Archéologie - Pas-de-Calais le Département
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Anzin-Saint-Aubin, rue du Maréchal Haig, 2021, fouille, un cimetière de crise du bas Moyen Âge

Le projet de construction d’un lotissement sur la commune d’Anzin-Saint-Aubin, rue du Maréchal Haig, a donné lieu à une fouille archéologique prescrite par le préfet de région des Hauts-de-France. Elle a été réalisée par la Direction de l’archéologie du Département du Pas-de-Calais, en février 2021, sous la direction de Laetitia Dalmau. La fouille porte sur une surface de 1 500 m².

Cette intervention a mis en évidence 4 périodes chronologiques.
La période la plus ancienne n’est pas datée, mais elle est antérieure au bas Moyen Âge. Elle est caractérisée par deux fosses isolées dont les fonctions ne sont pas identifiées.

La deuxième période correspond à un unique cimetière daté, par analyses radiocarbones, du 15ième siècle. Il est la principale découverte du site. Concentrée au nord-ouest de l’emprise fouillée, l’aire funéraire occupe une surface de 80 m². Au total, 22 sépultures ont été mises au jour. Elles s’organisent selon un axe nord-ouest/sud-est, en rangées. Aucun recoupement n’a été observé, ce qui suppose que les tombes sont restées, un certain temps, visibles en surface. La fouille n’a, cependant, pas révélée de traces d’un marquage funéraire ou d’un aménagement extérieur qui aurait servi à clôturer ou à fermer le cimetière.
L’étude anthropologique a identifié un recrutement exclusivement composé de jeunes adultes masculins dont 73 % de l’effectif inhumé a un âge compris entre 21 ans et 35 ans. Les individus ont été enterrés dévêtus, selon deux modes différents : en linceul directement en pleine terre ou en linceul dans un cercueil. Un certain nombre est probablement décédé des suites de blessures dues à des tirs de couleuvrine. Bien que l’état de conservation des ossements soit médiocre, l’étude a, par ailleurs, pu mettre en évidence des liens familiaux entre plusieurs individus.
Tous ces indices témoignent en faveur d’un cimetière militaire de crise ou « de circonstance ». La réalité pourrait être plus complexe.
En effet, il s’agit d’un cimetière non consacré, dont le recrutement est essentiellement masculin et dont certains individus sont morts par balles. Il n’y a pas de recoupement entre les sépultures, seul un espacement nécessaire entre les tombes pourrait témoigner d’un creusement rapide et dans un même temps.

Ces éléments renvoient à un cimetière de crise.
Or, les sépultures sont soignées et organisées. Il ne s’agit pas de fosse commune. Un soin particulier est donné aux individus (linceuls, certains sont cousus, d’autres ont des épingles). Une sépulture décente et conforme au rite chrétien leur est portée. 5 individus présentent des liens familiaux. 4 sont enterrés côte à côte. Or, deux modes d’inhumation différents ont été observés et questionnent ?
La fouille témoigne donc d’une réalité complexe. Sommes-nous en présence d’un cimetière de crise, mais traité comme un cimetière « de circonstance » ? Le cimetière d’Anzin correspond peut-être à ce cas très particulier de cimetière.
Au 15ième siècle, le Royaume de France et le Royaume d’Angleterre sont en pleine Guerre de Cent ans (1337-1453). D’un point de vue militaire, cette guerre marque le déclin de la cavalerie au profit de l’infanterie, et avec cela l’apparition de l’artillerie. En 1435, le traité d’Arras entre le roi de France Charles VII et le duc de Bourgogne, Philippe le Bon met fin à l’alliance anglo-bourgignonne et à la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons. Le cimetière d’Anzin-Saint-Aubin pourrait être un reliquat de cette période de trouble.

La période 3, attribuée à l’époque moderne, est marquée par la présence de fosses et d’alignement de poteaux. Durant le 2ième tiers du 17ième siècle., l’Artois se trouve pris dans un engrenage militaire opposant le Royaume de France aux Pays-Bas espagnols entrainant une guerre de siège importante. Les troupes de Louis 13 et après lui, celles de Louis 14, vont contrer les assauts des contingents espagnols aux abords de la ville d’Arras en 1640 et 1654 afin d’en récupérer la ville. D’un point de vue géographique, la commune d’Anzin, se situe à 5 km au nord-ouest d’Arras et l’emprise de la fouille se trouve localisée à l’intérieur des levées de terre ou des fortifications.
Compte tenu de l’alignement de certaines structures, de leurs espacements et du mobilier céramique retrouvé, lors de la fouille (vaisselle, pots tripodes et pots en grès), il serait envisageable de rattacher ces éléments à l’un de ces sièges et donc à une occupation militaire, de type baraquement. L’essentiel des vestiges est relativement ténu, mais ces faibles creusements peuvent matérialiser des alignements de tentes. De plus, la fosse avec foyer et poteaux porteurs, pourrait venir renforcer cette hypothèse.

La période 4, la dernière, correspond au premier conflit mondial et est représentée sur le site par deux fosses. La commune d’Anzin-Saint-Aubin se trouvant sur la ligne de front, il est commun d’en retrouver des vestiges. Ces structures n’ont pas été fouillées.

Cette fouille a permis de mettre en lumière la présence des vestiges d’un cimetière de crise daté du bas Moyen Âge qui enrichira l’axe 7 du CNRA, en lien avec les phénomènes funéraires depuis la fin de l’Antiquité, mais surtout concernant les morts dans le paysage social, économique, politique et mental des communautés rurales et urbaines médiévales.

Référence du rapport

Dalmau (L.) - Déborah Delobel, Axel Beauchamp, Orianne Dewitte

Anzin-Saint-Aubain (Pas-de-Calais), «Rue du maréchal Haig»

Rapport final d’opération de fouilles, édition Direction de l’archéologie du Pas-de-Calais, Dainville, 2023, 284 pages, 84 figures.