Le projet E-Valley vise la création du plus grand parc e-logistique d’Europe, portant sur l’intégralité de l’ancienne base aérienne 103 (BA 103), soit sur une surface foncière d’environ 329 ha. Le présent diagnostic porte sur une superficie de 104 ha correspondant à une deuxième phase du futur aménagement, située dans la partie nord-est du site militaire. L’emprise est délimitée à l’ouest par la RD 21 qui traverse la commune de Sauchy-Lestrée. Au nord se trouve la commune d’Épinoy et au sud celle d’Haynecourt. À l’est, la piste se poursuit vers la zone correspondant à la première phase du diagnostic (Panloups et al. 2018). Cette opération a permis de compléter significativement les connaissances actuelles sur l’occupation archéologique de ce territoire à la limite des plaines de l’Artois et du Cambrésis.
La stratigraphie quaternaire
Le diagnostic est traversé dans sa partie ouest par un vallon sec, dit le fond de Sauchy, comblé par des colluvions. Au nord et au sud-est de l’ancienne base aérienne, hors emprise, sont reportés deux autres vallons, le fond Mathurin et le fond d’Haynecourt. Les tranchées recoupent ainsi également une partie de leurs versants lœssiques. Alliée à des sondages géologiques réguliers, une campagne de sondages profonds a été réalisée (M. Meurisse-Fort -DA 62- et P. Feray -Inrap-). Une paléotopographie héritée dans le Pléniglaciaire supérieur est bien marquée par des variations de la côte d’apparition de l’Horizon de Nagelbeek entre 1 m et 3 m de profondeur. Cette amplitude d’altitudes coïnciderait avec l’emplacement de vallons aujourd’hui très peu marqués ou totalement masqués par la partie supérieure des lœss du Pléniglaciaire supérieur affectée par la pédogenèse holocène (horizon Bt), par des colluvions anciennes ou récentes, mais également par une ou plusieurs générations de remblais contemporains liés à l’aménagement de la base aérienne. Localement, un arasement de l’horizon Bt holocène a également pu être détecté. Certaines zones moins denses en vestiges coïncident ponctuellement avec ces zones remaniées ou arasées. L’aspect très nivelé de l’emprise actuelle correspond au cumul de ces différentes actions d’arasement ou de remblaiement du paysage initial. Les vestiges, lorsqu’ils sont préservés du développement des infrastructures militaires, présentent un très bon état de conservation. Les pratiques d’agriculture intensive habituellement observées en contexte rural et participant à l’érosion des sites y sont en effet absentes.
Un habitat du Néolithique final
Pour le Néolithique final, un bâtiment a été identifié sur le secteur 12 à l’extrémité ouest de l’emprise. Son plan reste incomplet à l’issue du diagnostic. Si l’axe faîtier semble matérialisé par 2 à 3 poteaux, les aménagements internes et la présence d’entraits restent à confirmer. De même, les façades semblent pouvoir être définies par une architecture à poteaux plantés. Les informations sont très lacunaires, notamment au niveau des 2 pignons, dont la typologie et les techniques de construction sont à caractériser. Il reste également à étudier l’extension et l’organisation spatiale de cette occupation, intégrant l’analyse de la culture matérielle, des macrorestes végétaux et les études de sols afin de préciser les activités représentées sur le site. Une méthodologie de terrain adaptée, pluridisciplinaire, associée à un décapage d’envergure permettront d’aborder l’ensemble de ces problématiques et de vérifier la présence ou non d’autres édifices. L’interdisciplinarité est par ailleurs encouragée dans l’axe de recherche 4 de la programmation nationale.
Cette occupation se localise à proximité d’un autre site contemporain fouillé à l’occasion du projet du Canal Seine-Nord-Europe où 3 bâtiments ont été étudiés. Cette nouvelle découverte permet d’élargir localement les connaissances sur les implantations humaines de la fin du Néolithique et notamment la question du maillage territorial de ces installations. Plus largement, elle enrichira les données sur le groupe du Deûle-Escaut, ses composantes culturelles et ses évolutions.
