Le Conseil général du Pas-de-Calais a entrepris le projet de doublement de la RD 939 qui joint Arras à Montreuil-sur-Mer. Cet élargissement de la voirie actuelle passe par la commune de Gouy-Saint-André, située entre Hesdin et Montreuil-sur-Mer. Sur la base des prescriptions de l’État, une équipe de six archéologues du Centre départemental d’Archéologie est intervenue de fin février à fin mars 2010 pour fouiller un atelier de fabrication de pains de sel daté de la période gauloise.
L’atelier de saunier a été repéré sur une surface d’un peu plus de 200 m2. Cependant, il s’inscrit dans une occupation gauloise plus importante de type rurale à enclos dont des portions de fossés ont été perçues sur une bande d’environ 200 m sur 15 m dans l’emprise d’aménagement de la route. L’attention a été portée sur l’atelier de saunier, 7 phases d’occupation ont été définies pour quatre générations de four. L’étude de l’atelier porte sur trois aspects :
- le mode de construction des fours : leur bonne conservation permet de reconstituer les étapes de fabrication, creusement d’une fosse, plaquage d’argile des parois, construction d’une armature en bois pour servir au montage de la grille. Les procédés de montage ont laissé des marques, notamment les traces de doigts des constructeurs
- la mise en place d’un protocole d’étude du mobilier découvert dans les fours a donné des résultats importants quant à l’utilisation des différentes pièces d’argiles (handbricks, languettes, bâtonnets, augets) et par extension du déroulement d’une fournée
- enfin la question de l’approvisionnement en matière première (eau ou terre salée) trouve quelques orientations de réponse à travers la recherche paléo-environnementale
Le calage chronologique des fours est tributaire pour le moment du mobilier céramique découvert dans les fossés et les fosses qui entourent l’atelier et des datations radiocarbones effectuées sur les fourneaux et quelques fosses. Le corpus céramique appartient au contexte de La Tène finale, peut-être dans sa phase la plus ancienne (LTD1) soit à partir de la seconde moitié du 2ième siècle avant JC. Les datations C14 fournissent des datations entre 400 et 40 calibrées BC. Cette large fourchette ne permet pas de préciser la chronologie des différentes générations de fourneaux. Tout au plus on peut penser à une implantation de l’atelier avant la seconde moitié du 2ième siècle avant JC. Une étude archéomagnétique en cours par une équipe de chercheurs de Rennes 1 (Gw. Hervé, Ph. Dufresne, Ph. Lanos) pourrait apporter des informations complémentaires.
Les ateliers de saunier sont relativement bien connus sur le littoral depuis les nombreux aménagements routiers et ferroviaires des 20 dernières années. Cependant, le cas de Gouy-Saint-André enrichit les connaissances sur l’histoire des techniques saunières gauloises. D’autre part, son emplacement en arrière du littoral à l’interfluve de La Canche et de L’Authie, pose le problème de son statut par rapport aux autres ateliers connus dans la région. Qu’est-ce qui distinguent les ateliers littoraux de ceux de l’intérieur des terres, parfois très éloignés de la mer (cf. four d’Actiparc à Arras) ? Avec le site de Gouy, la géographie de la production de sel gaulois apparait donc un peu plus complexe et permet de se réinterroger sur la place du sel dans la société gauloise.
Référence du rapport
Masse 2011 : MASSE (A.),
Gouy-Saint-André, RD 939, "Le Rossignol".,
Rapport final d’Opération de fouilles. Dainville : Centre départemental d’Archéologie du Pas-de-calais, 2011. 242 pages, 124 figures.