Le diagnostic est situé en rive gauche de la Canche à Beaurainville et au sud-est de la confluence entre la Canche et la Créquoise (affluent en rive droite). Programmé à l’occasion de la réhabilitation du collège Belrem par le Conseil général du Pas-de-Calais, le diagnostic a été réalisé par le Centre départemental d’Archéologie du Pas-de-Calais sous la responsabilité de Sophie François pendant les vacances scolaires de l’hiver 2012. L’opération d’une envergure de 16 000 mètres carrés dans l’enceinte du collège Belrem et immédiatement au sud, a révélé trois niveaux contenant du mobilier lithique et faunique ainsi qu’une fosse profonde. Ces trois niveaux ne présentent pas de stratifications apparentes mais se développent sur trois zones différentes. L’ensemble est attribué au Mésolithique.
L’approche géoarchéologique du site a permis de replacer la ou les occupations mésolithiques dans leur contexte environnemental.
Au nord de l’emprise, les limites de comblement d’un ancien chenal ont été identifiées. Elles sont marquées par le net pendage du pseudogley (UE 6) et du niveau organique (UE 5). Ce niveau organique indique une végétalisation de dépressions ; il est associé à une ou plusieurs occupations anthropiques (environ 6200 cal BC). Puis un tuf scelle le niveau organique, soulignant l’influence d’une source calcaire ; aucune trace d’anthropisation n’a été repérée dans ce niveau.
Dans la partie centrale du diagnostic, la formation à pseudogley est en légère surélévation. Le niveau limoneux sus-jacent (UE 38), comportant du mobilier lithique, contient des granules carbonatées. Ceci laisse penser que ce niveau a été partiellement remanié lors de l’activation de la source calcaire avec épandage du tuf et pourrait être contemporain du niveau organique.
Dans la zone nord-ouest du diagnostic, un troisième niveau (UE 46) situé sous un niveau de tuf n’a pu être observé à cause des inondations. Il contient également du mobilier lithique.
L’observation approfondie de la stratigraphie et la fouille fine n’a pas décelé de hiatus vertical qui pourraient indiquer une stratification des occupations. Le mobilier lithique du niveau de transition UE 6-5 et du niveau organique UE 5 est homogène (515 pièces). Le matériau utilisé est un silex local, prélevé sans sélection rigoureuse. La préparation des blocs est minime et s’effectue à la percussion dure. Le débitage est poursuivi à la percussion tendre minérale. Les trois nucléus sont unipolaires à lamelles. Les produits obtenues, 75 lamelles ou micro-lamelles, ont des profils courbe et des formes irrégulières pour 70 d’entre-elle. Cette méthode n’est pas sans rappeler le style de Coincy, caractéristique du premier Mésolithique. Cette attribution chronologique est corroborée par la présence d’une armature microlithique de type pointe.
Une cheville osseuse d’aurochs intact ainsi que d’autres fragments de faune (suidés ou indéterminés) sont associés à ce niveau et présente un bon état de conservation.
La série lithique de l’UE 38 provient d’un silex local, prélevé sans sélection rigoureuse (281 pièces). La préparation des blocs est minime et s’effectue à la percussion dure. Le débitage est poursuivi à la percussion tendre minérale. Il s’achève suite à des accidents de type rebroussés. Ces derniers ne peuvent plus être corrigés en fin de course, du fait d’un manque de convexité de la table. Les supports lamellaires peu normés, associés au fragment de segment plaident en faveur d’une attribution chronologique de cette série au premier Mésolithique.
L’unique fosse profonde mise au jour contient du mobilier lithique (69 pièces) et un dépôt de suidés dans son fond. La fosse d’un diamètre de 1.30 mètre présente des parois verticales légèrement évasées dans le haut et un fond plat. Conservée sur 1.20 mètre de profondeur, son comblement est stratifié. Cette fosse a pu servir de structure de stockage. Elle a pu également être creusée jusqu’au niveau de la nappe aquifère de l’époque pour en faire un puits. La datation du premier niveau de comblement dans la fosse permet de l’attribuer sans ambiguïté à la période mésolithique (environ 6 150 cal BC).
Deux datations absolues 14C placent la structure et le niveau organique entre 6300 et 6100 avant JC. D’un point de vue intrinsèque au site, cela indique que la structure fossoyée pourrait être contemporaine de la ou des occupations présentent dans le niveau de tourbe.
D’un point de vue chrono-culturel, si l’on se réfère à la synthèse de Thierry Ducrocq sur le Mésolithique du Bassin de la Somme (Ducrocq, 2001, p. 223-224), la période comprise entre 7800 et 6100 BP est caractérisée par des trapèzes et un débitage de type Montbani ce qui n’est pas le cas des séries du site de Beaurainville. Entre 7800 et 7500 BP, il note que les industries de transition marquant le passage entre le style de Coincy et celui de Montbani sont males connues. La datation récente du site pourrait témoigner d’une perduration du débitage de style de Coincy et situer chronologiquement la ou les occupations dans cette phase de transition.
D’un point du vue environnemental, les datations 14C place l’occupation du site au moment de l’événement climatique 6200 marqué par une baisse des températures liée à une altération de la circulation des courants dans l’Atlantique.
La présence de restes osseux dont une cheville osseuse d’aurochs intacte, les nucléus et les esquilles notamment témoignent de la coexistence de plusieurs activités sur le site. L’importance des pièces brûlées qui représentent plus de 50 % attestent la proximité immédiate de structures de combustion. Le diagnostic du collège Belrem vient confirmer ce qui avait déjà été perçu au lieu dit La Mort situé 300 mètres au sud-est. Les occupations présentent une large gamme d’activités qui pourraient correspondre à un site étendue de type camp de base.
Le potentiel archéologique est donc exceptionnel sur trois plans : la conservation des mobiliers osseux et des structures, l’étendue du site et son positionnement chrono-culturel à la transition du premier et du second Mésolithique.
Bibliographie
DUCROCQ 2001 : DUCROCQ (T.). Le Mésolithique du bassin de la Somme. Insertion dans un cadre morpho-stratigraphique, environnemental et chrono-culturel. Volume 7, éditions Centre d’études et de Recherches préhistoriques., 2001, 255 pages., 200 figures, 39 tab.
ROUTIER et al. 2007 : ROUTIER, Beaurainville. Lieu-dit : La Mort Projet Belrem nord et Belrem sud. Rapport de diagnostic. INRAP Nord-Picardie, 2008, 63 pages
Référence du rapport
FRANÇOIS (S.), MEURISSE-FORT (M.), LACHAUD (C.). Beaurainville (Pas-de-Calais), Rue des écoles, Collège Belrem. Rapport final d'opération de diagnostic. Dainville : Centre départemental d'Archéologie du Pas-de-Calais, 2012. 110 p., 44 fig.
Mots-clés
Mésolithique, Pas-de-Calais, Canche, Beaurainville, niveau organique, lithique, faune, aurochs, c14, fosse.