Au début de l’année 2012, une équipe du Centre départemental d’Archéologie du Pas-de-Calais est intervenue sur le site du Champ Bel Air rue François Broussais à Dainville, à l’ouest d’Arras, pour une fouille sur une surface d’1.2 hectares, préalable à la construction d’un nouveau quartier. En 2010, le diagnostic réalisé par Benoît Leriche de l’Institut National de Recherches Archéologiques Préventives avait dévoilé la présence de vestiges protohistoriques et antiques. Le Service Régional de l’Archéologie a prescrit une fouille sur quatre zones dont une mesurant 1 hectare à forte densité de vestiges. Les occupations humaines se situent sur le versant sud d’une butte de formation calcaire qui culmine à 107 m NGF. Les vestiges ont été repérés entre 77 m et 83 m NGF et étaient visibles directement sous la terre arable, creusés dans le substrat naturel crayeux. Les 280 structures anthropiques découvertes appartiennent à la période moderne, romaine, gauloise et à la période de l’âge du Bronze, la mieux représentée, avec 180 faits archéologiques.
La phase antique est marquée par la présence de deux fossés parallèles, de direction est-ouest distants de près de 13 m. Ces structures correspondent aux fossés bordiers d’un chemin antique, voie secondaire menant d’Arras vers la commune actuelle de Warlus au sud-ouest de Dainville. Les quelques fragments de céramique retrouvés dans le comblement des fossés permettent de proposer une datation du chemin vers la fin du premi er siècle avant courant du Ier siècle après Jésus-Christ. Au moment du diagnostic, trois incinérations de la période gauloise, du 3ième au milieu 2ième siècle avant Jésus-Chirst, ont été fouillées dans la partie ouest de l’emprise du projet. L’agrandissement des fenêtres d’observation à la fouille n’a pas permis d’en découvrir d’autres. Les sépultures sont de petites fosses rectangulaires à l’intérieur desquelles sont déposés les restes de l’incinération du défunt accompagnés par quelques céramiques et des offrandes alimentaires (ossements fauniques).
Les vestiges les plus nombreux attestent de la présence d’hommes de l’âge du Bronze sur la commune de Dainville. Ils témoignent à la fois de leurs pratiques funéraires dans le courant du 2ième millénaire avant notre ère et des modes d’habitat du début du premierer millénaire avant notre ère. Ces deux domaines occupent des espaces distincts sur le terrain. Les structures funéraires dont ils restent les fossés circulaires sont concentrées dans la partie nord du site, alors que la zone d’habitat se développe au sud sans interférence avec le monde funéraire. Les deux monuments funéraires se composent de fossés d’un diamètre extérieur de 17.80 m pour l’un et de 24.0 m pour l’autre, leurs largeurs oscillent entre 1.58 m et 2.90 m pour le plus grand et leurs profondeurs entre 0.16 m et 1 m pour le mieux conservé. L’observation du comblement du fossé le plus grand indique la présence d’un talus extérieur qui suivait les contours du fossé, donnant à ces structures une allure monumentale visible de loin. Les trois tombes repérées uniquement à l’intérieur du grand fossé, sont des incinérations qui ont livré quelques grammes d’esquilles osseuses. Leur étude a permis d’identifier potentiellement la tombe d’un adolescent ou jeune adulte de sexe indéterminé et éventuellement pour une autre la tombe d’une femme âgée entre 20 et 40 ans. Une datation radiocarbone sur quelques fragments osseux situe une tombe entre 1 500 et 1 300 avant Jésus-Christ. On suppose que les autres incinérations et la construction du fossé circulaire datent de la même période. Les monuments étaient probablement encore visibles à la fin du Bronze final puisque de la céramique de cette période a été découverte dans le comblement final du fossé du plus grand monument.
Prés de 700 ans après la nécropole se développe au sud, une zone d’habitat explorée sur 7 000 m2 datable du 9iième siècle avant Jésus-Christ. Elle se compose d’un ensemble de fosses plus ou moins grandes dont certaines ont servi de silos pour conserver notamment des céréales (blé amidonnier, orge vêtue, millet commun). Deux fosses à profil en "Y" de 2 m de profondeur sont peut-être assimilables à des pièges pour les bêtes sauvages. Le comblement des structures livre du mobilier archéologique qui atteste d’activités domestiques liées à l’agriculture, à l’élevage et à la transformation de matière première comme le bois de cerf (les haches-marteaux), des ossements animaux (poinçon, lissoi) et les fibres animales et/ou végétales pour la confection de tissus (fusaïole, peson). Des hommes ont vécu sur le site du "champ Bel Ai", cependant aucune trace de bâtiment d’habitation n’a été identifiée, les greniers sur 4 poteaux sont les seules constructions. Cette lacune s’explique probablement par un problème de conservation lié aux choix architecturaux. On suggère que les maisons étaient construites sur poutres horizontales et non pas sur poteaux porteurs. Cette technique laisse peu de chance d’en découvrir les traces en raison de l’érosion du niveau de sol sur lequel marchaient les populations à l’âge du Bronze. La répartition spatiale du mobilier n’apporte pas la possibilité de définir une organisation de l’habitat. On peut supposer qu’il y ait eu plusieurs habitations et pas forcément strictement contemporaines. L’absence de maison est un handicap pour aborder ce type de site. Les découvertes de la rue François Broussais à Dainville viennent compléter les données sur l’implantation des hommes de l’âge du Bronze dans l’Artois qui se caractérise par sa densité.
Référence du rapport
MASSE Armelle, WILKET Laurent, CHOMBART Jérémie, DELOBEL Déborah, LACHAUD cyril, MERKENBREACK Vincent, Dainville (Pas-de-calais), "le Champ Bel Air", rue François Broussais, Rapport final d’Opération de fouilles, éd. Centre départemental d’Archéologie du Pas-de-Calais, Dainville, 2013.