A la suite d’un projet d’aménagement de logements sociaux et d’une salle culturelle par la commune de Desvres rue Salengro, le Service régional de l’Archéologie a prescrit un diagnostic sur une surface de 4 960 m². L’opération a été réalisée par la Direction de l’Archéologie du Pas-de-Calais sous la direction de Jean-Michel Willot en août 2016.
De nombreuses contraintes, inhérentes aux opérations en milieu urbain, ont limité l’intervention, notamment, des réseaux actifs, des murs mitoyens fragilisés par la démolition d’une ancienne minoterie et un massif arboré objet d’une procédure de classement. Enfin, le sous-sol en façade de rue Salengro a été détruit sur un large secteur lors de la démolition des bâtiments de la minoterie. Trois tranchées ont été réalisées, livrant une trentaine de structures en creux datées du bas Moyen Âge et de l’époque moderne. Le site est marqué par une forte déclivité sud-ouest/nord-est (6,5%) et surtout nord-ouest/sud-est (20%), un dévers qui borde un ruisseau à l’est. Ce dernier se jette au nord de l’agglomération dans la Lène ou ruisseau de Desvres, un affluent de la Liane .
Les interventions archéologiques, essentiellement des diagnostics, sont peu nombreuses sur la commune de Desvres. Un four de potier du Ier siècle a été fouillé en 1976 au lieu-dit « le Moulin Bas » mais la découverte marquante de ces dernières années reste la mise au jour en 2004 par l’INRAP au lieu-dit « les Courteaux » d’une borne milliaire de l’empereur Septime Sévère et de ses fils. Desvres à l’époque médiévale demeure méconnue alors que le bourg était d’une relative importance et que la documentation ancienne constitue une source de renseignements encore largement sous-exploitée. Les mentions les plus anciennes de Desvres remontent au début du 12ième siècle et concernent son église (actuelle église Saint-Sauveur) dont la paroisse est rattachée au chapitre de Thérouanne. L’agglomération a un statut particulier en raison de sa localisation clef qu’elle occupe au sein du comté de Boulogne : à l’instar des villes stratégiques de Boulogne et de Calais, son enceinte urbaine est sans doute construite dans le courant du 13ième siècle. Sous l’égide des comtes, Desvres se développe alors et se voit dotée progressivement d’institutions qui en font une ville ou un bourg castral de petite taille dont le rôle est prépondérant au sein du comté. Témoignage de cette importance, la ville devient le siège d’un bailliage au début du 14ième siècle et reçoit sa charte communale en 1383. A cette époque, Desvres possède une halle de la guilde marchande (gilhalle), des marchés, pas moins de 42 corps de métiers ainsi qu’un hôpital et une maladrerie fondés au début du15ième siècle. Le secteur concerné par le diagnostic est localisé exta-muros dans un faubourg de la ville.
Les vestiges sont apparus entre 0,40 m et 0,60 m sous la terre végétale sur un encaissant argileux. Il ne subsiste aucune stratification verticale. Au nord-ouest de l’emprise, à une quinzaine de mètres de la rue Salengro, 19 structures en creux ont été mises au jour dans une fenêtre sur 80 m², une concentration qui semble matérialiser une ancienne parcelle. Des latrines et un cellier, dégagés au voisinage de trous de poteaux et datés du bas Moyen Âge correspondent probablement à des aménagements de fond de parcelle d’un habitat en front de rue disparu. Au sud de ces vestiges, le terrain est vide de vestiges en dehors d’une fosse. A l’arrière de la parcelle, à une distance de 60 m de la rue, deux grands foyers circulaires domestiques (entre 1m et 1,50 m de diamètre), un cellier rectangulaire, un fossé et des fosses de grandes dimensions (plus de 2 m de côté et 1,50 m de profondeur) datées du bas du Moyen Âge ont été également mis au jour sur une petite surface (70 m²). Ils témoignent aussi très certainement d’une ancienne structuration du secteur, peut-être une parcelle qui s’ouvre vers l’est et le ruisseau.
Cette opération archéologique est la première qui livre des vestiges en centre-bourg actuel. Elle révèle une occupation péri-urbaine matérialisée par des structures domestiques datées de la fin du Moyen Âge et du début de l’époque moderne : des celliers de fond de parcelle, des latrines, des constructions sur poteaux qui semblent s’organiser selon une ancienne partition dite «en lanière».
Jean-Michel Willot
Référence du rapport
Jean-Michel WILLOT, Murielle MEURISSE-FORT, Laurent WILKET
Desvres, «la Minoterie» Rue Salengro,
Rapport final d’opération de diagnostic, édition Direction de l’Archéologie du Pas‑de‑Calais, Dainville, 2016, 60 pages, 34 figures.