Habitat, funéraire et artisanat à l’âge du Fer
Aucune installation de l’âge du Bronze n’a été identifiée sur le diagnostic. En l’absence de mobilier caractéristique, certaines implantations protohistoriques n’ont pu faire l’objet d’une attribution chronologique plus précise. Le maillage des vestiges protohistoriques apparaît à la fois lâche et omniprésent sur l’intégralité de l’emprise. Les occupations définies sont liées à des zones d’habitats, associées ou non à des aires funéraires. Concernant les installations artisanales, la suspicion d’une probable unité de forge laténienne constitue une découverte particulièrement remarquable.
Ainsi, sur près de 500 m² au nord-ouest de l’emprise, dans le secteur 10, 3 fosses et un éventuel grenier sur poteaux matérialisent une occupation du Hallstatt ancien – moyen (-730/-530 avant Jésus-Christ). Le mobilier est riche et varié, notamment un lot céramique remarquable composé de jattes, d’écuelles parfois décorées d’incisions sur la lèvre et d’une tasse à anse en ruban.
à proximité est de cette installation du Ier âge du Fer, toujours dans le secteur 10, une tombe datée entre la fin de La Tène ancienne et le début de La Tène moyenne (-300/-225 avant Jésus-Christ) associée à de possibles vestiges d’habitat a été mise au jour. Particulièrement concentrés, ces éléments regroupent des trous de poteaux, des fosses et une structure de combustion. L’ensemble, dense, couvre une superficie d’environ 3000 à 3500 m². La structure de combustion est datée par radiocarbone entre 799 et 547 cal BC, soit au Hallstatt, montrant une large extension de cette occupation ouverte.
à 500 m à l’ouest de cet ensemble Hallstatt / La Tène ancienne, un groupement de 3 tombes a été détecté dans le secteur 11. L’une d’entre elles a livré une offrande céramique datée entre la fin de La Tène ancienne et La Tène moyenne (- 300/-180 avant Jésus-Christ), et donc potentiellement contemporaine de la tombe précédemment décrite.
à 100 m au nord-ouest de cette installation funéraire, un enclos laténien se développant hors emprise a partiellement été dégagé dans le secteur 11, avec des fossés très bien conservés, sur plus d’un mètre de profondeur. L’établissement présente une entrée interrompue sur son tracé méridional. Le fond et les parois des fossés, de part et d’autre de l’interruption, présentent une rubéfaction très importante sur près de 3 m de long. Cet aménagement particulier ne trouve, a priori, aucun écho sur les enclos protohistoriques contemporains régionaux, posant la question du caractère intentionnel ou accidentel de cette combustion. Plusieurs hypothèses peuvent être proposées, comme l’étanchéification des parois visant à réduire l’effondrement des bords des fossés ou un aménagement en bois qui aurait accidentellement été incendié. Les entrées d’enclos faisant régulièrement l’objet de traitements particuliers, il convient également de s’interroger sur une possible combustion liée à un dépôt de fondation. En définitive, le caractère inédit de cet aménagement mérite d’être souligné.
à 300 m au sud de cet enclos laténien, toujours dans la moitié ouest de l’emprise, un autre établissement enclos complet semble pouvoir être circonscrit dans le secteur 12, recoupant le bâtiment néolithique. Les fosses retrouvées à l’intérieur ou à proximité de l’enclos n’ont pas livré de mobilier. Elles peuvent aussi bien caractériser les vestiges d’habitat de cette installation que de l’habitat néolithique.
Au nord-est de l’emprise, une occupation laténienne bien structurée a été identifiée sur une superficie de 2,5 à 3 ha dans le secteur 6. Elle est caractérisée par un habitat inscrit dans un système fossoyé regroupant au moins 2 enclos, associé à de petits ensembles funéraires potentiellement contemporains.
L’habitat enclos regroupe de nombreuses fosses, ainsi qu’un bâtiment quadrangulaire sur tranchée de fondation. Une rangée de poteaux plus ou moins jointifs suggère les élévations. La céramique recueillie dans les fossés d’enclos permet d’affiner les datations de l’établissement autour de La Tène moyenne. Les systèmes parcellaires associés livrent, pour leur part, du mobilier de La Tène moyenne, mais aussi de La Tène finale. La présence erratique de tessons gallo-romains pourrait suggérer une présence humaine très limitée aux périodes postérieures.
