La Communauté d’Agglomération de Saint-Omer prévoit la poursuite de l’aménagement du parc d’activités de la plateforme multimodale de l’Aa et notamment l’implantation de serres horticoles. L’opération de diagnostic, réalisée par la direction de l’archéologie du Pas-de-Calais a eu lieu du lundi 2 novembre au lundi 16 novembre 2015, sous la responsabilité d’Emmanuelle Leroy-Langelin. La surface prescrite s’élève à un peu plus de 14 hectares. De nombreux vestiges sont apparus, classés à l’issue de l’opération, en quatre grandes périodes.
L’âge du Bronze est matérialisé par une fosse et plus spécifiquement par un vase, découvert dans son comblement. Ce dernier est attribué au Bronze moyen 2 ou final 1.
Dix structures appartiennent à la période laténienne ou au Haut-Empire, il s’agit essentiellement de fossés témoignant d’une structuration du paysage. La céramique, peu discriminante, ne permet pas d’affiner la chronologie.
La période la plus représentée sur le site, en termes de vestiges mobiliers notamment, est le bas Moyen Âge. Des fossés sont repérés. Si leur fonction précise ne peut être définie, ils suggèrent une organisation des installations. Il est difficile, dans l’état actuel des recherches, d’interpréter leur rôle exact. Ils peuvent délimiter des zones fonctionnelles distinctes, des parcelles de propriété ou encore témoigner d’un drainage des sols. Certains d’entre eux marquent probablement la présence d’un chemin qui traverse le site du nord-est vers le sud-ouest. Le suivi du tracé de fossés dont la datation est indéterminée semble mettre en évidence une trame plus complète dont les axes sont parallèles aux premiers mentionnés.
Les fosses sont nombreuses ; les sondages réalisés montrent une tessonnière en lien avec une production de céramique du 13ème siècle, une zone foyère (domestique ou liée à la céramique) et une activité de forge sur le site. Un bâtiment sur sablière basse pourrait être associé à cette occupation ainsi que plusieurs trous de poteaux marquant peut-être l’emplacement de bâtiments. Les comparaisons ponctuelles des vestiges témoignent de l’existence de structures similaires dans la région, qu’il s’agisse de la tessonnière (Hondschotte) ou du bâtiment sur sablière (Guînes). À l’échelle du site, il faut noter l’originalité de l’occupation, qui de fait, trouve peu de parallèles.
Dans la région, seul le site de Guînes (Willot 2009), situé le long de la RD 244 et fouillé en 2008, montre un certain nombre de points communs avec celui d’Arques. D’une part, l’artisanat du fer est attesté par des fosses ayant livré des déchets de production, des ateliers et des fosses dépotoirs. D’autre part, des bâtiments sur solins en pierre aux dimensions comparables sont présents ainsi que des fours dont un serait lié à l’activité potière.
L’ensemble de ces découvertes évoque un site médiéval (13ème-14ème siècles) rural actuellement non identifiable par les sources écrites. Les premières mentions d’Arques sont répertoriées au 7ème siècle. Le Château de Rihoult est utilisé dès le 10ème siècle comme résidence ponctuelle des comtes de Flandres car les bois offrent un immense domaine de chasse. Du 10ème siècle à la révolution française, Arques appartient à l’abbaye de St-Bertin. L’occupation repérée sur le diagnostic pourrait exister en même temps que le village principal d’Arques. Toutes les ressources naturelles nécessaires au développement d’un habitat sont disponibles à proximité, ainsi que toutes les ressources en matière première pour la production de céramique : le bois (forêt de Clairmarais), l’eau et l’argile, présente dans le sous-sol. Le milieu constitue ainsi un terroir attractif.
