Archéologie - Pas-de-Calais le Département
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Ablain-Saint-Nazaire, Ruines de l'ancienne église, rue de la Blanche voie, 2022, diagnostic

Le projet de mise en conformité de l’accessibilité PMR des ruines de l’ancienne église sur la commune d’Ablain-Saint-Nazaire a conduit à la prescription d’un diagnostic archéologique par le Service régional de l’archéologie des Hauts-de-France. L’opération a été menée par la Direction de l’archéologie du Pas-de-Calais du 04 au 08 avril 2022. Dix tranchées linéaires et cinq sondages ont été réalisés, représentant une surface totale d’ouverture, hors contraintes, de 106 m² pour une superficie de 994 m², soit 10,6 % de la zone diagnostiquée et 6 % de la surface totale.

L’opération porte sur trois secteurs différents : l’intérieur de l’église, les abords proches de l’édifice et la terrasse inférieure. Chacun a livré des vestiges archéologiques. La découverte d’un petit lot de mobiliers archéologiques datant permet d’apporter quelques renseignements sur la chronologie du site. Des fragments de verre à vitrail semblent provenir de la construction de l’église au début du 16ièmee siècle et trois monnaies renvoient au 17ième siècle.
Lors du diagnostic, nous avons pu constater que les chapelles orientales des nefs latérales (ou bas-côtés), étaient symétriques et construites à l’identique. En effet, chacune abrite un petit autel orienté. Les vestiges dégagés montrent que ces autels sont placés à l’arrière de banquettes. Ces dernières sont construites à partir de briques et probablement pourvues d’un pavement en terre cuite vernissée jaune, encore visible dans la chapelle nord. A l’aplomb des autels se dressent de grandes baies ornées de vitraux. Le sol des chapelles est habillé d’un dallage en pierre bleue, associé parfois à des dalles en pierre blanche.

À l’intérieur de l’église, des tombes en coffrage en grès et en moellons calcaires équarris ont été découvertes à une altitude de 87,40 m NGF. Elles sont situées pour partie dans la nef centrale et dans la chapelle sud, consacrée à Saint-Nazaire. Des monnaies datées du 17ième siècle (l’une du début : 1610, l’autre du 3ième quart du 17ième siècle) confirment l’utilisation de l’église durant cette période. Ce qui reste cohérent, si l’on prend en compte la présence de la tombe du chevalier de Jean de Pressy décédé en 1619 dans la nef latérale sud. Si la chapelle sud contient des tombes, l’observation partielle de la chapelle nord n’en a livré aucune.

Le dallage en pierre bleue a été retrouvé dans chacune des 5 tranchées réalisées à l’intérieur de l’église. Il est élaboré à partir de dalles de 33,5 cm de côté pour 4,5 cm d’épaisseur. Il repose sur un niveau de remblai général qui sert de stabilisation avant la préparation du lit de pose. Ce dernier, en mortier jaune-ocre, portait encore par endroit les empreintes de dalles disparues. Il est à signaler que ce dallage est présent dès l’origine de la construction et a été en grande partie épargné par les bombardements de la bataille de l’Artois en 1915. Il a été repéré sur l’ensemble de la surface diagnostiquée et donc présent de l’entrée dans la tour-clocher jusqu’au chœur à une altitude de 88,32 m NGF.
Les extérieurs proches de l’édifice sont surtout marqués par la présence de sols de circulation en craie damée. Un niveau de cimetière a été découvert au niveau du mur gouttereau nord à 1,40 m de profondeur. Ce niveau, dans lequel se trouve des sépultures à inhumation en pleine terre, se situe à l’emplacement de la rampe d’accès PMR prévue dans le projet d’aménagement, c’est-à-dire à 87,56 m NGF. Des ossements erratiques découverts dans un sondage de proximité, laissent penser que le cimetière est présent sur une partie de la longueur du mur gouttereau nord, phénomène assez classique pour les églises.

Un autre espace de cimetière a été dégagé au niveau de la terrasse inférieure. Ce niveau est épais d’environ 20 cm et se situe sur les abords du chemin empierré entre les deux emmarchements. Les sépultures apparaissent à moins de 10 cm sous la surface. Le cadre du diagnostic a permis de réaliser plusieurs observations. Le recrutement observé correspond à des individus immatures et adultes, essentiellement inhumés en pleine terre avec linceul et en cercueil. Ce cimetière ne semble présenter aucune hiérarchisation dans le choix des défunts. La présence d’une monnaie contre le cercueil d’une des tombes témoigne de l’utilisation du cimetière au 3ième quart du 17ième siècle. Au cours de cette période, la contemporanéité de cet espace funéraire avec les sépultures situées à l’intérieur de l’église ne fait aucun doute.
Cette opération a permis de prendre la mesure non seulement de l’état de conservation du site mais également de son potentiel, déjà esquissé par les prospections géophysiques. Les quatre cartes, réalisées par radar de sol et définies à des profondeurs différentes, complètent les données de terrain.

Des sondages complémentaires permettraient d’appréhender l’ampleur des vestiges à l’intérieur de l’église, d’autant que des aménagements en fondation observés en limite de la tour-clocher et de la nef, ne présentent aucun lien avec le bâti actuel. En s’appuyant sur les cartes de radar de sol, notamment sur la carte (Figures 62, pages 79), l’étude du mur 89 pourrait être poursuivie. De plus, un élément de type « escalier » est visible à l’extérieur de la tour-clocher. Avec des orientations différentes à celles de l’édifice actuel, ces aménagements témoignent d’une phase d’occupation antérieure à l’église du 16ième siècle. Il serait donc intéressant de poursuivre les recherches, pour avoir une meilleure compréhension du site, d’autant que cette construction plus ancienne n’apparaît sur aucun plan connu.

De nouveaux sondages permettraient également d’étudier le jubé du 16ième siècle, mentionné dans les documents archivistiques, qui se trouve au niveau de la dernière travée, ainsi que l’aménagement du chœur.
La fouille de l’espace funéraire à l’intérieur apporterait une connaissance ici disparue, sur la nature des tombes et sur la population inhumée. Le dégagement du dallage rendrait à l’église une nouvelle dimension. Les vestiges apparaissent à moins d’une dizaine de centimètres de la surface et peuvent donc être directement impactés par les aménagements envisagés.

Le diagnostic a permis de mettre en lumière la bonne conservation des vestiges et le potentiel du site dont l’étude du bâti et des pratiques funéraires s’inscrivent pleinement dans l’axe 9 du CNRA, en lien avec le phénomène urbain, et dans l’axe 14 du CNRA, en lien avec l’archéologie des périodes modernes et contemporaines.

Restitution 3D de la vieille église et des tranchées

Référence du rapport

Dalmau (L.) - Beauchamp (A.), Wilket (L.) avec la collaboration Masse (M.)
Ablain Saint-Nazaire, ruines de l’ancienne église
Rapport final d’opération de diagnostic, édition Direction de l’Archéologie du Pas‑de‑Calais, Dainville,2022, 98 pages, 63 figures.