La Communauté de Communes de la Terre des Deux Caps, projetait de construire un Complexe Communautaire, avenue Weber qui accueille dans un même bâtiment le siège de l’Hôtel Communautaire, une piscine olympique ainsi qu’une salle sportive et culturelle. En septembre 2006, une première phase de diagnostic réalisée par l’Inrap, visant à reconnaître le potentiel archéologique du sol, avait été prescrite par le Service Régional d’Archéologie. Cette opération qui a permis de repérer des concentrations de vestiges archéologiques, a abouti à une prescription de fouille sur 2 hectares. Une dizaine d’archéologues du Conseil général du Pas-de-Calais est intervenue de septembre 2008 à janvier 2009 afin de réaliser les fouilles.
La protohistoire
L’occupation humaine la plus ancienne du site est matérialisée par un fossé circulaire mis au jour dans la partie méridionale de la zone décapée. Daté de l’âge du Bronze, le cercle de Marquise possède un diamètre inférieur à 10 mètres. Il présente la particularité de posséder cinq trous de poteaux à l’intérieur même du fossé. Ces trous de poteaux, en nombre insuffisant pour former une palissade sont probablement liés à un traitement funéraire Cette hypothèse reste la plus plausible en l’absence d’indice permettant d’avancer d’autres propositions sur la fonction précise de cette implantation originale.
Le Haut-Empire
Le site de Marquise a surtout livré des vestiges d’époque gallo-romaine. Un système d’enclos fossoyés délimite l’espace en deux aires bien distinctes : une zone dite "domestique" et une partie funéraire.
La zone domestique
Elle est délimitée par un double enclos, contenant lui-même un enclos plus petit. Deux structures remarquables y ont été mises au jour : un puits maçonné et les restes d’un petit bâtiment carré. Tous les deux sont construits en calcaire local. Fossés, puits et bâtiment ont livré un mobilier céramique homogène daté de 5 avant JC à 20 après JC, qui marque l’installation gallo-romaine sur le site. L’étude du mobilier céramique du petit enclos, daté entre 20 et 70 après JC, a néanmoins permis de mettre en évidence une réorganisation de l’espace. À cette période, le double enclos est abandonné et les fossés rebouchés. Seul le petit enclos semble lui encore utilisé. Le puits a été repéré dans la partie sud-est du site. Ce puits maçonné, de forme circulaire, mesure 1.30 mètre de diamètre à l’ouverture et le cuvelage est monté en calcaire oolithique local. Le petit bâtiment se situe à l’est du site. Creusé dans le sol, d’un plan carré de 3 mètres de coté, il s’agit probablement des restes d’un petit cellier ou d’une petite cave. Pauvre en mobilier, la structure a livré quelques tessons datés de 5 avant JC. à 20 après JC.
La zone funéraire
À l’intérieur d’un espace délimité par trois fossés, trois sépultures à crémation ont été mises au jour au nord du site. Deux d’entre elles, les sépultures 57 et 59, sont dotées d’un mobilier riche daté des premières années du Ier siècle de notre ère.
La sépulture 57
Cette sépulture à crémation est une fosse rectangulaire de 1.54 mètres sur 1.14 mètre, au fond de laquelle ont été déposés les restes calcinés du défunt accompagnés d’offrandes. Les parois sont droites ou légèrement incurvées, le fond plat et régulier. La présence d’un coffrage, matérialisé par des restes organiques et des clous longs, est attestée, notamment, dans la partie nord-ouest de la tombe. Le mobilier est composé de sept céramiques regroupées le long des parois sud-est et sud-ouest qui forment un ensemble distinct de l’amas osseux, complété par un mobilier métallique : deux fibules en alliage cuivreux, et huit petits clous disposés de manière aléatoire dans l’ensemble de la tombe. Enfin, l’absence de mobilier dans une partie de la sépulture peut signaler indirectement la pratique d’offrandes périssables.
