La Direction de l’archéologie du Pas-de-Calais a procédé, sous la responsabilité d’Hélène Agostini, à une fouille préventive réalisée au lieu-dit « Le Village » à Reclinghem sur une surface de 6800 m². Le projet d’aménagement à l’origine de cette opération prévoyait le lotissement de 12 parcelles d’habitation et d’un espace de rencontres intergénérationnelles.
Cette fouille a permis la caractérisation d’une occupation discontinue mais dense entre la Protohistoire et l’époque contemporaine. Cette première occupation serait située hors emprise, probablement un peu en amont sur la colline dont le site occupe le bas versant. La première véritable occupation est datée du 10ième au milieu du 11ième siècle. Elle s’organise autour d’un parcellaire défini par un réseau fossoyé qui abrite plusieurs grands bâtiments sur poteau de type maison-étable et des structures annexes de type grenier et fosse détritique.
Ce schéma d’occupation, récurrent dans la région côtière à cette période, constitue un premier village sans doute lié à l’établissement d’une motte castrale. Entre la seconde moitié du 11ième et le 13ième siècle, on observe un remaniement complet de l’espace. En lieu et place des bâtiments, sont creusés différents ensembles de réseaux fossoyés délimitant pour certains des enclos, pour d’autres un espace de stockage pour une meule de foin. L’habitat n’est plus présent dans l’emprise de la fouille. Il se concentre probablement à l’est, en direction du cœur actuel du village. Après le dépôt d’une épaisse couche de colluvionnement, l’installation de deux bâtiments, probablement deux états d’un colombier, marque une réoccupation du site un peu plus au sud à partir du 14ième siècle. Quelques massifs de fondations isolés ont été mis au jour à proximité ; ils pourraient appartenir à la ferme qui exploitait ces colombiers.
À la période contemporaine et probablement dès l’époque moderne, l’occupation se restructure à l’extrémité sud du site. Un ensemble de quatre bâtiments d’habitations et agricoles s'organisent autour d’une cour dans une configuration typique des fermes du Nord de la France. Cette ferme, dont la première mention est celle du cadastre napoléonien de 1830, subit de nombreuses transformations jusqu’à la démolition d’une grande partie de ses bâtiments dans les dernières décennies du 21ième siècle. Elle est longée à l’ouest par un chemin, aujourd’hui disparu.
Des fosses dépotoirs s’alignent le long de son tracé. Elles témoignent du passage de soldats anglais durant la Première Guerre mondiale à Reclinghem, halte sans doute nécessaire entre les ports de la côte d’Opale et le front de l’Artois. Les résultats de cette fouille d’un secteur de la commune de Reclinghem, première opération d’archéologie préventive après le diagnostic réalisé en 2019, attestent donc l’existence d’une communauté villageoise tournée vers les activités agricoles dès le haut Moyen Âge, probablement en lien avec un pouvoir seigneurial dont la première mention dans les sources remonte à 828.
Ces découvertes archéologiques viennent nourrir le domaine d’étude développer dans l’axe 10 de la programmation nationale de la recherche archéologique : espace rural, peuplement et productions agricoles. Elles alimentent des questionnements sur le développement du village au haut Moyen Âge, l’évolution du bâti vernaculaire ou les modalités d’occupation d’un territoire rural au cours des périodes médiévale et moderne.
Référence du rapport
AGOSTINI H. (dir.), BEAUCHAMP A., BOUTTEAU D., DEWITTE O.,
Reclinghem (Pas-de-Calais), "Le Village", rue de Dohem : une occupation agricole du 10ième siècle à nos jours,
Rapport final d’opération de fouilles, édition Direction de l’Archéologie du Pas-de-Calais, Dainville, 2023, 356 pages, 186 figures.