Archéologie - Pas-de-Calais le Département
Les informations contenues dans cette page ne sont valables avec certitude que jusqu'à cette date et heure.

Guînes, rue du petit moulin, 2018, diagnostic

La Société Habitats Hauts-de-France projette de construire un béguinage et des logements sociaux locatifs sur 4 000 m² à Guînes, rue du Petit Moulin. Les travaux envisagés nécessitent des fondations profondes, voire un terrassement partiel d’une partie de la parcelle. Ce projet et son impact sur le sous-sol ont conduit le Service régional de l’Archéologie des Hauts-de-France à prescrire un diagnostic réalisé par la Direction de l’Archéologie du Pas-de-Calais en mars 2018.

Environnement et histoire du bourg

La commune de Guînes est localisée à une dizaine de kilomètres au sud de Calais, en bordure immédiate de la plaine maritime. Le territoire de la commune est à cheval sur deux cadres environnementaux entre, au nord-est, la plaine du Calaisis et le marais de Guînes à une altitude proche du niveau de la mer et au sud-ouest, les contreforts du plateau crayeux sénonien de la boutonnière du boulonnais et la forêt domaniale de Guînes qui culmine à 147 mètres NGF. Le site diagnostiqué se situe dans le bourg de Guînes, en bordure de la plaine maritime flamande, à une altitude comprise entre 3 m et 6 m.
Les chroniques de Lambert d’Ardres rattachent l’origine de la famille comtale à celle d’une dynastie danoise au milieu du 10 ième siècle. Les premières mentions attestées d’un comte de Guînes remontent au milieu du 11 ième siècle, qui est cité comme témoin pour une chartre de donation ou de confirmation de biens des abbayes de Saint-Bertin et d’Andres. Le réel développement du comté de Guînes commence dans le courant du 12 ième siècle. Lors des premières phases de la Guerre de Cents Ans (1337-1346), l’Artois est peu touché par les hostilités. En revanche, par la suite (1346-1388), la guerre est portée sur le Haut Pays et le Calaisis. Edouard III, après sa victoire à Crécy en août 1346, ravage le boulonnais et prend Calais en août 1347. En 1351, Guînes tombe aux mains des anglais, situation que le traité de Brétigny entérine en 1360. Des garnisons sont installées autour de l’enclave de Calais, à la frontière de
la plaine maritime (le Pale ou Bas Pays) et de l’Artois (le Haut Pays). Guînes reste dans le giron anglais durant tout le bas Moyen Âge jusqu’à la reconquête française et la prise de Calais en 1558. Après la reconquête française, le terroir semble avoir rapidement retrouvé une certaine prospérité, grâce à l’activité portuaire et le dynamisme de la ville de Calais durant tout l’ancien régime.

Les découvertes

L’opération de diagnostic a mis au jour sur l’ensemble de la parcelle des vestiges de deux courtines, d’un bastion, de douves et de remblais de talus datés de la première moitié du 16 ième siècle. Les éléments étudiés ont permis de collecter des informations sur les techniques de construction, la configuration des fortifications et leur insertion dans le système défensif du bourg.

La topographie du secteur avant la fortification

Les éléments d’informations sur la topographie du terrain sont lacunaires mais ouvrent des pistes pour restituer un environnement avant l’installation des fortifications. Ce secteur du bourg est localisé en limite de la plaine inondable et du plateau crayeux secondaire. La topographie urbaine a été d’ailleurs marquée par ce contexte : les secteurs oriental et septentrional de Guînes sont humides et marécageux, probablement arrosés par des sources qui ont permis le creusement du canal vers Calais, l’alimentation en eaux des douves et l’installation de viviers.

Les courtines, le bastion d’angle et les douves

Les courtines du bourg ont été observées sur près de 20 m le long au nord-ouest et sur 2,30 m de long au sud-est. Une structure défensive massive, de type bastion, flanque l’angle des deux murs. Les courtines et le bastion présentent une mise en œuvre identique, employant un blocage de cassons de craie et de brique habillé par des coffrages en brique rouge. La courtine localisée au nord-ouest, large de 2,60 m à 3 m, est assise sur des fondations en gradins ou sur semelles côté intérieur. L’escarpe du mur, en brique rouge, présente un fruit de 2 % au minimum. Le tronçon de la courtine côté sud-est, perpendiculaire au mur nord-ouest, est plus épais (6 m). Les maçonneries situées à l’intersection de ces deux murs semblent dessiner un bastion d’angle de forme carrée ou rectangulaire très saillant. La base des murs n’a pas pu être observée dans le cadre du diagnostic. En revanche, un sondage de sol réalisé par l’entreprise Fondasol dans les massifs d’angle a percé 5,50 m de maçonneries avant d’atteindre le substrat crayeux. Il est probable que l’ensemble des murs ait été assis sur le sommet de la roche calcaire présente dans le sous-sol à une profondeur comprise entre 3,50 m et 5,50 m. A l’arrière des courtines, des levées de terre sont apparemment présentes sur l’ensemble de la parcelle, sans doute apportées au fur et à mesure de l’élévation de la courtine. Elles renforçaient ce dernier dont les fondations à gradins et son fruit augmentaient sa résistance à la poussée des terres. L’opération archéologique a également mis en évidence la présence de douves devant les courtines.

Conclusion

La superposition des plans anciens avec les éléments défensifs mis au jour révèle que les tronçons de murs et le bastion correspondent à ceux localisés au nord-est du bourg. Plus précisément, ils coïncident à l’extrémité orientale d’une grande esplanade qui, dans ce secteur du bourg, est augmentée d’un réduit défensif doté de courtines, de fossés et d’un grand bastion à l’est, celui partiellement dégagé lors du
diagnostic. Parmi les fortifications du Pale anglais connues et pour certaines étudiées, Guînes se distingue par le fait que sa forteresse a été démantelée après la reconquête française. Les vestiges reflètent donc un état de la première moitié du 16 ième siècle, sans modifications postérieures, des pratiques anglaises en terme de construction militaire, renforçant le caractère inédit des découvertes.

rue du Petit Moulin, vue générale du bastion

Tue du Petit Moulin, vue générale du bastion.

Référence du rapport

WILLOT (J-M.) direction, AGOSTINI (H.), DEWITTE (O.), MEURISSE-FORT (M.),

Guînes,rue du Petit Moulin,

Rapport final d'opération de diagnostic,édition Direction de l'Archéologie du Pas-de-Calais, Dainville, 2018, 166 page, 93 figures.