Archéologie - Pas-de-Calais le Département
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Leulinghen-Bernes, Parc d'Activité des Deux Caps, 2017, fouille préventive

Dans le cadre de l’extension du Parc d’activité des 2 Caps, la Communauté de Communes de la Terre des 2 Caps projette d’aménager une surface d’environ 14 ha sur les communes de Marquise et Leulinghen-Bernes. Suite à un diagnostic réalisé par la Direction de l’Archéologie du Pas-de-Calais en 2016, sous la direction de J. Maniez (Maniez 2016), deux secteurs ont donné lieu à deux prescriptions distinctes.

L’une d’elle porte sur deux monuments circulaires funéraires, attribués à l’âge du Bronze. La fouille a été effectuée par la Direction de l’Archéologie du Pas-de-Calais, du 20 février au 06 avril 2017. Elle s’étend sur une surface de 10 000 m2 et a été menée sous la direction de E. Leroy-Langelin.

La fouille de Leulinghen-Bernes a permis la mise au jour de deux monuments circulaires à vocation funéraire de l’âge du Bronze (image 1). L’un présente deux fossés concentriques de 35 et 25 m de diamètres et l’autre un fossé simple de 25 m de diamètre. Les deux fossés ne montrent pas d’interruption. Le premier monument est associé à 20 fosses à crémations ou à résidus de crémations, toutes découvertes sur le comblement sommital du fossé interne de l’enclos ; et le second monument est en lien avec 18 fosses similaires, situées à proximité du fossé mais à l’extérieur de son emprise.

Une fosse clairement attribuée au Néolithique moyen se situe sur la zone prescrite, elle est datée grâce à son mobilier en silex (pour rappel, 6 outils dont une armature tranchante) et une datation absolue. Une autre série de fosses localisées à proximité pourraient avoir fonctionné en même temps mais aucun élément datant ne permet de valider cette hypothèse.

Les deux monuments de l’âge du Bronze, objets de la prescription, correspondent à un ensemble plutôt exceptionnel sur le littoral du Pas-de-Calais. D’autres exemples sont répertoriés mais les monuments doubles ayant fait l’objet d’une fouille sont encore rares. Le creusement d’un des monuments peut être placé au Bronze ancien et les datations des échantillons issus des niveaux intermédiaires ou supérieurs des comblements des fossés montrent des phases d’entretien qui perdurent jusqu’au Bronze final. Il semble difficile de savoir si ces entretiens ont été incessants ou si des phases d’abandon ont pu avoir lieu, celles ci ayant probablement disparu dans le cas de reprise de l’entretien. Les tombes trouvées sur le site sont datées entre le Bronze moyen II et le Bronze final IIIa, ce qui correspond à une large fourchette chronologique située environ entre 1500 et 950 avant notre ère.

La présence d’une tombe aménagée en pierres de Marquise sur le comblement du cercle interne du monument double est remarquable (image 2). En effet, ce type d’aménagement est le premier découvert en région et ne trouve pas de comparaison à proximité. Les sites de comparaisons montrent que les pierres utilisées sont toujours des pierres dont l’approvisionnement ne pose pas de problème et se situe non loin. Malgré cet aspect opportuniste, l’idée de concevoir un tel monument est exceptionnel.

Concernant les deux monuments, aucune tombe centrale n’est apparue. Si cela arrive fréquemment dans la région, la question de la mise en place du monument pour un défunt particulier appartenant à une élite reste entière. Si la tombe avait été déposée dans un tumulus aujourd’hui disparu, elle aurait elle-même été victime de l’érosion. Les tombes adventices ne montrent pas d’offrande spécifique et seule l’architecture de la tombe empierrée témoigne d’une volonté spécifique de distinguer les défunts qui y sont enterrés. Il s’agit d’ailleurs d’une sépulture collective dans laquelle reposent 5 individus dont 3 adultes, et 2 enfants. Une série de tests ADN a été lancée afin de connaître les liens familiaux de ces individus. L’ADN conservé étant trop faible, la question reste en suspens. Les tombes en fosses plus classiques correspondent bien aux fosses déjà répertoriées dans la zone culturelle de Manche-Mer du Nord et confirment cette spécificité. Il faut d’ailleurs noter sur le site de Leulinghen-Bernes la forte proportion des fosses à résidus de crémation, sans ossement, qui concerne 23 exemplaires sur 38. La variété des pratiques est ici intéressante même si elle n’est pas inhabituelle. 

Ce très bel ensemble fouillé dans le secteur du littoral montre une fois de plus tout l’intérêt de fouiller les enclos circulaires. Malgré des éléments qui sont récurrents de monument en monument, chaque site apporte son lot de surprises et renseigne un peu plus sur les rituels funéraires de l’âge du Bronze. Pour preuve cette tombe construite en pierre, exceptionnelle et unique pour la région. 

 

Tombe 42
Vue du dégagement de la tombe aménagée en pierres de Marquise.

plan général des vestiges du site de Leulinghen-Bernes.

Plan général des vestiges du site de Leulinghen-Bernes.

Référence du rapport

LEROY-LANGELIN E. (dir.), CHARRAUD F. , DELOBEL D., LECHER É., MEURISSE-FORT M., PANLOUPS É,

Leulinghen-Bernes, Parc d’Activité des Deux Caps,

Rapport final d’opération de fouilles, édition Direction de l’Archéologie du Pas‑de‑Calais, Dainville, 2019, 310 pages, 102 figures.