La commune de Guînes projette de rénover la Place Foch sur 3 500 m². L’impact potentiel du projet sur le sous-sol a conduit le Service régional de l’Archéologie des Hauts-de-France à prescrire un diagnostic qui a été réalisé par la Direction de l’Archéologie du Pas-de-Calais en avril 2021. 7 tranchées de 3 m à 3,60 m de large et de 6 m à 21 m de long ont été réalisées, complétées de 7 sondages profonds de 1 m à 2 m. Au total, 270 m² ont été ouverts, soit 7,70 % de la surface prescrite. Les vestiges sont dans un excellent de conservation, peu détruits par des aménagements contemporains en dehors des réseaux présents en façade des maisons. Ils apparaissent à une profondeur moyenne de 0,30 m à 0,40 m sous le niveau de palace actuelle. La stratigraphie, hors structure en creux et du remblai de la plate-forme, est épaisse de 0,40 m à 0,60 m.
L’opération de diagnostic a porté précisément sur la cour du château comtal de Guînes, une forteresse de type philippienne de 90 m sur 120 m de côté. La courtine et les édifices adossés à cette dernière, qui sont localisés sous les maisons actuelles, ont échappé aux observations archéologiques. Le diagnostic a permis de cerner le contexte topographique et environnemental du château, d’appréhender les moyens mobilisés pour édifier la place-forte et de retracer son occupation du 13ième siècle à l’époque contemporaine. En confrontant les données archéologiques aux sources historiques, il a été possible de dégager quatre grandes phases qui illustrent les étapes clefs ou les bouleversements majeurs de la vie du site.
Une plate-forme haute de 2 à 3 m a été créée au-dessus d’une zone humide à l'aide d’argile et de craie du substrat, provenant sans doute du creusement des fossés défensifs. Durant la première phase d'usage de la cour du château comtal du 13ième au 14ième siècle, celle-ci reste un espace vide de tout aménagement à l’emplacement des sondages. Ce n'est qu'à partir du 14ième siècle, qu'un bâtiment en pierre de grande taille et des petits édifices en bois dont certains sont dotés de foyers sont construits en périphérie nord-ouest et sud-est de la cour. Une chaussée en pierre est installée au nord-ouest parallèlement à la courtine alors qu'au sud-est, des traces d’une circulation intense vers l’entrée de la résidence comtale ont été repérées. Au nord, une fosse de plus de 4,50 m de long sert de dépotoir pour des détritus charbonneux et cendreux. A partir du 16ième siècle, la nature des constructions est différente, sans doute en lien avec le changement de statut du site. En effet, à la suite de la reconquête française, la forteresse est détruite et la cour devient un espace public ouvert. Une fosse maçonnée, très certainement à usage de grand silo, est installée au sud-est et reste en usage durant un siècle. Au nord-ouest, un édifice de grandes dimensions (plus de 12 m de long) disposant de larges fondations (plus de 1 m) est dressé parallèlement à l’ancienne courtine. Il dispose d'un sol en brique soigné et entretenu ainsi que très certainement d'un couvrement ogival subdivisé en deux vaisseaux et trois travées. L’édifice est détruit peu de temps après sa construction, vers le 17ième siècle. Il peut s'agir, compte-tenu de sa taille et de sa facture, d'un bâtiment public du type halle échevinale. Il est également possible qu'il soit un lieu de culte la communauté huguenote installée en nombre à Guînes dans la seconde moitié du 16ième siècle et dont le temple est localisé dans les environs. À partir du 18ième siècle et jusqu’à nos jours, la place semble redevenir un espace vide d’aménagement avec des sols régulièrement rechargés.
Les découvertes sont d’un intérêt majeur à plusieurs titres. Le site offre l’opportunité d’étudier la cour intérieure d’une forteresse philippienne, de sa période militaire à sa période civile, au sein d’un bourg castral qui appartenait à la couronne anglaise durant deux siècles. Son étude peut participer à l’axe 9 « Le phénomène urbain » et l’axe 11 « Les constructions élitaires, fortifiées ou non, du début du haut Moyen Âge à la période moderne » définis par le Conseil National de la Recherche Archéologie dans sa programmation nationale.
Référence du Rapport
Willot.(J-M.) direction, Agostini H., Dewitte O., Majchrzak N., Meurisse-Fort M.,
Guînes, Pas-de-Calais, Place Foch,
Rapport final d’opération de diagnostic, édition Direction de l’Archéologie du Pas‑de‑Calais, Dainville, 2021, 178 pages, 103 figures.
Mots clés
Moyen Âge, Moderne, Pas-de-Calais, Guînes, forteresse, cour, fosse, solin, voirie, plate-forme, trous de poteaux, foyer, murs en brique et calcaire, sols, foyers, silo, ornières.