3 ensembles funéraires ont été identifiés autour de cet habitat. Chacun d’entre eux regroupe 2 ou 3 tombes secondaires à crémation, datées entre la fin de La Tène ancienne et La Tène finale. Ces sépultures sont donc potentiellement contemporaines de l’habitat. Un bûcher a également été découvert non loin des tombes, invitant à supposer l’existence d’aires de crémations en plus des espaces sépulcraux. Une dernière tombe plus excentrée permet d’envisager une structuration plus vaste de l’espace funéraire.
Au sud de cet important établissement, dans le secteur 8, un bâtiment sur 4 poteaux à parois rejetées ainsi que quelques structures fossoyées dont un silo semblent définir un probable habitat en aire ouverte du second âge du Fer.
Enfin, dans la partie centrale de l’emprise, au sud de la piste aérienne, dans le secteur 9, quelques structures fossoyées au maillage particulièrement lâche sont attestées pour le second âge du Fer. Il s’agit d’une fosse et d’une tombe secondaire à crémation. La datation du mobilier céramique découvert dans ces 2 structures couvre l’intégralité de la période laténienne. De nombreux déchets liés à la métallurgie du fer ont par ailleurs été retrouvés dans la fosse, témoignant d’activités sidérurgiques se déroulant probablement à proximité. La zone de forge n’a, en revanche, pas pu être identifiée. En effet, les indices de ces activités se révèlent souvent peu visibles, notamment les épandages de battitures liés au martelage du fer. Ainsi, seule la mise en place d’une cartographie géophysique associée à une étude paléométallurgique permettrait de délimiter l’unité de forge, mais également d’apporter une caractérisation plus fine des activités qui s’y déroulaient et des structures potentiellement associées : zones de martelage, emplacement de l’enclume, présence d’un bâtiment artisanal. Cela est d’autant pl us intéressant que l’économie du fer reste, à ce jour, un pan méconnu de la recherche régionale pour la fin de la Protohistoire.
En définitive, sur cette deuxième phase de diagnostic de l’ancienne base aérienne 103, 6 zones d’habitat protohistoriques ont été identifiées, réparties en 3 occupations en aire ouverte et 3 établissements enclos. Concernant les habitats ouverts, les vestiges hallstattiens mis au jour ne sont pas sans rappeler l’établissement complet du premier âge du Fer découvert lors de la première phase de diagnostic, à 2,5 km plus à l’est (Panloups et al. 2018). Les 2 autres occupations pourraient illustrer la perduration de l’habitat ouvert à la période laténienne, à l’exception de La Tène finale. C’est tout du moins ce que suggèrent les données recueillies à l’issue du diagnostic. Ainsi, cette opération offre la possibilité d’approfondir les problématiques de recherche sur les différentes formes de l’habitat, avec la coexistence au second âge du Fer d’occupations en aires ouvertes et encloses. Ces habitats ouverts sont plus difficiles à détecter et à caractériser en diagnostic que les enclos. Paradoxalement, ils font moins souvent l’objet de prescription de fouille. Sur l’emprise de la BA 103, ils peuvent apparaître comme des implantations mineures au regard des autres sites découverts. Malgré cela, leur étude approfondie permettrait d’envisager s’il s’agit d’occupations pérennes ou ponctuelles, de savoir si elles regroupent une ou plusieurs unités familiales. Au-delà, c’est la problématique de la hiérarchisation des sites (occupations principales / satellites) qui peut être nourrie et approfondie grâce à la fouille de ces habitats ouverts. La prise en compte des interactions entre les différents types d’occupation par le biais d’opérations sur de très grandes surfaces est favorisée par la programmation nationale (Axe 5)
Sur les 3 établissements enclos laténiens, 2 d’entre eux sont complets et le dernier se développe hors emprise, mais présente un aménagement d’entrée inédit. L’un des établissements a livré suffisamment de mobilier permettant d’affiner sa datation autour de La Tène moyenne. De manière générale, la durée d’occupation des enclos reste à affiner, tout comme l’organisation des différentes activités domestiques et/ou agro-pastorales.
4 à 5 aires funéraires laténiennes ont également été mises en évidence, avec un total de 13 tombes secondaires à incinération. 5 sépultures sont datées entre la fin de La Tène ancienne et La Tène moyenne et 4 d’entre elles sont localisées au nord-ouest de l’emprise. Concernant les autres tombes, une est attribuée entre la fin de La Tène moyenne et La Tène finale, les autres sont laténiennes au sens large.
