises mais aussi étrangères comme le Commonwealth. C’est à elles, en effet, qu’il revient de conduire cette mission spécifique. » Les archéologues du Pas-de-Calais côtoient la mort sur les chantiers de fouilles de la 1ere Guerre Mondiale, explorent des rites funéraires qui furent ceux d'une génération confrontée à une hécatombe sans précédent dans l'histoire humaine. Mais comme toujours en archéologie, la vie et les traces qu'elle laisse ne sont pas loin. Les genoux dans la terre, à hauteur d'hommes, les archéologues exhument des objets qui témoignent de cultures et de pratiques du quotidien. « La plus-value de notre spécialité est peut-être là : en matière d'équipement, par exemple, il y a la théorie et puis la réalité du terrain, des usages que nous parvenons à percer. On comprend alors que les soldats de chaque camp ont pris des libertés et se sont adaptés pour améliorer leur quotidien. » Spécialiste de l'époque antique, Vincent Merkenbreack souligne que les interventions conduites sur des sites 14-18 viennent incontestablement enrichir la pratique des professionnels. Elles posent néanmoins questions tant en matière de restauration que de conservation des trouvailles au vu de leur caractère hétéroclite et de leur sur-abondance. Un archéologue qui concède une sensibilité particulière des équipes lorsqu'il s'agit de mettre au jour des vestiges de la Grande Guerre et qui rappelle les bases du métier : "Nous ne sommes pas des chercheurs de trésors. Notre travail consiste à contextualiser nos découvertes, à comprendre, à expliquer." A témoigner aussi d'instantanées de vies et à les partager avec le public.
Texte de François Denoeu