La communauté de communes de la Morinie, dans le but d’étendre la zone d’activité du «Parc des Escardalles», sur les communes de Clarques et Ecques, a demandé en saisine anticipée, le diagnostic archéologique d’une parcelle de 326 809 m2. L’opération se situe dans le bassin-versant de la Lys-Deûle. Le ruisseau Lauborne coule immédiatement au nord de l’emprise. Le diagnostic est en position de versant pour sa partie nord et en plateau pour sa partie sud, entre 40 et 80 m NGF d’altitude environ. L’emprise recoupe dans sa partie nord-est une paléovallée bien marquée. L’intervention s’est déroulée du lundi 19 septembre au jeudi 13 octobre 2016, elle a été réalisée par la Direction de l’Archéologie du Pas-de-Calais sous la responsabilité de Emmanuelle Leroy-Langelin. Un total de 31 tranchées complètes, 7 portions de tranchées intermédiaires et 27 fenêtres ont permis l’ouverture de 36 624 m2, ce qui correspond à un taux de 11,2 %. Les vestiges découverts se situent immédiatement sous la terre végétale entre 0,30 et 0,50 m
d’épaisseur.
Chronologiquement, deux grandes phases sont représentées, le Néolithique final d’une part et la période du Haut-Empire d’autre part. Concernant la phase ancienne, la parcelle située au nord du diagnostic a livré trois structures potentiellement attribuables au Néolithique final. Deux fosses pourraient être associées à un fossé. La quantité non négligeable de matériel céramique est intéressante, elle met en évidence le potentiel du site néolithique de Clarques/Ecques. Le fossé pourrait suggérer la présence d’un espace enclos au sud-ouest de la parcelle dont la vocation reste à déterminer. De plus, à l’échelle régionale, la localisation en marge des occupations du complexe culturel Deûle-Escaut, pourrait s’intégrer à une réflexion plus globale des gisements identifiés à proximité, comme à Aire-sur-La-Lys et Blaringhem, qui témoignent d’une implantation importante des communautés de fin du Néolithique dans la vallée de la Lys.
La phase romaine est caractérisée par deux zones aux fonctions distinctes, situées dans la parcelle méridionale de la prescription.
Tout d’abord, au sud de la zone, un secteur est dédié au monde funéraire. Au moins huit sépultures ont été clairement reconnues (similitudes des dimensions des fosses, nombre de vases visibles en surface...). La fouille de l’une d’elles a pu mettre en évidence la qualité du mobilier découvert. En effet, la tombe a livré un assemblage de 18 vases en céramique, 1 coupe en verre, 1 fibule en alliage cuivreux, et les traces encore visibles d’un coffrage. L’attribution chronologique de la céramique place la mise en terre à la première moitié du premier siècle après J.-C.
Deux fossés, positionnés au nord et à l’ouest des fosses, marquent sans doute les limites de la zone funéraire.
Cet ensemble est remarquable à plusieurs titres. D’une part, son état de conservation est excellent (coffrage visible, vases complets) ; d’autre part, le nombre d’offrandes accompagnant le défunt est élevé et met en évidence le rang social particulier des défunts. Enfin, il faut souligner la présence de la coupe en verre, originale par sa couleur d’abord et par son positionnement sur le dessus du coffrage. Elle illustre ainsi une gestuelle funéraire particulière encore peu observée. La fouille exhaustive de la nécropole et la multiplication de ce genre d’informations permettront très certainement d’approfondir nos connaissances sur les pratiques funéraires en Morinie.
Par ailleurs, un secteur localisé aux limites nord-est de la parcelle méridionale, a également livré un ensemble de vestiges. Celui-ci semble plutôt associé au domaine domestique et pour partie à une zone dédiée au culte. En effet, un bâtiment rectangulaire de 10 m de long au moins sur 7,70 m de large a été découvert. Ses fondations sont construites en calcaire pilé et pourraient matérialiser l’emplacement d’un temple à pronaos. Les rares tessons associés permettent de le placer en chronologie au Haut-Empire. Des fosses et fossés situés à proximité témoignent de vestiges domestiques. Le mobilier en provenant des remplissages permet une attribution à la fin de la période gauloise ou au tout début du premier siècle après J.-C.
Le diagnostic de Clarques/Ecques met donc en exergue deux sites contemporains dont les liens ne sont pas encore clairs. Situés à 280 m l’un de l’autre, il serait intéressant de confirmer le caractère synchrone des deux occupations et leur lien social. Il est nécessaire de comprendre si les populations qui enterrent leurs défunts dans la nécropole vivent sur le site localisé plus au nord ou s’il s’agit d’un lieu de culte placé à proximité de la zone funéraire. Si le temple est avéré, ses dimensions suggèrent un statut important, au même titre que le mobilier des tombes.
Dans un contexte plus vaste, il est important de signaler la présence du chef-lieu de cité Thérouanne à moins de 2 km au sud-ouest de l’opération. Plusieurs nécropoles sont connues à Thérouanne et à proximité, elles sont généralement découvertes le long des voies (Blamangin et al. 2011 : fig. 2). Les sépultures du diagnostic sont donc doublement intéressantes car elles s’ajoutent à celles déjà répertoriées et ne semblent pas particulièrement reliées à une voie connue. Par ailleurs, il faut noter leur caractère prestigieux et leur datation précoce. Ainsi remises en contexte dans leur environnement proche, les sépultures devraient nous permettre d’accéder à une vision plus large du statut social des hommes enterrés à Clarques, et éventuellement des zones bâties associées. De plus, il faut rappeler l’intérêt renouvelé récemment pour les découvertes de Thérouanne et de ses environs. En effet, un renouvellement de l’aménagement génèredes prescriptions sur la commune, et les recherches archéologiques trouvent de ce fait un nouvel essor. Ils permettront à terme de renouveler les données et, par la suite, de mieux cerner les occupations antiquesassociées.
Référence du rapport
Emmanuelle LEROY-LANGELIN, Elisabeth AFONSO-LOPES, Murielle MEURISSE-FORT, Elisabeth PANLOUPS,
Clarques/Ecques (Pas -De-Calais ) «Parc des Escardalles»,
Rapport final d’opération de diagnostic, édition Direction de l’Archéologie du Pas‑de‑Calais, Dainville, 2017, 130 pages, 64 figures.