Archéologie - Pas-de-Calais le Département
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Les premiers métallurgistes du Pas-de-Calais

L’Âge des Métaux est classiquement scindé en Âge du Cuivre ou Chalcolithique, souvent rattaché au Néolithique, Âge du Bronze et Âge du Fer, ces deux derniers pouvant être regroupés sous le terme générique de Protohistoire. La diffusion de la métallurgie est assez tardive dans notre département.

 Les Âges du Cuivre et du Bronze

Notre département apparaît comme tardivement touché par le développement de la métallurgie du cuivre puis du bronze, au regard du Moyen-Orient ou d’autres régions d’Europe. La diffusion des premiers objets de cuivre y est sans doute liée à la forte implantation de la culture campaniforme sur le littoral à la fin du IIIe millénaire (Étaples, Equihen, Hardelot, Longfossé, Rinxent, Wimereux). En effet, la découverte de cette céramique typique en forme de cloche renversée s’associe souvent à celle d’objets de cuivre, comme la sépulture découverte à Wallers (Nord) où les tessons de céramique campaniforme côtoient un petit poignard de cuivre.

Artisan travaillant une lame de métal (Pierre-Yves Videlier)

L’utilisation du métal s’intensifie au Bronze moyen et transforme la structure sociale puisqu’une classe d’artisans spécialisés et de guerriers armés d’objets métalliques voit le jour ; les échanges commerciaux à longue distance du Néolithique s’intensifient.

Ces échanges sont d’autant plus significatifs que notre territoire est dépourvu de minerai de cuivre ou d’étain (pour la fabrication du bronze) : les haches, poignards, épées, bracelets ou épingles découverts par les archéologues proviennent des îles Britanniques, de Bretagne ou de Seine Maritime. Citons par exemple les haches à talons des dépôts de Desvres, de Vaudricourt ou d’Outreau.

Les fragments d’urnes décorées d’Hardelot ou Marquise témoignent des contacts avec l’Angleterre et les Pays-Bas. Les influences continentales quant à elles se développent à partir du Bronze Final comme la hache à ailerons médians de Saint-Léonard, typique du Jura. Le Pas-de-Calais entretient des rapports soutenus avec la Picardie et la Belgique ou encore la Suisse, le Jura et l’Allemagne.

Des ensembles d’objets accompagnés de déchets de fonte ou de lingots sont parfois découverts enfouis ou cachés : il s’agit de dépôts (de fondeurs) dont l’origine ou la finalité (insécurité, stocks, dépôts votifs) sont mal connues. D’autres dépôts, comme à Boulogne ou Lyzel-Saint-Omer, sont composés d’objets neufs et constituent, semble-t-il, des réserves pour les marchands itinérants (haches à douilles, bracelets, pendentifs, perles). La répartition de ces découvertes permet de déterminer des axes de diffusion par la vallée de la Meuse et la Belgique et leurs zones de pénétration : littoral de la Manche, Boulonnais, vallées de l’Authie et de l’Escaut.

Un site d’habitat majeur de l’Âge du Bronze a été découvert en 1981 à Inghem et atteste la présence d’un habitat ouvert assez étendu établi entre les vallées de la Lys et de l’Aa. Outre les maisons signalées par les trous de poteaux, ont été découverts des fosses d’extraction d’argile ayant servi de dépotoirs, des foyers, des fragments de fours en argile, un grenier carré et un puits. Deux fosses silos ont livré du blé et de l’orge carbonisés, ainsi que des fragments de meule en grès.

L’archéologie préventive a permis de découvrir de nombreux enclos funéraires à fossés circulaires typiques de cette période, comme à Conchil-le-temple et Etaples.
Ils devaient marquer le paysage de manière visible, car ils étaient entourés d’une levée de terre circulaire de plusieurs dizaines de mètres de diamètre.

Sépultures de l'Âge du Bronze (Pierre-Yves Videlier)

 L’Âge du Fer

Le passage de la métallurgie du bronze à celle du fer marque un tournant dans la mesure où il s’agit d’un métal résistant et abondant, qui induit des changements de l’organisation sociale : affirmation des relations commerciales et société de plus en plus hiérarchisée.

Vers la fin du Ve siècle avant JC, des peuples celtes colonisent la rive gauche du Rhin. À la fin de la période de La Tène, avec les prémices de la romanisation, apparaissent les premiers textes témoignant de ces peuples installés dans le Pas-de-Calais. Au Nord de la Canche, les Morins occupent le Boulonnais et une partie de la Flandre maritime ; en Artois sont installés les Atrébates et à l’est, entre Escaut et Sensée, les Nerviens.

