Archéologie - Pas-de-Calais le Département
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La Confrérie des Charitables, une histoire et des valeurs (vidéo)

e 6 juin 2024, la Maison de l'Archéologie du Pas-de-Calais à Dainville a accueilli le dernier café-archéo de l'exposition "Un pied dans la tombe : du terrain au labo, une enquête anthropologique". Cette exposition, qui se tient jusqu'au 16 juin 2024, offre aux visiteurs une exploration fascinante des rites funéraires et des traditions liées à la mort à travers les âges. Michel Beaugrand, ancien Prévôt, et Jean-Paul Trentesaux, Mayeur, deux membres éminents de la Confrérie des Charitables de Béthune, ont partagé l'histoire et les valeurs de cette institution remarquable qui perpétue depuis plus de huit siècles une tradition de respect et d'humanité envers les défunts. 

Michel Beaugrand et Jean-Paul Trentesaux chantent la chanson des Charitables.

Aux origines de la Confrérie : Une réponse à l'épidémie de peste

 
C'est en 1188, lors d'une épidémie de peste particulièrement meurtrière, que Germon de Beuvry et Gauthier de Béthune ont fondé la Confrérie des Charitables suite à une apparition de saint Éloi dans leurs songes. Face à l'ampleur de la crise sanitaire et au nombre croissant de morts, ces deux hommes ont décidé d'unir leurs forces pour offrir une sépulture digne à tous les défunts, quelle que soit leur condition sociale. Ainsi est née la mission humaniste de la Confrérie, guidée par la devise "UnionExactitudeCharité". Ces trois mots résument à eux seuls l'engagement des Charitables : travailler ensemble dans un esprit de solidarité, être ponctuels et rigoureux dans l'accomplissement de leur tâche, et faire preuve de compassion et de générosité envers les familles endeuillées.

Présentation des charitables pendant le café-archéo

 

Une reconnaissance croissante au fil des siècles

 
Au fil des siècles, la Confrérie des Charitables a gagné en reconnaissance et en prestige. En 1659, Louis XIV lui-même a sollicité l'aide des Charitables pour ravitailler ses troupes lors de ses campagnes militaires dans les Flandres. Ce soutien royal témoigne de la confiance accordée à la Confrérie et de son rôle important dans la vie de la cité. Plus récemment, lors des deux guerres mondiales, les Charitables ont une nouvelle fois démontré leur dévouement en assurant les inhumations dans des conditions souvent difficiles. Leur engagement sans faille leur a valu une citation à l'ordre de l'armée pendant la Première Guerre mondiale, tandis que le Prévôt s'est vu décerner la Légion d'honneur pour son action durant la Seconde Guerre mondiale. 

Présentation des charitables pendant le café-archéo

 
L'égalité devant la mort : Une valeur fondamentale de la Confrérie

L'un des principes fondateurs de la Confrérie des Charitables est l'égalité de tous les êtres humains devant la mort. Qu'ils soient riches ou pauvres, puissants ou modestes, tous les défunts ont droit au même respect et à la même dignité. Les Charitables accompagnent chaque défunt de la même manière, avec la même attention et le même souci du détail, sans distinction de classe sociale. Cette valeur d'égalité se reflète également dans l'ouverture de la Confrérie à toutes les confessions. Catholiques, protestants, orthodoxes, musulmans ou non-croyants, tous les défunts sont les bienvenus et bénéficient des mêmes services. Dans une société marquée par les divisions et les inégalités, cette égalité devant la mort est un symbole fort de l'engagement humaniste des Charitables. 

Le rôle des Charitables lors des obsèques

Lors des obsèques, les Charitables sont facilement reconnaissables à leur tenue distinctive : un bicorne, une chemise blanche portant le rabat et un nœud papillon, des gants blancs et enfin d’un plissé adossé à la redingote noire. Cet uniforme sobre et élégant confère à leur mission une solennité et une dignité particulières. Le rôle des Charitables consiste à accompagner le défunt tout au long de son dernier voyage, depuis son domicile jusqu'à sa dernière demeure. Ils escortent le cercueil à l'église pour la cérémonie religieuse, puis au cimetière pour l'inhumation. Huit Charitables se relaient pour porter le cercueil, un geste à la fois physique et symbolique qui témoigne de leur engagement envers le défunt et sa famille. Le Chéri, quant à lui, veille au bon déroulement de la cérémonie et s'assure que chaque détail est respecté. Il peut également infliger des amendes aux Charitables qui commettraient un manquement à leurs devoirs, garantissant ainsi la discipline et la rigueur au sein de la Confrérie. Et si vous avez une redingote noire dans vos placards, ils la récupèrent, il n’y a pas de petites économies. 

