C'est sur la plage de Marck, près de Calais, qu'un vestige exceptionnel du passé maritime européen a refait surface en 2014 : l'épave baptisée Waldam 3. Ce navire de commerce, probablement d'origine britannique, s'est échoué à la fin du 18ième ou au début du 19ième siècle avec sa cargaison et ses effets personnels.
Sa découverte fortuite par un promeneur a déclenché une véritable enquête archéologique pour percer les mystères de ce témoin unique des échanges commerciaux de l'époque. Retour sur une découverte fascinante et sur l'importance de protéger les vestiges du pillage.
État du gisement du Waldam 3 lors de sa découverte en mars 2014.
Un site archéologique menacé
Lorsque l' inventeur Michel Maquerre, Président du club de plongée calaisien, signale sa découverte au printemps 2014, il est déjà conscient de la valeur et de la fragilité du site. Au milieu des galets ayant servi de lest au navire, il distingue des restes de bois, de nombreux objets ainsi qu'un magnifique octant, instrument de navigation. Le gisement, baptisé Waldam 3, est situé sur l' estran partie de la plage recouverte à chaque marée. Les vestiges risquent donc d'être emportés par les flots ou pillés.
Lingots de lest et plaques de calfatage.
Michel Maquerre prend soin de prélever les objets les plus en danger pour les mettre à l'abri. Son geste est salutaire mais la découverte nécessite d'une intervention archéologique rapide.
Malheureusement, dans les semaines qui suivent, des pillages ont lieu sur le site, perturbant le travail des archéologues notamment pour comprendre le contexte du naufrage. Chaque objet arraché à son emplacement d'origine perd une grande partie de sa valeur scientifique.
Une fenêtre sur le commerce maritime du 18ème siècle
Les archéologues du Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM) effectuent un premier sondage en avril 2015. Ils mettent au jour les restes très dégradés d'un navire en bois d'environ 150 à 250 tonneaux (soit environ 424,5 à 707,5 m3).
État du site en septembre 2014.
Mais ce sont surtout les objets et la cargaison qui permettent de reconstituer son histoire. La présence d'un octant et d'un compas indique qu'il pratiquait une navigation en haute-mer. Le mobilier de bord comprend de la vaisselle en étain et en céramique, des bougeoirs, des ustensiles de cuisine en métal, des bouteilles en verre et des pipes en terre.
1 Réchaud de table à braise.
2 Bougeoirs à plateau.
3 Encrier pique-plumes en étain.
4 Poignée en forme de tête de cerf.
5 Couvercle à bouton en grès.
6 Coquetier.
La cargaison, bien que modeste en quantité, est très variée : faïences fines anglaises, porcelaines chinoises, faïences françaises... Les objets couvrent une période allant du milieu du 18ième au début du 19ième siècle, avec une datation plus probable entre 1787 et 1810 d'après certains éléments comme une pipe hollandaise.
L'octant, un instrument révolutionnaire
La pièce maîtresse de la découverte est sans conteste l'octant en parfait état retrouvé parmi les vestiges. Cet instrument révolutionnaire permettait de déterminer la latitude en mer avec une grande précision. Inventé en 1731, il équipait la plupart des navires au long cours dans la seconde moitié du 18ème siècle.
Celui de Waldam 3 est un modèle de luxe avec des matériaux nobles : ébène, ivoire, laiton. Il porte des graduations et une inscription malheureusement illisible. C'est un des rares exemplaires complets découverts dans les eaux françaises. Il témoigne du niveau d'équipement de ce navire de commerce et peut-être du statut de son capitaine.
Un navire avec un équipage britannique ?
Plusieurs indices convergent pour suggérer une origine britannique, sans certitude absolue. Le mobilier présente de fortes similitudes avec celui de deux épaves anglaises bien datées : le HMS Swift, une corvette de la Royal Navy naufragée en 1770, et le Général Carleton, un navire marchand des années 1770-1780.
Instruments de navigation et armement portatif
De plus, le seul armement découvert est un fusil de fabrication clairement anglaise. La monnaie retrouvée est un demi-penny de George III destiné à l'Irlande et plusieurs objets, comme les bouteilles cylindriques en verre, sont de production britannique.
Demi-penny de George III .
Les archives gardent la trace de plusieurs naufrages de navires anglais dans le secteur de Waldam entre 1787 et 1807, dont trois candidats potentiels en 1807. Pour autant, rien ne prouve formellement que l'épave soit celle de l'un d'entre eux. L'émergence d'une culture matérielle maritime commune en Europe du Nord brouille les pistes. Les objets d'origine anglaise pourraient être liés à la présence de membres d'équipage britanniques à bord du bateau.
Conclusion
L'épave Waldam 3 est une découverte exceptionnelle à plus d'un titre. Elle offre un instantané du commerce maritime européen au tournant du 19ième siècle avec un éclairage sur la vie à bord et la navigation. C'est aussi un cas d'école sur les enjeux de protection du patrimoine sur les estrans
État du gisement en mars 2015.
Sans l'intervention de l'inventeur, Michel Maquerre puis des archéologues, ce témoignage unique aurait pu disparaître, victime de l'érosion et des pillages. Étudier ce site dans son contexte est essentiel pour lui redonner vie et sens. Espérons que de futures découvertes viendront compléter le puzzle et lever le voile sur les derniers mystères de Waldam 3.
Source : https://www.cairn.info/revue-du-nord-2018-5-page-225.htm&wt.src=pdf?contenu=article