Les données archéologiques qui permettent de mieux comprendre l’organisation spatiale de ces peuples sur le territoire et l’habitat rural se multiplient : les fermes comme celles de Capelle-Fermont, Saint-Laurent-Blangy, Conchil-le-Temple ou Hénin-Beaumont possèdent en général un fossé interrompu par une entrée, à l’intérieur duquel on trouve plusieurs habitats sur poteaux de bois, des greniers, des puits, des enclos, des silos, etc. Installées dans les vallées et les collines, elles couvrent l’ensemble du territoire, et sont distantes les unes des autres de moins d’un kilomètre.

Ferme de l'Âge du Fer (Pierre-Yves Videlier)

Ces fermes isolées s’implantent souvent sur des zones déjà occupées aux périodes antérieures et notamment sur les sites funéraires de l’Âge du Bronze. Comparées aux aedificia de la noblesse gauloise mentionnées par César, elles ont pu par la suite donner naissance aux villae (exploitations agricoles) de l’époque gallo-romaine, comme à Hamblain-les-Prés.

Habitat de l'Âge du Fer (Pierre-Yves Videlier)

Si la majorité des Gaulois vit dans ces fermes et pratiquent l’élevage et l’agriculture, il existe une hiérarchie à l’intérieur des exploitations agricoles.

Le mobilier archéologique permet d’évaluer la richesse des propriétaires. La dimension des enclos est aussi un facteur pour évaluer cette richesse. Lorsque la clôture tend à devenir une fortification, on parle d’habitats aristocratiques.

Dès la fin de l’Âge du Bronze, quelques habitats se regroupent, on peut les qualifier de villages. Certains à vocation agricole possèdent de nombreuses structures de stockage de céréales, silos et greniers. D’autres habitats regroupés concentrent leur production sur une activité artisanale : métallurgie, poterie, exploitation du sel. Ces habitats regroupés sont des places d’échange et de commerce et seront appelés vicus par les romains.

C’est à l’époque de La Tène que se construisent les premiers oppida, fortifications de grandes ampleurs. Ils sont occupés de façon dense et continue. A l’intérieur du murus gallicus, se développent des zones réservées à l’habitation, à l’artisanat, à l’agriculture et à l’élevage. Sur ces sites, les premières monnaies gauloises témoignent des échanges commerciaux à longue distance qui étaient réalisés en Gaule.

Oppidum de l'Âge du Fer (Pierre-Yves Videlier)

La fortification d’Etrun, en dépit de son appellation ancienne de Camp de César, a longtemps été interprétée comme un oppidum qui aurait pu être la capitale des Atrébates. Elle aurait été ainsi un des seuls exemples d' oppidum du Pas-de-Calais. Aujourd’hui, les fouilles archéologiques ont démontré qu’il s’agit plutôt d’un camp romain, installé au moment de la conquête du Nord de la Gaule. Jules César, alors général, y serait probablement venu en personne durant l’hiver de 51 avant J.-C. passé en Atrébatie, alors qu’il pourchassait Commios chef des Atrébates. Toutefois les fouilles d’ oppida de Belgique et des régions voisines de France permettent d’en apprendre davantage sur ces constructions : assurer des fonctions politiques, commerciales, artisanales ou religieuses en période d’insécurité.

L’artisanat se spécialise dans des produits à usage local mais également destinés au commerce, comme les textiles atrébates. L’usage des monnaies se développe au cours du Ier siècle avant JC et témoigne des échanges entre les peuples : on retrouve couramment des monnaies trévires ou ambiennes sur le département.

L’extraction artisanale du sel se développe à l’époque pour les besoins alimentaires et la conservation des denrées commercialisées.

Cuisson de pains de sel sur un foyer (Pierre-Yves Videlier)

Cette technique nécessitait une concentration progressive du sel à partir de l’eau de mer ou des remontées d’eau salée et un matériel caractéristique, augets rectangulaires pour la fabrication des pains de sel de 1.5 kg et piliers en argile cuite destinés à les maintenir au-dessus du foyer.

 

Deux pains de sel après démoulage (Centre départemental d'Archéologie)

Il s’agit là d’une activité économique originale qui va perdurer pendant plusieurs siècles parfois, pour certains centres importants comme à Ardres, Étaples, Sorrus ou Conchil-le-Temple. Certaines exploitations installées en bordure du littoral se trouvent actuellement sur l’estran, submergées par les transgressions marines (Camiers) ou inversement, à l’intérieur des terres après le comblement du golfe flandrien.