Dans le cadre du projet de valorisation du site des Deux Tours de l’Abbaye du Mont-Saint-Éloi, le Conseil général du Pas-de-Calais a proposé d’organiser une opération archéologique dont les investigations porteraient sur l’église abbatiale moderne et ses états antérieurs. L’évaluation programmée s’est déroulée du 4 aout au 21 septembre 2010 sur une emprise de 4 800 m2. Trois fenêtres, totalisant 1 240 m2 ont été ouvertes, permettant d’étudier des vestiges archéologiques qui n’avaient jamais été explorés à ce jour.
Les vestiges antérieurs au 18ième siècle
Un épais niveau de limon et de terre végétale est préservé sur une épaisseur d’environ 1 mètre au dessus du substrat sableux sur le tiers nord du site qui n’a pas été investi par l’abbaye à l’époque médiévale et moderne. Des sépultures, datées vraisemblablement des origines de l’abbaye au 18ième siècle, ont été repérées dans ce niveau qui a également livré des tessons de céramiques gallo-romains et du Haut Moyen âge. Ailleurs, au sud, des terres noires ont été identifiées dont la mise en place est probablement contemporaine des premières occupations du site (Haut Moyen âge). Ce niveau est recoupé par des fondations et des aménagements antérieurs au 18ième siècle qui, en l’absence de mobilier, n’ont pas pu être datés plus précisément lors de cette opération. Ces maçonneries en grès ou en calcaire se sont révélées massives (plus d’1.50 mètre de large), employant la technique de fondation sur dalle, adaptée à des élévations de grandes dimensions. Des sols sont parfois encore présents, à l’instar de celui du sous-sol d’un bâtiment large de 6 mètres et long de 9 mètres au minimum. Dans le même secteur, un dispositif hydraulique associant un canal, des cuves de décantation et une citerne, a également été préservé des arasements modernes.
La stratigraphie du secteur sud se différencie donc de celle du nord par la présence de nombreuses constructions de grandes tailles liées à des accumulations de niveaux de construction ou de sols. Lors de la destruction générale des édifices à partir de 1733, les anciens murs disparaissent sous les gravats de démolition. Les édifices de l’abbaye du 18ième siècle ont été fondés dans ces niveaux.
Les vestiges de l’abbaye classique du 18ième siècle
Bien que l’abbaye ait été très détruite après la révolution, les éléments conservés sont suffisamment nombreux et de qualité pour, non seulement dresser un plan, mais également retracer une partie de son histoire architecturale. Au sud, l’examen des niveaux de construction à l’emplacement du chœur a permis de retrouver la chronologie du chantier de cette partie de la collégiale. De plus, des édifices conventuels dont il n’existe aucune trace dans la documentation ancienne, ont été mis au jour. Les niveaux de destruction de l’ancienne abbaye et de construction des murs de l’abbatiale moderne recèlent de nombreux blocs architectoniques appartenant à des édifices antérieurs au 18ième siècle qui renseignent sur les styles adoptés et l’ornementation. Des carreaux de pavements, derniers vestiges des sols disparus, ont été également prélevés en quantité dans ces remblais. Enfin, les premières observations réalisées sur les déchets d’un verrier ont livré des informations sur les vitraux antérieurs au 18ième siècle et cet artisanat à l’époque moderne. Fait notable, un cimetière du 19ième siècle a été découvert dans le collatéral nord-est encore en élévation à l’époque. Il témoigne d’une pratique funéraire originale.
Pour conclure, cette opération a établi que le site, bien que bouleversé à la Révolution, possède un sol-sous archéologique riche et préservé, dont l’étude permettra de renouveler la connaissance de l’abbaye du Mont-Saint-Éloi.
Référence du rapport
Willot et al. 2010 : WILLOT (J.-M.), DELAGE (M.), DELOBEL (D.), MARCY (J.-L.), MEURISSE-FORT (M.), TACHET (N.).
Mont-Saint-Eloi "L'abbaye du Mont-Saint-Eloi"
Sondage programmé. Dainville : Centre départemental d'Archéologie du Pas-de-Calais, 2010. 195 pages, 73 figures.