La commune de Fressin prévoit la construction d’une école primaire et maternelle le long de la Grand Rue. Ce projet d’aménagement a conduit le Service régional de l’archéologie des Hauts-de-France à prescrire une opération de diagnostic archéologique. Elle a été menée par la Direction de l’Archéologie du Pas-de-Calais, du 30 novembre au 14 octobre 2021. Six tranchées linéaires et sept extensions ont été réalisées, représentant une surface totale d’ouverture de 649 m2 pour une superficie de 4200 m2, soit15,46 % de la zone diagnostiquée.
Un grand nombre de structures a permis, par datation de la céramique associée, d’identifier trois périodes chronologiques, dont une subdivisée en deux phases. Les indices d’occupations sont de nature assez variée que ce soit en terme de structures (fosses, silo, cellier, bâti sur solin, cheminée, bâtiment en craie) ou par la diversité du mobilier archéologique rencontré (céramique, faune, verre, monnaie, jeton, boucle de ceinture, épingle, plomb de drapier ?, coin...).
Le secteur ouest jusqu’au bas de pente du terrain, correspond à la première période d’occupation du site, rattachable à la fin du haut Moyen Âge. Elle est caractérisée par la présence de nombreuses fosses dont aujourd’hui, il ne nous est pas possible d’en déduire la nature. Le mobilier associé, datant, se compose essentiellement de tessons de céramique et atteste de quelques formes produites et utilisées aux 10ième et 11ième siècle. Cette occupation couvre une superficie d’environ 1800 m2. La difficulté de lecture du terrain pour cette période nous oblige à rester prudents. En effet, les vestiges de bâtiments sur poteau fichés et pleine terre typique des villages alto médiévaux sont bien attestés. Si l’on se réfère aux données historiques, c’est avec la charte de l’an 800 que serait mentionné pour la première fois «Fressin».
La deuxième période, attribuée au bas Moyen Âge, est marquée par la présence d’un niveau de remblai.
De nature anthropique, il coïncide avec les premières mentions d’un château à Fressin et il vient sceller une partie de l’occupation précédente. Ce remblai très épais et très riche d’un point de vue du mobilier archéologique, marque la fin d’un aménagement exclusif sur poteau et le début d’une construction en pierre. Le mobilier céramique datant ce niveau renvoie à un TPQ 1350. L’implantation de certains bâtis et autres niveaux de sols de cours dans ce niveau conforte cette hypothèse car les bâtiments sur solin dans la région sont plutôt caractéristiques du bas Moyen Âge. Dans la partie occidentale du site, quelques aménagements en creux perdurent. C’est le cas d’un silo et d'autres fosses indéterminées. Il semble donc qu’une continuité soit possible sur la partie haute du site. Un décapage extensif, avec une fouille fine pourrait permettre de mieux appréhender ce niveau qui caractérise la deuxième période d’occupation du site.
L’opération a également permis de mettre en évidence une zone bâtie de grande dimension, occupée du 16ième siècle jusqu’au 17ième siècle, située sur le versant est du site en front de rue.
Deux phases datées de l’Epoque moderne ont été mises au jour. La première coïncide avec la mise en place d’un remblai de nivellement, sur l’occupation du bas Moyen Âge, daté par le mobilier céramique de la fin du 15ième siècle - début 16ième siècle. Elle est caractérisée par des ensembles bâtis en calcaire et silex, des niveaux de sols intérieurs et extérieurs associés ainsi qu’un bâtiment sur solin calcaire. Ce dernier présente dans ses fondations les traces de l’arrachage des poteaux verticaux en bois. A signaler, encore quelques fosses et aménagement de stockage (type cellier) toujours sur le haut de versant à l’ouest. L’occupation de ces structures bâties semble limitée dans le temps. L’orientation de certaines maçonneries pourrait laisser penser qu’il y a synchronicité entre les ensembles. Cette occupation, appartenant à la première phase de l’Epoque moderne, semble être la dernière pour le secteur nord-est du site. D’un point de vue historique, elle pourrait être contemporaine de l’incendie de 1552 du château par un lieutenant de Charles Quint.
La seconde phase, de la période moderne, est datée plutôt du 17ième siècle. Elle est caractérisée par au moins trois ensembles bâtis et est localisée essentiellement en front de rue. C’est-à-dire à l’extrémité est de l’emprise de l’opération. Elle pourrait être la continuité de l’occupation précédente sur des réaménagements des bâtis existants. C’est le cas d’un ensemble bâti, de grandes dimensions, qui repose sur un niveau de sol plus ancien, probablement de la phase 1 de la période moderne. En effet, ce sol qui n’a aucun lien stratigraphique avec les différentes maçonneries de cet ensemble, présente une rupture nette vers le sud, perpendiculaire à la tranchée. Hypothétiquement, cette limite pourrait être le négatif d’un mur de la phase antérieure, vu que les deux ont fait l’objet d’un nivèlement afin d’installer les maçonneries de l’ensemble UE 190 et le niveau de sol qui lui est associé.
Toutefois, cette phase 2 est marquée par la mise en oeuvre de nouveaux aménagements. Il s’agit du bâtiment en fondations silex et de ses deux niveaux de sols en craie auxquels il est associé, ainsi que d’une cave. Cette dernière est matérialisée par 3 murs et deux sols de factures différentes, extérieurs à la cave mais qui semblent fonctionner en même temps. Ces sols traduisent la présence de deux espaces de part et d’autres de ces structures bâties. Espaces qui n’ont pas pu être dégagés pendant la phase de diagnostic. A priori ces constructions ont été au plus tôt abandonnées dans le courant du 17ième siècle.
Au vue de la datation du mobilier et de la stratigraphie du site, il semblerait que l’occupation de ces éléments soit très limitée dans le temps soit au 17ième siècle. Du moins en ce qui concerne la cave et l’un des bâtis puisqu’ils s’installent sur un remblai qui a livré du mobilier daté du 17ième siècle et qu’ils sont comblés par un mobilier qui a également été daté du 17ième siècle. Ce court laps de temps qui prend fin au 17ième siècle est cohérents avec les données archivistiques (Robitaille 1875, page 144 « Dictionnaire historique et archéologique du Pas-de-Calais») qui stipule l’abandon du site au milieu du 17ième siècle.
Cette opération a permis de prendre la mesure non seulement de l’état de conservation du site mais également de sa complexité. Il faut rester prudent, en l’état actuel des données, sur le fait que le site ait été occupé en continu depuis le haut Moyen Âge jusqu’à la fin de l’Epoque moderne. Néanmoins, aucune rupture dans l’occupation n’a été observée lors de l’intervention, surtout dans la partie occidentale quisemble au cours du temps s’être transformée en zone de stockage. Une vision plus large du site permettrait d’appréhender l’ampleur et la nature des différentes phases d’organisation de l’espace ainsi que le nombre et le type de bâtiments découverts.
Le diagnostic a permis de mettre en lumière le potentiel du site quant à son apport à la connaissance des établissements ruraux du haut Moyen Âge et leurs évolutions jusqu’à la Période moderne comme le stipule l’axe 10 du CNRA, en lien avec l’espace rural et peuplement aux époques médiévales et modernes.
Référence du rapport
Dalmau (L.) - Agostini (H.), Dewitte (O.) et Chombart (J.),
Fressin (Pas-de-Calais), Grand Rue,
Rapport final d’opération de diagnostic, édition Direction de l’Archéologie du Pas‑de‑Calais, Dainville, 2022, 158 pages., 111 figures.