7 à 8 sépultures définissent une aire funéraire en partie contemporaine de l’habitat enclos de La Tène moyenne. L’espace funéraire semble s’organiser en grappes de 2 à 3 tombes réparties autour de l’établissement. Le lien avec l’habitat est à conforter, mais il pourrait s’agir d’une partie de la population ayant vécu sur le site qui aurait été enterrée à proximité. De plus, la mise au jour d’un bûcher à proximité permet d’envisager la présence d’une aire de crémation en plus des espaces sépulcraux. Ce serait ainsi l’intégralité des pratiques funéraires qui serait représentée depuis la mort jusqu’à la mise en terre.
Aucune occupation ayant pris place à La Tène ancienne ou moyenne ne semble perdurer au-delà de La Tène finale. Au contraire, les établissements laténiens semblent délaissés au profit d’établissements nouvellement créés. à la différence des axes parcellaires et des réseaux de communication qui perdurent entre la fin du second âge du Fer et l’Antiquité. Dans l’axe 5, la programmation nationale encourage l’analyse détaillée des mobiliers pour tester la continuité effective des occupations entre La Tène finale et le début de l’époque romaine. En effet, le déplacement et la création de nouveaux habitats se placent au coeur d’une réflexion plus globale sur les dynamiques et les évolutions des implantations humaines liées à la romanisation des campagnes de la Gaule Belgique.
Habitat et funéraire gallo-romain
Les habitats gallo-romains, bien structurés, se localisent ainsi sur deux zones bien identifiées au sud-est (secteur 5) et au nord-ouest de l’emprise (secteur 10). Des traces d’habitat ponctuelles sont également observées au centre de l’emprise. Une structure excavée de type cellier ou petite cave y a été mise au jour, associée à un niveau de démolition et 2 fosses, le tout semblant fonctionner au Haut-Empire.
La structuration des installations au sud-est et au centre de l’emprise s’articule autour des axes de circulation. En effet, en plus des chemins A, B et C découverts lors de la première phase de diagnostic, un nouvel axe, appelé chemin D, a été mis en évidence dans le secteur 5. Un éventuel chemin D’, perpendiculaire au D pourrait également être caractérisé. Enfin, au centre de l’emprise, un autre axe de communication E semble pouvoir être défini dans le secteur 8. Les systèmes parcellaires laténiens et gallo-romains se déploient autour de ces axes de circulation. La difficulté de préciser la fonction des fossés de manière générale ne permet pas de considérer les chemins pré-cités comme la liste exhaustive des axes de communication présents sur les 104 ha. En effet, les nombreux fossés antiques mis au jour dans la partie nord-ouest du diagnostic n’ont pas permis de préciser leur fonction (enclos, parcellaire, chemin). La structuration de l’ensemble de ces fossés, le plus souvent par paires, sans espaces clairement clos, pourrait illustrer une vaste zone de circulation ou caractériser les transformations parcellaires au cours du temps.
3 enclos présents au sud-est de l’emprise dans le secteur 5 illustrent les vestiges d’une occupation pérenne entre La Tène finale et le Haut-Empire.
Le premier établissement couvre une surface de près de 2000 m² jusqu’au taxiway. Il est caractérisé par un ensemble de fosses et de trous de poteaux, avec au moins un bâtiment sur 4 poteaux. Le tout s’inscrit à l’intérieur d’un enclos fossoyé dont l’angle nord-ouest a été partiellement décapé. Le mobilier issu des structures de l’enclos a pu être daté entre La Tène finale et le Haut-Empire.
Le deuxième enclos présente une superficie d’environ 5000 m². De plan rectangulaire à plusieurs partitions internes, il se développe dans le même axe que le chemin D. Les trois côtés est, nord et ouest ont été identifiés, mais la limite sud de l’enclos se situe sous le taxiway. Un grand nombre de fosses et trous de poteaux prennent place à l’intérieur de cet établissement dont deux très grandes structures excavées sub-rectangulaires, dont la fonction n’a pu être déterminée pendant le diagnostic. En effet, seule une fouille complète de ces structures permettrait de vérifier la présence ou non d’aménagements associés, comme des poteaux. Il conviendrait également de mettre en place un protocole de prélèvements, afin de caractériser plus finement les activités ayant pu y prendre place : stockage, pratiques artisanales ou agricoles... Une concentration importante de trous de poteaux permet de proposer la présence de bâtiments dont les plans restent à conforter. Le mobilier associé aux différentes structures de cet établissement est daté du Haut-Empire.