La structuration de l’occupation et les vestiges découverts incitent à classer ce site dans la catégorie des hameaux. Ces derniers sont peu connus au niveau régional où les communautés sont, relativement tôt, liées à des pouvoirs en place. En effet, de nombreuses découvertes attribuées du 10ème au 12ème siècles sont connues par l’archéologie (Peytremann 2003). Elles sont généralement le fruit de la poussée démographique de cette époque qui mène à une politique de défrichement de grande envergure. D’après A. Derville, c’est le cas du Nord où en 1300, le défrichement est "poussé aux limites extrêmes" (Derville 1999). Ces petites occupations ne perdurent généralement pas, sans doute parce qu’elles sont rattachées rapidement à des autorités locales existantes (motte, seigneurie, église paroissiale ou abbaye). Les habitats sont alors regroupés de façon pérenne. Cette configuration a déjà été mise en évidence pour une série de sites du douaisis (Willot et al. 2013). Pour conclure, les sites archéologiques datés des 13ème et 14ème siècles sont généralement associés au cœur des villages médiévaux ou à des contextes clairement urbains.
Au 13ème siècle, le phénomène de défrichement décroît un peu partout. Le site d’Arques fait peut-être exception à cette constance. Le terroir audomarois montre, en effet, des particularités qui pourraient expliquer la phase chronologique plus étendue de cette conquête de terres : il s’agit d’une zone boisée, marécageuse où il reste peut-être encore des parcelles à valoriser, plus ingrates à maîtriser. On peut citer pour rappel, l’opération de diagnostic menée par É. Panloups en 2011, sur la commune de Saint-Martin-au-Laërt, où des vestiges datés du 13ème siècle au 16ème siècle avaient été découverts. Ils posaient déjà la question de ce type d’installation hors des villes dans le terroir audomarois (Panloups 2012).
Enfin, quelques fosses d’époque moderne pourraient mettre en évidence une présence ponctuelle de l’homme aux 16ème et 17ème siècles.
La zone dense de vestiges s’étend sur une superficie d’environ 5 hectares. Cette découverte met en évidence une catégorie de site rarement exploré par l’archéologie dans notre région. Une fouille permettrait de mieux caractériser les vestiges et d’affiner les datations. Au-delà du site même, les données acquises compléteraient sans aucun doute nos connaissances concernant un modèle d’installation rurale ex-nihilo devenu rare au 13ème siècle.
Derville 1999
DERVILLE A., L’agriculture du Nord au Moyen Âge : Artois, Cambrésis, Flandre Wallone, Presses Universitaires du Septentrion, Villeneuve d’Ascq, 1999.
Panloups 2012
PANLOUPS E., Saint-Martin-au-Laërt (62), Le Long Jardin : rapport final d’opération, diagnostic, Dainville : Centre Départemental d’Archéologie.
Peytremann 2003
PEYTREMANN É., Archéologie de l’habitat rural dans le nord de la France du IVe au XIIe siècle, Saint-Germain-en-Laye, 2003 – ISBN : 2-9505595-8-1 – 2 vol.
Willot 2009
WILLOT J. M., "Un hameau de forgeron du bas Moyen Âge dans le pale anglais (Guînes, XIVe-XVe siècles).", Bulletin de la commission départementale d’histoire et d’archéologie du Pas-de-Calais, t.27, pp. 23-57.
Willot et al. 2013
Willot J.M., BERNEZ S., SÉVERIN C., "Du domaine monastique carolingien au village du bas Moyen Âge : approche archéologique d’une transformation du paysage rural en Ostrevent (Nord) ", dans Archéologie du village, archéologie dans le village dans le nord de la France (Ve-XIIIe siècles), Actes de la table ronde du 22 au 24 novembre 2007, MAN, Saint-Germain-en-Laye, pp. 141-159.
Référence du rapport
Emmanuelle LEROY-LANGELIN (dir.), Elisabeth AFONSO-LOPES, Hélène AGOSTINI, Orianne DEWITTE, Murielle MEURISSE-FORT, Arques, Plateforme multimodale, îlot nord, Rapport final d’opération de diagnostic, éd. Direction de l’archéologie du Pas-de-Calais, Dainville, 2016, 184 p., 61 fig.