Le donjon de Bours, bilan des opérations archéologiques.
Le donjon de Bours est un exemple rare, dans le département du Pas-de-Calais, de site castral de la fin du Moyen Âge parfaitement conservé. Depuis 2012, il est l’objet de travaux de restaurations et d’aménagements portés par la Communauté de Communes du Ternois dans le but de le rendre accessible au public. Le Service régional de l’Archéologie des Hauts-de-France et la Direction de l’Archéologie du Pas-de-Calais ont accompagné la collectivité en réalisant les travaux archéologiques en amont des aménagements (diagnostics et surveillance de travaux). Les derniers aménagements (construction d’une rampe d’accès et curage partiel des douves) ont été précédés d’une fouille archéologique d’office de 800 m² prescrite autour du donjon. L’opération a été réalisée en septembre et octobre 2017 par la Direction de l’Archéologie du Pas-de-Calais, sous la conduite de J.-M. Willot. La fouille a été suivie d’une dernière opération de surveillance de travaux en septembre 2018 déclenchée à la suite d’une modification du mode de fondation de la rampe d’accès au donjon.
La tour, de forme quadrangulaire, dressée sur quatre niveaux (cellier compris) en grès et flanquée de six tourelles, a probablement été fondée vers 1350 par la famille de Mailly de Bours dont la seigneurie relève du comté de Saint-Pol. Depuis 2012, les travaux archéologiques réalisés sur la basse-cour, la haute-cour et dans les douves ont livré des données inédites sur son environnement et ses aménagements périphériques. Les seigneurs de Bours ont implanté leur haute-cour et basse-cour dans un fond de vallée régulièrement inondé. Les tertres, peu élevés (entre 1 m et 2 m de haut), sont constitués de remblais d’argile, de limon et de rognons de silex directement installés sur des niveaux marécageux. La haute-cour, de plan carré de 30 m de côté environ, est ceinturée par un fossé large de 15 m à 20 m et profond de 5 m, sans mur de chemise. Le donjon du 14ième siécle a été dressé dans l’angle nord-est du tertre, isolé de ce dernier par un fossé large de 3,50 m au maximum et profond de 2 m, ne disposant d’aucun aménagement défensif.
Les sondages dans le cellier du donjon et l’étude du mobilier céramique ont mis en évidence les sols d’occupation primitifs en calcaire et en limon ainsi que la présence probable d’un vaisselier pour des vases de conservation le long du mur sud. À l’extérieur, les accès primitifs vers la salle principale et le cellier s’effectuaient par deux passerelles en bois dont les vestiges des sablières en bois et du tablier ont été retrouvés devant les portes et dans le fossé. Ailleurs, la haute-cour semble vide de construction, en dehors d’un petit édifice en calcaire de 3 m sur 4 m qui pourrait éventuellement être l’oratoire figuré sur la vignette des albums de Croÿ et d’une base en cassons de calcaire de 2,50 m de diamètre, support probable
d’un pigeonnier.
La fouille partielle des douves a permis non seulement de constituer un corpus de la vaisselle seigneuriale en usage du 14ième siècle au 18ième siècle mais également d’identifier les travaux sur la toiture du donjon. Entre le 14ième siècle et le 18ième siècle, la couverture a été notamment changée à trois reprises, alternant l’emploi de la tuile plate flamande et l’ardoise.
Les témoignages relatent deux incendies du donjon en 1537 et 1542 par les troupes de François Premier dont l’impact sur le monument a été identifié lors de la fouille de 2017. Lors du premier incendie, la porte d’accès vers le cellier est condamnée et un nouvel accès est percé à la place d’une archère dans le mur sud-est. Le deuxième incendie a été plus destructeur. Les premières assises des parements en grès des façades orientale et méridionale ont été déposées, sans doute fragilisées par la chaleur, pour être remplacées par des moellons de grès grossièrement équarris et des rognons de silex épannelés. Cette reprise de maçonnerie a été suivie d’un remblaiement du fossé qui isolait le donjon de la haute-cour, de l’abandon de l’accès sud-est au cellier et du percement d’une nouvelle porte à un niveau supérieur. Le voutement à croisée d’ogives du cellier qui n’a pas résisté au feu a été remplacé par un double berceau en brique au même moment.
La haute-cour a également été remodelée à cette occasion. Deux murs d’escarpe en grès, adossés ou chainés au monument ont été édifiés au nord et au sud contre la paroi de la plate-forme. La configuration de la basse-cour, observée uniquement lors d’un diagnostic, a été plus difficile à cerner. Elle était connectée au donjon par un ponton dont la culée en grès a été dégagée en 2016 lors d’un diagnostic. Des voies de circulation en cassons de grès, des bâtiments fondés sur des solins et des fosses ont été aménagés sur une plate-forme de 4000 m² qui n’était apparemment pas totalement ceinturée par un fossé.
Le site de Bours est un parfait archétype d’établissement du bas Moyen Âge, à la fois centre domanial et demeure seigneuriale, débarrassé des aménagements défensifs inhérents aux mottes antérieures. Seul le donjon, résidence et construction d’apparat, établit un lien avec l’architecture militaire précédente en adoptant quelques-uns de ses caractères architecturaux (plan turriforme, fentes de tir, assommoir).
J. -M. Willot
Référence du rapport
WILLOT J.-M. (directeur), AGOSTINI H., DENIS C., MEURISSE-FORT, CALOIN C., GOEMAN A.,
Bours (Pas-de-Calais), "Le Donjon", Parcelle B 179
Rapport final d’opération, Fouille préventive d'office,édition Direction de l’Archéologie du
Pas‑de‑Calais, Dainville, 2020, 310 pages, 169 figures.