Archéologie - Pas-de-Calais le Département
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Rumilly, Les Prés de Verchocq, 2016, fouille préventive

Un projet de création de zones inondables, mené par le Syndicat mixte pour l’Aménagement et la Gestion des Eaux de l’Aa (SmageAa), prévoit la réalisation concrète de digues, dans le lit majeur de la rivière, en matériaux naturels à 10 m en retrait du cours actuel. Suite au diagnostic réalisé en 2011 par le Département du Pas-de-Calais, une fouille a été prescrite par le SRA sur la commune de Rumilly, sur une surface de 800 m². En juin 2016, la direction de l’Archéologie du département du Pas-de-Calais est intervenue.

Les objectifs principaux définis au cahier des charges étaient de confirmer la présence de l’atelier de débitage, de déterminer son extension, et de reconnaître d’éventuelles structures associées.

En 2016, les intempéries et la richesse imprévue du site ont contraint l’opération à des fouilles exhaustives sur 60 m2 et sondages complémentaires. L’enregistrement, en pièce à pièce, a permis de prélever un total d'environ 7500 artéfacts (presqu'exclusivement des silex). Aucune structure ou même creusement anthropique n’a été repéré.

L'analyse géomorphologique montre les formations superficielles observées sur le site et leurs caractéristiques. Elle présente l'ondulation du toit de la grave, liée à une paléotopographie locale. Associé à plusieurs strates de vases plus ou moins organiques, l'ensemble matérialise l'ancien lit de l'Aa. La tourbe, présente partout, constitue un repère stratigraphique fiable. L’ensemble des strates situées sous la tourbe est donc considéré comme une formation géologique. Le niveau d’occupation, matérialisé par des silex taillés, se situe dans plusieurs horizons vaseux plus ou moins organiques, reposant sur la formation graveleuse. Les strates contemporaines de l’occupation présentent des variations latérales d’épaisseur, voire de faciès (des fluctuations de la concentration en matière organique).

L'étude des pièces de silex (en cours) permet des remarques liminaires.

Tout d'abord, la matière première utilisée est unique et locale ; les techniques de débitages mises en œuvre ne montrent pas une économie particulière de celle-ci, ce qui semble indiquer des ressources assez simples d'accès.

Ensuite, les éclats et les nucléus observés mettent en évidence une chaîne opératoire unique, simple et effectuée sur place. L’outillage, peu abondant est réalisé sur éclat. Il est expédient, utilisé et abandonné rapidement. Le spectre d'activités fonctionnelles repéré grâce à des observations tracéologiques est étroit. Les traces se rapportent à des interventions ponctuelles sur des matières organiques dures (probablement bois, bois de cervidés...). Il s'agit donc bien ici d'un atelier de débitage d'éclats, coexistant avec quelques activités liées à l’acquisition de ressources sur le bord des berges. Le transport de quelques pièces en dehors de la zone la zone fouillée n’est pas à exclure.

Aucun outil ne permet une attribution chronologique fine. Les informations fournies ainsi que quelques comparaisons de sites dans ce contexte sont essentiellement datées du Néolithique moyen/final ou de l'Âge du Bronze.

Le plan général des isolats ainsi que la carte de densité des artefacts par 1/4 de mètre carré mettent tous deux en évidence des zones de forte concentration de mobilier. Cette répartition inégale, ainsi que la présence d’esquilles en nombre important dans les lots tamisés, indiquent une faible migration horizontale des pièces. L’analyse du mobilier montre également sa bonne conservation et les quelques remontages observés confirment cette hypothèse. De manière localisée, des remaniements sont perceptibles, probablement en lien avec des phénomènes de cruesIls induisent un déplacement vertical possible des pièces (dilatation des niveaux), qu’il est difficile d’évaluer dans le détail.

Les productions lithiques découvertes à Rumilly semblent se situer en marge d’un système socio-économique plus global (et sans doute en marge d’un site d’habitat permanent). En fait, l’assemblage de Rumilly n’est pas radicalement différent de ce que l’on observe dans des contextes domestiques du Néolithique moyen et final ou du Bronze ancien, par exemple sur le site des « Sablins » à Etaples, et dans la vallée de la Deûle, ou encore en Normandie sur des sites comme celui l'île de Tahitou. Il manque cependant toute la partie domestique « classique » du spectre dans la composition de l’outillage. Les éléments observés montrent peut-être une vocation plus spécialisée d’un point de vue fonctionnel dans un contexte environnemental particulier. Ce constat est très proche de ce qui est observé sur le site d'Alizay dans l’Eure également en bord de rivière.

Les différents éléments assimilables à l’horizon fouillé ne rendent compte que d’activités spécifiques, mais ne dessinent pas un panel fonctionnel suffisamment diversifié pour conclure à l’existence d’occupations pérennes et autonomes. Il s’agirait donc plutôt d’activités situées à la marge d’un habitat plus ou moins éloigné de la zone de fouille.

Les sondages complémentaires ont permis de définir que les vestiges lithiques sont conservés sur près de 300 m². Près d’un tiers de la zone prescrite (au sud-ouest) révèle un important fossé, récent d’après son niveau d’ouverture, ayant remanié les formations superficielles sur près de 250 m² et détruit le niveau. Sur environ un quart du site, situé au nord-est, le niveau de silex est absent. L’extension de l’atelier de débitage est donc possible au nord-ouest et au sud-est de la zone prescrite.

Ambiance de fouille.

Référence du rapport

LEROY-LANGELIN (E.), CHARRAUD (Fr.), LECHER (É.), MEURISSE-FORT (M.), PANLOUPS (É.)

Rumilly, « Les Prés de Verchocq »,

Rapport final d’opération de fouilles, édition Direction de l’Archéologie du Pas‑de‑Calais, Dainville, 2019, 2 volumes, 368 pages, 99 figures.