Le dernier enclos, partiellement observé sur une surface de près de 2000 m², se poursuit vers le nord sous la piste aérienne. Aucune structure n’a pu être mise en évidence à l’intérieur des limites fossoyées et le mobilier associé est daté à la période gallo-romaine sans plus de précision. Toutefois, cette occupation semble se poursuivre hors de l’enclos avec de nombreuses structures antiques identifiées dans un rayon de 50 à 80 m au sud des limites fossoyées.
Au nord-ouest de l’emprise, dans le secteur 10, une occupation, alliant des vestiges d’habitat et une aire funéraire, prend place sur une superficie de près de 2,5 ha. Elle pourrait débuter à La Tène finale et perdurer jusqu’à l’Antiquité tardive. La présence de possibles bâtiments excavés, de puits, d’au moins un bâtiment sur poteaux et d’une probable cave illustrent les vestiges d’habitat, dont l’organisation spatiale reste à définir. Si des structures Haut-Empire ont pu être individualisées, aucun vestige clairement Bas-Empire n’a été identifié. Une installation plus précoce est envisagée grâce à un fossé protohistorique et une fosse augustéenne. Une construction sur fondations de craie a été mise en évidence à l’est de l’habitat et de la nécropole. Son plan atypique et les techniques constructives observées ne trouvent pas de similitudes dans la sphère des architectures romaines. A l’issue du diagnostic, il paraît impossible de trancher entre une attribution romaine ou contemporaine pour ces fondations.
Au sud de cet habitat, toujours dans le secteur 10, une nécropole a été mise en évidence sur 2000 à 2500 m² avec 2 espaces proches mais distincts chronologiquement. à l’ouest, plusieurs sépultures secondaires à crémation ont été découvertes le long d’un fossé. Ce premier ensemble semble avoir fonctionné durant le Haut-Empire. à l’est, un deuxième ensemble de tombes à inhumation est daté de l’Antiquité tardive. Une sépulture du Haut-Empire et une tombe du Bas-Empire ont été fouillées pendant le diagnostic. Le dépôt céramique de la tombe Haut-Empire est daté dans une fourchette restreinte entre le dernier tiers du 1er siècle après Jésus-Christ et le début du 2e siècle après Jésus-Christ. La tombe Bas-Empire s’est révélée dans un état de conservation exceptionnel. Déposé au sein d’un cercueil en bois partiellement conservé, un jeune homme (17-25 ans) a été inhumé habillé et chaussé. Les offrandes funéraires, hors numéraire, ont été disposées à l’extérieur du cercueil, aux pieds et à la tête du défunt. Aux pieds, un bol et un pot en terra nigra tardive sont associés à une coupelle en verre altérée par une chauffe intense et une offrande carnée. Il s’agit ici de morceaux choisis de porc, en l’occurrence du bas d’un jambon. à la tête du défunt, 2 barillets et un gobelet en verre ont été déposés, ainsi qu’une oie et un porcelet complets. Concernant les 11 monnaies découvertes dans la tombe, 6 ont été disposées sur le défunt, 2 dans chaque orbite, 2 de part et d’autre de la mandibule et les 2 dernières sur l’épaule gauche. Dans le cercueil, 5 autres monnaies ont été déposées à côté du corps. Une dernière monnaie était présente dans le comblement terminal de la fosse sépulcrale. Enfin des os humains et animaux brûlés ont également été découverts dans les comblements de la fosse sépulcrale.
