Le Département du Pas-de-Calais a réalisé une fouille archéologique programmée à l’arrière du supermarché Lidl de Bapaume. Cette opération fait suite à une découverte fortuite lors du terrassement d’un bassin de stockage d’eaux pluviales. Une équipe d’une dizaine d’archéologues de la Direction de l’Archéologie est intervenue du 5 avril au 27 avril 2016 pour fouiller les vestiges du prieuré Saint-Albin de Bapaume (11ième-17ième siècles).
Vue aérienne du site du prieuré Saint-Albin de Bapaume. Cliché : photobulle@gmail.com
Les fondations d’un bâtiment religieux
Les fondations de trois murs épais, dont deux munis de contreforts, ont été dégagées. Elles ont appartenu au prieuré Saint-Albin, un établissement religieux accueillant une communauté de moines dépendant de l’abbaye de Saint-Nicolas-au-Bois près de La-Fère-en-Vermandois dans l’Aisne. Bien que le prieuré mentionné dès le 11ième siècle soit représenté sur deux plans anciens, son emplacement exact était encore inconnu.
L’observation des intersections de ces murs montre qu’au moins deux d’entre eux sont contemporains. La superposition de plusieurs niveaux de sol atteste d’une occupation longue, entre le 11ième et le 17ième siècle, avec plusieurs états successifs.
Ces fondations pourraient correspondre à celles de deux bâtiments distincts, une église et le mur de clôture d’un cimetière, ou à celles d’une église composée d’un chœur à abside semi-circulaire et d’un vaisseau collatéral. Les études à venir permettront d’affiner la chronologie du site.
La courbure de ce mur pourrait correspondre à l’abside semi-circulaire d’une église. Cliché : CD62/DA
Quatre façons d’enterrer les morts
Les archéologues ont fouillé 23 tombes appartenant à des hommes, des femmes, des enfants et même des nouveau-nés. Différents modes d’inhumation coexistent : des tombes creusées en pleine terre, des cercueils dont seuls les clous subsistent, des tombes en coffrage à logette céphalique pour accueillir la tête et même un sarcophage.
Les coffrages sont très étroits et fermés par des dalles de couverture. Parfois, un lit de pose en craie damée se voit sous les ossements. Ce type de coffrage est caractéristique de la fin du 11ième siècle au début du 13ième siècle. Cliché : CD62/DA
Le sarcophage est un bloc de pierre monolithe en calcaire qui mesure près de 2 mètres de long. Il a été en partie détruit pour permettre la construction d’un mur postérieur. Une partie du squelette a également été déplacée. Cliché : CD62/DA
La tombe de cet enfant, creusée en pleine terre, a été en partie détruite par la construction d'un mur. C’est un indice parmi d’autres pour affirmer que le site a été occupé pendant plusieurs siècles et a évolué dans le temps. Cliché : CD62/DA
Le rite de la fumigation : une découverte exceptionnelle
Les archéologues ont mis au jour quatre tombes contenant des pots à encens. Elles attestent de la pratique de la fumigation. Ce rite funéraire consiste à déposer près du défunt une poterie remplie d’encens. La fumée se dégage et se répand dans la tombe. Elle a un rôle à la fois spirituel et d’assainissement. La fumigation est peu connue dans le Nord de la France, ce qui fait de Bapaume un site exceptionnel. Les pots à encens retrouvés sur le site sont très bien conservés. Une étude anthracologique (charbons de bois) est même envisagée pour déterminer l’encens utilisé.
Les pots à encens ont tous été découverts dans des tombes en cercueil. Ils sont généralement placés entre la tête et l’épaule du défunt. Celui-ci contient du charbon de bois. Cliché : CD62/DA
Trouée après cuisson, cette poterie a été remplie d'encens et déposée fumante à proximité du défunt. Cliché : CD62/DA