  
La procession annuelle : Un hommage aux fondateurs 

Chaque année, la Confrérie des Charitables organise une procession qui suit le parcours historique emprunté par Germon Beuvry et Gauthier de Béthune lors de leur rencontre fondatrice. Cette procession est l'occasion de rendre hommage aux deux hommes qui ont donné naissance à cette institution unique, mais aussi de réaffirmer les valeurs et les engagements de la Confrérie. Le point d'orgue de la procession est l'accolade symbolique échangée entre les vénérables doyens de Béthune et Beuvry, un geste de fraternité et d'unité qui rappelle les liens indéfectibles entre les deux cités. La procession est également le moment de présenter les reliques et les attributs de la Confrérie, témoins tangibles de son histoire et de son patrimoine.

 

Présentation des charitables pendant le café-archéo

Un engagement social au cœur de la mission des Charitables

Au-delà de leur rôle dans les obsèques, les Charitables sont profondément engagés dans l'action sociale. En collaboration avec les assistantes sociales, ils apportent une aide d'urgence aux familles en difficulté, leur permettant de faire face aux frais liés aux funérailles. Cette aide, qui oscille entre 50 et 80 euros, est délivrée dans un délai très court, souvent dans les deux heures suivant la demande. Les Charitables interviennent ainsi environ 150 fois par an, apportant un soutien précieux aux familles les plus démunies. Pour financer cette action sociale, la Confrérie organise régulièrement des quêtes, faisant appel à la générosité des habitants de Béthune et des environs.

  

Présentation des charitables pendant le café-archéo

La Quête des "Petits Plombs" : une tradition de partage à Béthune

La Confrérie des Charitables perpétue depuis des siècles une tradition d'entraide et de solidarité envers les plus fragiles. Au cœur de cette action se trouve la "Quête des Petits Plombs", un événement annuel qui témoigne de la générosité des Béthunois. 

 

Présentation des charitables pendant le café-archéo

Autrefois, la générosité des donateurs était récompensée par des méreaux, du latin « merere » signifiant « mériter une récompense, un bon pour », de petites pièces de plomb frappées du symbole de la Confrérie. 

Véritable monnaie d'échange, ces jetons permettaient aux plus démunis de recevoir leur ration de pain, symbole fort de partage et de fraternité. 

Aujourd'hui, si les méreaux ont disparu au profit de tickets, l'esprit de la quête perdure. Chaque année, les membres de la Confrérie sillonnent les rues de la ville pour récolter les dons des habitants. En échange de leur générosité, ceux-ci reçoivent un ticket "bon pour un petit pain de Saint Eloi", témoin de leur participation à cet élan de solidarité.  

 

Les défis de la transmission et de la pérennité 

Malgré la beauté de leur engagement et la reconnaissance dont ils jouissent, les Charitables sont confrontés à des défis majeurs pour assurer la pérennité de leur confrérie. Le vieillissement des membres est une préoccupation croissante, avec une quinzaine de Charitables âgés de plus de 80 ans. Le plus jeune membre n'a que 45 ans, ce qui témoigne de la difficulté à susciter des vocations parmi les nouvelles générations. Les exigences physiques de la tâche, notamment le port des cercueils, et la disponibilité requise en journée pour les obsèques peuvent constituer des freins à l'engagement. Face à ces défis, les Charitables redoublent d'efforts pour faire connaître leur mission et transmettre leurs valeurs aux plus jeunes. 

L'élection de la Confrérie des charitables

 
Un message d'espoir et d'humanité

Au-delà des difficultés, les Charitables restent portés par une profonde conviction : celle de la valeur inestimable de chaque vie humaine et de la dignité due à chaque défunt. Leur engagement sans faille, leur dévouement exemplaire et leur capacité à transcender les différences sociales et religieuses font d'eux des modèles d'humanité et de fraternité. Dans un monde souvent marqué par l'individualisme et l'indifférence, leur message de fraternité et de respect du prochain résonne comme une invitation à renouer avec les valeurs essentielles de solidarité et de compassion

Présentation des charitables pendant le café archéo

Une tradition vivante, un héritage à préserver

Le café-archéo consacré à la Confrérie des Charitables de Béthune a permis de mettre en lumière une institution unique, dépositaire d'un héritage millénaire de dévouement et d'humanité. À travers les témoignages de Michel Beaugrand et Jean-Paul Trenteseaux, c'est toute l'histoire de cette confrérie qui s'est déployée, avec ses moments fondateurs, ses heures de gloire et ses défis actuels. Plus qu'une simple évocation du passé, cette rencontre a été l'occasion de réaffirmer la vitalité et la pertinence d'une tradition qui, envers et contre tout, continue de placer la dignité des défunts et le soutien aux familles endeuillées au cœur de son engagement. Ce dernier café-archéo de l'exposition " Un pied dans la tombe : du terrain au labo, une enquête anthropologique " sur cette note d'espoir et d'humanité a rappelé que notre rapport à la mort et aux rituels funéraires en dit long sur notre conception de la vie et du vivre-ensemble. Puisse l'exemple des Charitables de Béthune inspirer chacun d'entre nous et nous inviter à cultiver, à notre échelle, ces valeurs éternelles de respect, de solidarité et de fraternité.