Archéologie - Pas-de-Calais le Département
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Guînes, RD 231, la Rue d’Ardres, 2014, diagnostic, dépôt d’ambre du Bronze final

Sur prescription du Service régional de l’Archéologie du Nord-Pas-de-Calais, le Centre départemental d’archéologie a effectué un diagnostic sur le territoire de la commune de Guînes. Le projet, qui comprend la viabilisation d’un lotissement, la création d’un cimetière communal et l’aménagement d’un giratoire le long de la route départementale 231 au lieu-dit la rue d’Ardres, porte sur un peu plus de six hectares et une partie de l’emprise s’est révélée positive. L’opération s’est déroulée du 18 au 22 août 2014. Au total, neuf tranchées ont été réalisées et six extensions, soit une superficie de 7432 m2 correspondant à 12,10 % de la surface prescrite.
Les vestiges couvrent les périodes allant de l’âge du Bronze à la période contemporaine. Les découvertes sont principalement attribuables au Bronze final et à La Tène finale - début du Haut-Empire.

L’âge du Bronze est représenté par deux fosses contenant des céramiques. L’une d’elles, qui apparaissait directement dans la terre arable, a livré trois céramiques attribuables au Bronze final. Ces vases contenaient des fragments d’ambre constituant un dépôt de 8,385 kilogrammes. Il s’agit là d’un trésor de matière première à mettre en relation avec la découverte d’ambre faite sur le territoire de la commune de Saint-Tricat à cinq kilomètres. Ces deux découvertes soulèvent de nombreuses questions quant à la provenance de cette résine fossile, à son acheminement et à sa vocation finale. Elles viennent également compléter notre connaissance sur l’occupation du territoire de Guînes à l’âge du Bronze, occupation qui au regard des nombreuses découvertes semble importante. En effet, plusieurs fossés circulaires ont été repérés ou fouillés ces dernières années, au niveau de la route départementale 244 ou encore du Jardin du Couvent. Un diagnostic réalisé sur la route d’Ardres, non loin du présent diagnostic a mis au jour une portion de fossé concave qui pourrait là aussi correspondre à un cercle estimé à 60 mètres de diamètre. Ce cercle et celui du Jardin du Couvent, distant d’environ 200 mètres, peuvent appartenir à une même nécropole. Il est rare que ce type de structure soit isolé et les cercles découverts sur le territoire de Guînes sur les rebords de plateau constituent peut-être deux ensembles funéraires, distants l’un de l’autre, d’un peu plus de 1 kilomètre.

En dehors des cercles évoqués, des vestiges d’habitat du Bronze final ont également été reconnus au Jardin du Couvent. La présence en plusieurs points sur le site de Guînes route départementale 244 de mobilier lithique qui serait caractéristique d’un contexte domestique, associé à des structures protohistoriques, témoigne de l’existence d’un habitat soit détruit, soit se trouvant à proximité. Rappelons enfin, même si elle ne provient pas exactement de la commune de Guînes, la trouvaille exceptionnelle faite dans la zone des marais, du dépôt d’objet en or constitué d’un bracelet, de trois torques et d’une ceinture.
Tous ces vestiges mis en exergue avec notamment du mobilier de prestige (or, ambre), attestent d’une communauté humaine importante à l’âge du Bronze à Guînes ; communauté dont l’appartenance au groupe Manche Mer du Nord prend toute sa signification avec les découvertes faites sur le territoire de cette petite commune, territoire dont la proximité littorale était plus forte à cette période.

La deuxième phase d’occupation est caractérisée par un enclos fossoyé attribuable à La Tène finale - début du Haut-Empire. Celui-ci couvre 3500 m2 et vient compléter les données sur le réseau parcellaire laténien et du Haut-Empire de Guînes, dont plusieurs éléments avaient déjà été mis au jour directement au nord de la présente emprise. Apparaissant à 0,40 mètre sous le niveau de sol actuel, ce fossé d’enclos est conservé sur près de un mètre de profondeur par endroit mais sa reconnaissance en plan n’est pas évidente en raison de la nature du substrat géologique et de la non lisibilité des colluvions qui le composent. Cet enclos peut être rattaché à un établissement rural, domestique si l’on se réfère au mobilier céramique mis au jour et aux quelques éléments de torchis (même si aucun vestige de bâtiment n’a pu être détecté), mais comportant peut-être également une activité artisanale (au moins à l’échelle domestique) autour du fer. La présence de plusieurs fragments de scories et surtout d’une loupe de fer viennent accréditer cette hypothèse.

Après un abandon du site dans le courant du 1er siècle, ou du 2e siècle à l’instar des observations faites sur les parcelles limitrophes, le secteur n’est réoccupé qu’à la période moderne. Les vestiges de cette occupation sont liés à l’exploitation agricole céréalière dont les seuls témoignages sont caractérisés par de petites structures de combustion servant à griller ou sécher les céréales. Enfin, plusieurs fosses, poteaux ou segments de fossés impactent l’emprise à la période contemporaine.
Au terme de ce diagnostic, et en mettant en parallèle toutes les découvertes faites dans ce secteur de Guînes et sur tout le territoire de la commune pour les périodes allant de l’âge du Bronze au Haut-Empire, plusieurs conclusions et perspectives se dessinent. Concernant la fin du second âge du Fer et le Haut-Empire, il semble bien que le territoire de la commune de Guînes fasse l’objet d’une implantation humaine structurée et ancienne dont l’organisation générale et l’évolution nous échappent encore et dont les activités, qu’elles soient du domaine agricole ou artisanal, méritent toute notre attention lors de futures investigations archéologiques. La question liée à l’exploitation métallurgique gauloise et romaine devient plus que sensible avec les découvertes récentes sur la présente emprise et sur celles attenantes, surtout lorsque l’on connaît le devenir de cette activité pour le Moyen Âge à Guînes.

La découverte la plus remarquable de cette opération reste sans nul doute le dépôt d’ambre de plus de huit kilogramme attribuable au Bronze final, découverte qui ouvre de nouvelles perspectives de recherches tant à l’échelle de la commune de Guînes et de son territoire qu’à celle du littoral de manière générale et des relations de commerce et d’échange au sein du groupe Manche Mer du Nord.

Référence du rapport

Merkenbreack et al 2014 : MERKENBREACK V., MASSE A., AFONSO-LOPES E., MEURISSE-FORT M.,

Guînes RD 231, la Rue d’Ardres,

Rapport final d’opération de diagnostic, Dainville : Centre départemental d’archéologie du Pas de Calais, 92 pages, 41 figures.