Un projet de construction d’une nouvelle école et de viabilisation d’un terrain par la commune de Fiennes (Pas-de Calais) a été l’objet d’une prescription de fouille, une opération effectuée de mai à juin 2012 par le Centre départemental d’archéologie sur une superficie de 4000 mètres carrés. La fouille est localisée à proximité du village actuel, à une centaine de mètres de l’église paroissiale.
L’officine de potier
A la fin du 14ième siècle, un atelier de potier s’implante à la périphérie du village sur un secteur vierge. L’officine qui demeure durant sa phase d’activité l’unique occupant du lieu, s’étend sur près de 2000 mètres carrés. La production est assurée par deux fours, accessibles d’une aire de chauffe commune de forme carrée de 3,80 m sur 4 m de côté et profonde d’1,10 m. A l’ origine, un unique four, installé au sud de l’aire de chauffe, a été activité. Préservé sur 1 m de profondeur, il forme un grand rectangle aux côtés incurvés, mesurant 2,60 m de long et 1,40 m de large L’alandier, une ouverture de 0,70 m de côté et longue d'1 m, possède des parois latérales renforcées par de gros blocs de calcaire et une couverture peut-être à l’origine maçonnée. A l’intérieur du four, la languette est montée avec des moellons de craie, des carreaux de pavement, des tuiles, des boudins de four et quelques blocs de grès liés à l’argile. Longue de 2,10 m pour une largeur comprise entre 0,30 m (base) et 0,10 m (au sommet), elle porte des arceaux constitués de tuiles liées à l’argile qui forment l’ossature de la sole. Des boudins d’argiles ou des croisillons sont posés entre ces arceaux, l’ensemble est ensuite recouvert de tuiles posées à plat puis d’argile. Une quarantaine de trous d’évents aménagés entre les éléments de l’ossature assurent la circulation de la chaleur entre la chambre de chauffe et le laboratoire.
Situé au nord de l’aire de chauffe, le deuxième four, construit peu de temps après le précédent, est moins bien conservé. De plan ovalaire, il est long de 2,40 m à 2,80 m pour une largeur comprise entre 1,60 m et 1,80 m. L’alandier forme un conduit voûté en tuiles liées à l’argile, long de près de 0,80 m et large d’1 m. Dans le four, seule la languette, également montée avec des tuiles liées à l’argile, est préservée. La sole dont de nombreux fragments ont été mis au jour dans le comblement du four est, contrairement à celle du précédent four, entièrement composée de torchis.
Un troisième four à usage domestique a été construit lors des dernières phases d’usage des fours artisanaux le long de la paroi occidentale de l’aire de chauffe. De plan circulaire (1,30 m de diamètre) et préservé sur 0,20 m de hauteur, il est constitué d’une chambre de cuisson couverte par un dôme en argile et d’une sole en argile et en tuile. L’enfournement s’effectue à hauteur d’homme depuis l’aire de chauffe par une ouverture large d’une trentaine de centimètres.
D’autres installations ont pu être rattachées à l’atelier, notamment des fosses d’extraction de matériaux, des cuves de décantation ainsi que deux édifices dont il ne subsiste que les solins en blocs de calcaire.
Le mobilier céramique collecté lors de la fouille reste relativement modeste (177 kg) pour un site de production. L’officine a produit des tuiles plates (larges de 14,5 cm ou 17,5 cm, épaisses de 1,5 cm et longues de 30 cm environ), des carreaux de pavement de forme carrée (15 cm ou 20 cm de côté et épais de 3 cm) et de la vaisselle domestique. Cette dernière se caractérise par une grande diversité des formes, des typologies et des groupes de pâte. Les vases de préparation, avec principalement la tèle, puis le pot, la marmite et la terrine/jatte sont majoritaires. Le service et la consommation sont essentiellement représentés par le pichet ou la cruche, et le gobelet. Certaines formes sont anecdotiques, probablement produites de façon ponctuelle comme l’écuelle, la gourde, le couvercle, l’assiette, le bol, le pichet à boire, et la tasse. La production se distingue aussi par un nombre élevé de groupes techniques, qui associent différents modes de cuisson (cuisson oxydante, réductrice ou double cuisson, pratique d'un enfumage terminal) à des dégraissants de nature variée.
Des datations par archéomagnétisme ont établi que l'officine a été en activité entre la fin du 15ième siècle et le début du 16ième siècle, des résultats qui concordent avec ceux de l'étude typologique du mobilier.
Un atelier de forge ?
Peu après la disparition des fours, durant le 15ième siècle, le site semble être le siège d’une nouvelle activité artisanale, la forge, signalée principalement par un sol de scories et de battitures. Ce dernier, épais de 5 à 10 cm, se développe sur 10m² environ le long d’une des parois d’un des édifices de l’officine en ruine. L’emplacement probable d’un billot était visible dans ce sol, matérialisé par une fosse de 20 cm de côté, ceinturée de pierres de calage qui ont éclaté sous l’action de la chaleur. En revanche, aucun vestige d’un foyer sur table n’a été repéré dans ce sol ou à proximité. La fouille du niveau a livré de nombreux objets en fer notamment des clous. A une vingtaine de mètre au nord, de nombreux fragments de fers à chevaux, de faucilles et de lames ont été retrouvés dans un remblai contemporain de l’atelier. Le combustible employé, présent en quantité dans le sol, était du charbon de terre. Il est tentant d’établir un parallèle avec le hameau de forgerons de Guînes, localisé à une dizaine de km au nord : les installations des deux ateliers sont légères, les artisans des deux localités ont pratiqué la maréchalerie, la clouterie, associées au recyclage et ils employaient le même combustible. Des contacts ont même peut-être été établis entre ces ateliers : des fragments de bac en coquillé sans doute à usage artisanal (bac de trempe ?), caractéristiques des productions du four de potier du hameau de Guînes, ont été retrouvés dans le sol de l'atelier de Fiennes. Des similitudes et des liens d'un intérêt tout particulier compte tenu du contexte historique : Fiennes était localisé dans le Haut Pays français alors que Guînes était sous domination anglaise durant une période particulièrement marquée par des troubles.
Après la fin de l’activité de forge, le site n’est plus occupé avant le 18ième siècle. Un chemin en galet de silex, bordé d’un fossé, est alors installé au nord-est de la zone. Après le remblaiement du fossé, un petit édifice, fondé sur semelle de calcaire, est construit le long de l’axe de circulation. Un deuxième édifice, est élevé sur un radier en calcaire et en grès plus en retrait à l’ouest. Ils marquent l'extension maximale du village dans ce secteur.
Référence du rapport
Willot (J.M.) (dir.), Merkenbreack (V.), Agostini (H.), Anderlesse (L.), Bocquet-Liénard (A.), Birée (L.), Cercy (Chr.), Gallet (Y.), Guidi Rontani (G.), Meurisse-Fort (M.).
Fiennes, Rue du Tilleul.
Rapport final d’Opération de fouilles, édition Centre départemental d’Archéologie du Pas-de-Calais, Dainville, 2014, 504 pages., 207 figures.