Archéologie - Pas-de-Calais le Département
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L’abbaye du Mont Saint-Éloi, fouille programmée 2011 (vidéo)

Propriétaire des deux tours de l’abbaye du Mont Saint-Éloi depuis janvier 2008, le Conseil général du Pas-de-Calais a démarré la restauration et la valorisation du site. Dans ce but, il met en œuvre avec le soutien du Ministère de la Culture et de la Communication, une campagne de fouilles programmées de 2011 à 2013. Une équipe d’archéologues du Centre départemental d’Archéologie est intervenue d’août à septembre 2011 pour enrichir les connaissances concernant la collégiale moderne (18e siècle).

Vue aérienne lors de la deuxième campagne de fouilles programmées en 2011.

Vue aérienne lors de la deuxième campagne de fouilles programmées en 2011. Droits réservés

Accédez à la transcription textuelle de cette vidéo.

Des résultats du diagnostic de 2010 aux objectifs de la fouille de 2011

En 2010, avant le diagnostic, de nombreuses archives liées à l’histoire millénaire de l’abbaye avaient été consultées pour estimer le potentiel du site. 
En 2011, avant la fouille, les archéologues ont pu s’appuyer sur les premiers résultats archéologiques issus du diagnostic pour affiner leur stratégie d’intervention et leurs problématiques de recherche.

Plan du site de l'abbaye du Mont-Saint-Éloi établit par les archéologues (M. Delage)

Les objectifs fixés ont été de :

  • poursuivre le dégagement des maçonneries de l’église classique et de ses bâtiments conventuels
  • fouiller l’aire sépulcrale au nord-est du site
  • préciser la datation du site.

Les zones d’intervention ont été considérablement agrandies autour du collatéral nord, du transept et du chœur de l’église classique, afin d’en restituer un plan plus précis.

L’abbaye de  chanoines

La fouille a mis au jour de puissantes fondations en calcaire dont le plan restitue le dernier état de l’église abbatiale au 18e siècle.

Les fondations calcaires de cinq chapelles en forme de fer à cheval en très bon état de conservation rayonnent autour d’une abside semi-circulaire.

La fouille a mis au jour de puissantes fondations en calcaire dont le plan restitue le dernier état de l'église abbatiale du 18ième siècle. Les fondations calcaires de cinq chapelles en forme de fer à cheval en très bon état de conservation rayonnent autour d'une abside semi-circulaire.

La fouille a mis au jour de puissantes fondations en calcaire dont le plan restitue le dernier état de l'église abbatiale du 18ième siècle. Les fondations calcaires de cinq chapelles en forme de fer à cheval en très bon état de conservation rayonnent autour d'une abside semi-circulaire. Droits réservés

L’analyse des mortiers, l’observation des techniques de construction et l’étude stratigraphique des maçonneries permettent de retracer en partie la chronologie du chantier de construction de l’église.

Cet escalier en grès est le témoignage d’un aménagement de chantier utilisé par les ouvriers de l’église bâtie en 1750.

Cet escalier en grès est le témoignage d'un aménagement de chantier utilisé par les ouvriers de l'église bâtie en 1750.

Cet escalier en grès est le témoignage d'un aménagement de chantier utilisé par les ouvriers de l'église bâtie en 1750. Droits réservés

 À l’extérieur de l’église, des murs appartenant aux bâtiments conventuels des  chanoines ont été repérés. Bien qu’ils ne soient représentés sur aucun plan ancien, ils semblent avoir été construits dès la période gothique puis réutilisés à l’époque classique.

Un canal, témoin d’un aménagement hydraulique ancien (gothique ?) traverse le bâtiment conventuel.

Un canal témoin d'un aménagement hydraulique ancien, traversait le bâtiment conventuel.

Un canal témoin d'un aménagement hydraulique ancien, traversait le bâtiment conventuel. Droits réservés

 … et la population de villageois

Une soixantaine de sépultures a été retrouvée. L’observation sur le terrain de la position des corps, des modes d’inhumation, puis l’étude morphologique des ossements en laboratoire, révèlent qu’il s’agit d’une population villageoise enterrée entre le 12e siècle et le 15e siècle.

Des archéologues dégagent une tombe à coffrage en dalles de grès. L’architecture funéraire caractérise souvent des pratiques propres à chaque époque.

Des archéologues dégagent une tombe à coffrage en dalles de grès. L'architecture funéraire caractérise souvent des pratiques propres à chaque époque.

Des archéologues dégagent une tombe à coffrage en dalles de grès. L'architecture funéraire caractérise souvent des pratiques propres à chaque époque. Droits réservés

Les artisans

L’étude stylistique des blocs sculptés retrouvés pendant la fouille est un moyen de préciser la datation de certains vestiges. La comparaison avec des éléments encore visibles en élévation sur les tours enrichit cette étude.

Dès leur découverte sur le terrain, les blocs lapidaires reçoivent un premier traitement, avant d’être inventoriés puis étudiés en laboratoire.

Dès leur découverte sur le terrain, les blocs lapidaires reçoivent un premier traitement, avant d'être inventoriés puis étudiés en laboratoire.

Dès leur découverte sur le terrain, les blocs lapidaires reçoivent un premier traitement, avant d'être inventoriés puis étudiés en laboratoire. Droits réservés

À l’occasion de la campagne de restauration des deux tours, des détails de l’architecture classique ont pu être observés avec plus de précision et comparés à ceux retrouvés en fouille.