La sépulture 59
Cette sépulture à crémation est une fosse quadrangulaire de 1.56 mètre sur 1.57 mètre. Les parois sont droites ou légèrement obliques. De grands clous présents dans les angles et contre les parois de la tombe sontcertainement les derniers vestiges d’un coffrage. Neuf céramiques ont été déposées le long des parois sud-est et sud-ouest. Elles sont associées à une patère décorée en alliage cuivreux assez exceptionnelle, ainsi qu’à une cruche et un troisième objet, très dégradé, également en alliage cuivreux. Cet ensemble est distinct de l’amas osseux, situé dans la moitié occidentale de la tombe. Celui-ci est accompagné d’une fibule en alliage cuivreux et d’un objet en fer. Vingt deux clous de petites tailles ont été repérés dans la tombe, la plupart à proximité de l’amas osseux. Enfin, l’absence de mobilier le long de la paroi nord-est correspond peut-être à l’emplacement d’offrandes périssables disparues.
Ces deux sépultures présentent un ensemble original des tombes du Ier siècle après JC du nord de la Gaule. Leur mobilier, composé en grande partie de céramiques en terre sigillée italique et lyonnaise, est rare dans nos régions et permet d’envisager un développement précoce de la culture romaine dans ce secteur. Ce phénomène est probablement lié au statut particulier de Boulogne depuis la tentative d’invasion de la Bretagne des années 54 et 55 avant JC.
Les vestiges du Bas-Empire
L’occupation du site se prolonge au Bas-Empire sous la forme d’un bâtiment rectangulaire excavé de 10.50 mètre sur 7 mètres de côté, réalisé en pierre de Marquise. Il se situe dans la partie sud de la parcelle fouillée. Les murs, liés à la terre, étaient conservés sur une à deux assises maximum, et parfois seulement visibles à l’état de traces du fait de l’érosion. À l’intérieur, les niveaux archéologiques étaient scellés par un niveau de démolition de limon brun contenant des blocs de pierre.
Un lieu de culte ?
Ce bâtiment a été réaménagé à plusieurs reprises. Au moins deux états ont été clairement mis en évidence, notamment en ce qui concerne l’aménagement intérieur : un état avec vide sanitaire ou pièce excavée et murs porteurs et un second état où l’excavation semble comblée, des poteaux sont implantés dans ce niveau de comblement. Ils viennent sans doute renforcer le soutien de la charpente ou d’un hypothétique plancher. Lors de la première phase d’usage, une zone dense de dépôt de verre, faune et monnaies, plusieurs fois curée a été déposée sur le fond du sol excavé. Ce matériel pourrait correspondre à des offrandes faites à une divinité. Les comparaisons, établies à partir du matériel trouvé et le plan du bâtiment, permettent d’avancer un usage religieux de celui-ci, du moins pour ses deux premiers états. Le bâtiment a également livré des éléments architecturaux : une base de colonne, un bloc orné d’un serpent en bas relief qui pourrait être un élément d’une stèle votive, des tessons de verre, des ossements animaux, 554 monnaies et de la céramique du 4ième siècle. L’édifice, qui semble en usage jusqu'au 5ième siècle, perd certainement sa fonction cultuelle avant d’être démantelé à une date inconnue en ouvrant sur le grand côté sud-ouest la maçonnerie.
Cette opération de fouille complète notablement les données archéologiques du secteur de Marquise durant l’antiquité. La fouille a permis de mettre en évidence une romanisation précoce liée probablement à la proximité de Boulogne et à l’exploitation des carrières qui ont approvisionné le secteur en matériaux de construction jusqu’à des périodes récentes. La présence d’un temple du Bas-Empire à Marquise, un des premiers mis au jour dans ce secteur et en dehors d’un contexte urbain, suppose une occupation d’une certaine importance (peut-être la "Marcis" de la "Notitia Dignitatum").
Référence du rapport
Maniez 2010 : MANIEZ (J.).
Marquise "Mont de Cappe", avenue Ferber.
Rapport final d'opération de fouille. Dainville : Centre départemental d'Archéologie du Pas-de-Calais, 2010. 264 pages, 204 figures.