L’extension et la chronologie précise de la nécropole restent à préciser, tout comme le nombre de tombes présentes. Les 2 fenêtres réalisées au cours du diagnostic ont permis d’identifier au moins 8 tombes, soit 3 sépultures secondaires à crémation du Haut-Empire et 5 sépultures à inhumation du Bas-Empire. Le corpus funéraire pourrait être augmenté de 4 autres tombes supposées. La bonne conservation des tombes testées montre le potentiel d’enrichissement notable des données sur les pratiques funéraires régionales notamment pour l’Antiquité tardive. C’est en effet à cette période que le secteur de Cambrai et sa campagne proche doivent connaître de profonds changements du fait que Camaracum devient le chef-lieu en remplacement de Bagacum vers le milieu du 3e siècle après Jésus-Christ.
D’autres structures funéraires gallo-romaines ont été identifiées sur le diagnostic, dont une tombe aux abords du chemin D et une aire funéraire constituée d’au moins 4 tombes à crémation dans la partie centrale de l’emprise. La fouille de plusieurs sépultures de cet ensemble tend à montrer son utilisation depuis l’Augustéen précoce (- 30 avant Jésus-Christ.) jusqu’au début du 2e s. après Jésus-Christ., soit sur une durée maximale de 150 ans. Son extension spatiale reste à confirmer, il apparaît probable que d’autres tombes soient présentes au vu de sa durée d’utilisation.
Les occupations gallo-romaines mises au jour sur la BA 103 s’inscrivent dans le territoire de l’arrière-pays de l’agglomération antique de Cambrai. Cette campagne, située non loin de l’Escaut, à la frontière entre les Atrébates et les Viromanduens se révèle densément occupée entre la fin de la Protohistoire et l’Antiquité, comme le confirment les nombreuses découvertes récentes (Canal Seine-Nord-Europe, Plateforme de Marquion, BA 103-Phase 1).
Les fouilles de ces occupations, protohistoriques et antiques, permettraient ainsi une approche territoriale élargie pour « dépasser l’échelle du site » tel que prôné par l’axe 10 de la programmation nationale.
Un atelier de potier haut Moyen Âge
Au cœur de l’un des enclos laténien / gallo-romain, un four de potier a été découvert et intégralement fouillé dans le secteur 5. La typologie dite en « grain de café » de ce four renvoie à une technologie à volume unique où la chambre de chauffe et le laboratoire sont réunis dans le même espace. Cette technique de cuisson des céramiques est clairement héritée des traditions de la Gaule Belgique. Pour le haut Moyen Âge, les fours de potiers connus dans la région sont tous constitués de 2 volumes. Le lot céramique associé à la dernière cuisson du four et aux comblements d’abandon de la structure est homogène. Le répertoire de formes est restreint mais pourrait être daté autour du 8e s. après Jésus-Christ. Il s’agirait donc bien d’un four de potier inédit pour le haut Moyen Âge régional. Il conviendrait maintenant de pouvoir préciser et confirmer la datation de l’atelier. La contamination des charbons de bois prélevés dans les derniers niveaux d’utilisation du four par des radicelles rend l’ensemble des échantillons indatables par le radiocarbone. Toutefois, il existe d’autres méthodes qui permettraient de dater à la fois la plateforme du four (archéomagnétisme) et/ou les ratés de cuisson (thermoluminescence). De même, tous les échantillons de charbons de bois prélevés restent disponibles pour une étude anthracologique, qui documenterait de manière approfondie la collecte du bois de feu par les potiers médiévaux, s’intéressant aux ressources disponibles sélectionnées dans le paysage environnant de l’époque.
Peu de structures potentiellement contemporaines du four ont été mises au jour lors du diagnostic. Un décapage plus large autour de l’atelier permettrait de délimiter son extension et appréhender son organisation spatiale. Cette approche extensive laisserait également la possibilité d’identifier d’autres structures de combustion et/ou d’éventuelles tessonières associées.
Référence du rapport
PANLOUPS (E.), collab. CHOMBART (J.), AFONSO LOPES (E.), BOUTTEAU (D.), DELOBEL (D.), DEWITTE (O.), LEROY-LANGELIN (E.), MAJCHRZAK (N.), MERKENBREACK (V.), MEURISSE-FORT (M.),
Epinoy, Sauchy-Lestrée (Pas-de-Calais), Haynecourt (Nord),
Rapport final d'opération de diagnostic, édition Direction de l’Archéologie du Pas‑de‑Calais, Dainville, Avril 2019, 3 volumes, 828 pages, 472 figures.