Si le plan de l’église classique se dessine progressivement, les archéologues espèrent en apprendre davantage sur l’église gothique (13e siècle) qui l’a précédée. La campagne de fouille, programmée sur trois ans, leur réserve encore de belles surprises.

À l'occasion de la campagne de restauration des deux tours, des détails de l'architecture classique ont pu être observés avec plus de précision et comparés aux blocs retrouvés en fouille.

À l'occasion de la campagne de restauration des deux tours, des détails de l'architecture classique ont pu être observés avec plus de précision et comparés aux blocs retrouvés en fouille. Droits réservés

 

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Transcription textuelle de la vidéo

Pour la première des trois campagnes annuelles, les fouilles se poursuivent au cimetière médiéval du Mont Saint-Éloi. L’archéo-anthropologue Déborah Delobel va tâcher de répondre à deux questions majeures.

Été 2010 : les équipes d'archéologues du Département du Pas-de-Calais effectuaient un diagnostic sur le site de l’abbaye du Mont Saint-Éloi et découvraient, entre autres choses, un cimetière datant de l’abbatiale moderne, entre 1800 et 1830. 37 individus avaient été dégagés.

Pour la première des trois campagnes annuelles, les fouilles se poursuivent au cimetière médiéval du Mont Saint-Éloi. L’archéo-anthropologue Déborah Delobel va tâcher de répondre à deux questions majeures : "Qui étaient ces individus : des moines ou des villageois ?" et "Quel était l’état de santé générale de la population ?".

En l’absence de documents historiques et de toute trace d’appartenance sociale comme un tissu ou une parure, il va falloir faire parler les os.

Déborah Delobel, archéo-anthropologue du Département du Pas-de-Calais : Les villageois travaillent plutôt avec le haut du corps et de manière intensive, car ils ont généralement des activités manuelles. Nous allons ainsi pouvoir observer les insertions musculaires des individus et dire si oui ou non ils ont beaucoup usité leurs muscles. Un moine sera, lui, plutôt "en prière" : ses pathologies se trouveront plutôt au niveau des genoux.

Première étape : dégager les os, un travail délicat qui demande beaucoup de patience. La position des bras, des mains, de la tête, l’orientation du corps sont autant d’indications pour déterminer les pratiques funéraires. Aucun os ne doit être déplacé avant de photographier la sépulture, c’est la deuxième étape.
Ces photos prises à la verticale du haut vers le bas seront les seuls supports visuels lorsque la tombe sera vidée.

Une échelle, une flèche indiquant le Nord et le numéro de référencement de l'individu sont déposés au bord du caveau avant de fixer l'image.
Des relevés topographiques viendront préciser la position du caveau.

Déborah Delobel : Malgré les photos, il nous faut garder une trace. Nous avons donc une fiche anthropologique qui nous permet d'indiquer toutes les positions des ossements. Nous avons aussi une fiche de conservation sur laquelle apparaît un squelette éclaté et sur lequel on peut griffonner les os présents dans la tombe. Cela nous permet de savoir le nombre d'os présents et l'état dans lequel ils ont été découverts.

Déborah peut maintenant procéder au prélèvement des os, placés dans un sac plastique référencé.

La campagne de fouille terminée, nous retrouverons notre anthropologue en laboratoire pour la phase d’étude du matériel recueilli.
Le nettoyage des os permet déjà à l’anthropologue de noter quelques indications sur l’état de santé de l’individu.

De son vivant, il a perdu toutes ses molaires sauf une, l’os ayant eu le temps de se remodeler en bouchant la cavité dentaire. Les dents du devant fortement usées et cariées témoignent d’une alimentation d’origine essentiellement végétale.
Les restes minéraux présents dans les légumes ont tendance à accélérer l’usure dentaire.

Les os sont ensuite collés et mesurés. Reportées sur une table de taille, les mesures effectuées précisent la stature de l’individu.
L’examen du bassin permet de déterminer le sexe, tandis que l’analyse des sutures du crâne détermine l’âge.

Déborah Delobel : Ces sutures se rejoignent et se soudent au fur et à mesure que l'individu grandit. Cela va nous permettre de donner un âge approximatif de l'individu. Sur ce crâne, les sutures commencent à se ressouder, on le voit également derrière : cette personne avait donc une trentaine d'années. Chez l'enfant, les sutures sont totalement ouvertes : elles n'aident donc pas à déterminer l'âge, contrairement à l'évolution dentaire.

Poussant davantage ses investigations, l’archéologue va maintenant définir l’état de santé des individus enterrés au Mont Saint-Éloi.

Déborah Delobel : On peut voir de l'os nouveau qui est venu se mettre sur l'os : il s'agit en fait d'une infection. Tous ces petits points correspondent à une vascularisation : il n'y avait plus de cartilage, une partie de l'os était détruite, il y a donc eu un apport de sang. Tout ceci est symptomatique d'une arthrose, une arthrose de la hanche.

Parallèlement, de petits indices, comme les caractères discrets, vont permettre d’établir des liens de parenté entre les individus. Il s’agit de légères anomalies osseuses non pathologiques génétiquement transmissibles. Ici un petit trou à la base de l’humérus.

Un nombre suffisant d’individus a été prélevé sur la fouille du Mont Saint-Éloi pour établir des statistiques de sa population à l’époque médiévale. Les résultats intermédiaires préfigurent déjà un état de santé globalement mauvais pour une population d’origine villageoise.

Réalisation : Direction de la Communication, Vadim Gressier