L’érosion importante du massif dunaire du Bois des Sapins, entre Berck et Groffliers a motivé la mise en place d’une digue rétro littorale, dont l’objectif est de retenir la submersion marine en cas de brèche dans le cordon dunaire. Le présent diagnostic correspond à une première phase des travaux d’endiguement, au niveau du Bois des Sapins, en rive droite de l’Authie, soit au nord de l’estuaire.
En dépit du faible nombre de vestiges archéologiques et leur datation récente, les résultats de cette première phase de diagnostic archéologique s’inscrivent dans une réflexion méthodologique d’envergure, interdisciplinaire et diachronique. La procédure définie suit les préconisations transversales de la programmation nationale de la recherche archéologique (CNRA 2016) et les travaux menés dans le cadre du PCR ArchGéol. Ainsi, cette opération a d’abord été conçue dans la perspective de « détecter des séquences archéosédimentaires pour faciliter la découverte de sites, mais aussi plus largement la compréhension de leurs contextes géomorphologiques et leur intégration dans les paysages à large échelle » (CNRA 2016 : 21).
Ainsi, les investigations géoarchéologiques ont permis de poser les premiers éléments de réponse quant à l’évolution environnementale holocène de la rive nord de l’Authie. La base de l’enregistrement stratigraphique témoigne, sur l’ensemble du secteur, d’un environnement initialement largement ouvert et soumis en continu à l’influence marine. Puis l’ensemble de la zone se ferme progressivement. Au nord de l’emprise, un domaine intertidal semi-ouvert, de type estuarien à lagunaire se met en place, suivi d’une zone humide d’arrière cordon encore plus protégée. Au sud de l’emprise, le cordon littoral isole également l’intérieur des terres, favorisant le développement d’une large dépression marécageuse d’arrière-cordon, datée entre 1630 - 1800 cal AD environ (fourchette restreinte, datation beta–542761). Pour finir, tout le secteur diagnostiqué se ferme complètement suite au développement (et/ou à la remobilisation ?) d’un vaste cordon dunaire. Les quelques vestiges archéologiques découverts sont liés à un éphémère corps de ferme du XIXe - XXe siècles, lorsque la zone diagnostiquée se retrouve en milieu continental protégé.
Le cadre chronostratigraphique, en lien avec des données archéologiques, s’établit donc aux périodes moderne et contemporaine. Les résultats du diagnostic ont donc, dans un second temps, été confrontés aux données historiques disponibles. Un dépouillement cartographique succinct a montré le potentiel de poursuivre ces investigations, notamment autour de l’estuaire de l’Arche, particulièrement méconnu et qui pourrait vraisemblablement se situer sur l’emprise du diagnostic. Représenté sur une carte du XVIIe siècle (Jaillot 1681 in Meurisse-Fort 2009), cet estuaire apparaît totalement colmaté sur la carte de Cassini (1756-1758). Le développement des mollières, sur l’emprise du diagnostic, est daté de 1671 (Mennessier, Modret 1981).
L’approfondissement de cette étude documentaire permettra de préciser la localisation de cet estuaire de l’Arche et d’affiner les connaissances liées à sa fermeture. L’analyse critique des informations collectées permettra également de donner corps ou déconstruire certains faits et légendes, comme le fameux raz-de-marée de 1748 qui aurait détruit l’église de Groffliers. Si cette dernière anecdote peut faire sourire, la vulnérabilité du secteur se révèle aujourd’hui particulièrement inquiétante, avec l’accélération de l’érosion du massif dunaire. C’est pourquoi, l’étude interdisciplinaire des zones littorales constitue un enjeu majeur de la recherche archéologique actuelle et à venir, notamment si ce type de projet d’endiguement venait à se développer.
Référence du rapport
Panloups et al. 2019 : Panloups É., Meurisse-Fort M., Dewitte O.,
Groffliers (Pas-de-Calais), Digue rétro littorale, Secteur Bois des Sapins,
Rapport final d’opération de diagnostic, Dainville : Direction de l’Archéologie du Pas-de-Calais, 88 pages, 50 figures.