Dans le cadre de la réhabilitation de l’immeuble sis 7 rue Léon Belly par la S.N.C. MERIMEE, le Service régional de l’Archéologie des Hauts-de-France a prescrit un diagnostic archéologique portant sur le sous-sol du bâtiment menée par la Direction de l’Archéologie du Pas-de-Calais. L’objectif du diagnostic était de réaliser une analyse architecturale des caves afin d’en caractériser les éléments anciens et ses transformations. Cette étude s’est appuyée sur un relevé topographique, une campagne de relevés du bâti, une couverture photographique et photogrammétrique pour une modélisation 3D ainsi que des sondages ponctuels.
Le sous-sol de l’immeuble est actuellement formé d’un réseau de 7 salles connectées et d’une cave isolée.
Ce plan complexe est l’aboutissement de 4 à 5 siècles de modifications du sous-sol.
Deux caves dites « gothiques », en raison du style architectural de leur couvrement et des supports, ont été identifiées. L’une, à l’origine de grandes dimensions, est située à l’angle des rues Saint-Bertin et Léon Belly et la deuxième, attenante à l’ouest, donne sur la rue Saint-Bertin. Ces deux sous-sols revêtent des caractères inédits sur de nombreux points.
La grande cave qui occupe l’angle des rues est remarquable en raison de ses dimensions, plus de 200 m² au sol. Sa grande taille a d’ailleurs sans doute conduit à diviser l’espace d’un mur de refend axial, percé d’une communication, pour aider à la construction de l’ensemble. La cave est scindée en deux salles dotées d’un couvrement ogival et subdivisées en 2 vaisseaux axés nord-sud et de 3 travées. Elle était accessible des deux rues et éclairée par au moins une fenêtre de cave.
Elle est également remarquable en raison du grand nombre de graffitis (plus d’une soixantaine) découverts sur les premiers voussoirs des piliers axiaux sud. Ce corpus inédit et varié illustre des pratiques apotropaïques, liées à la construction et surtout à l’activité marchande. En effet, certains de ces signes sont très similaires aux marques d’identification des marchands en usage à la fin du Moyen Âge et au début de l’époque moderne.
La datation de la cave repose uniquement sur le style architectural gothique de ses élévations. Les voussoirs chanfreinés des voûtes à croisée d’ogives se retrouvent dans l’architecture gothique tardive entre le 13ième siècle et le 16ième siècle. Cette période voit également l’usage plus répandu de chapiteau à la corbeille simple sans décor particulier. La cave rue Belly a été construite antérieurement au début du 16ième siècle, comme le signale la date 1511 gravée sur l’un des tailloirs.
En dehors de ses dimensions exceptionnelles, la cave gothique est en tout point similaire à celles recensées à Saint-Omer. On y retrouve la partition en 2 vaisseaux et 3 travées du couvrement à croisées d’ogives, les culots, la chapelette et les passages sur rue. Leur développement est lié à l’essor du commerce et économique de la ville médiévale. Elles répondent clairement à un besoin d’espace de stockage pour des biens marchands plus nombreux échangés ou vendus sur échantillons sur les marchés.
La cave occidentale est de plan totalement différent. Bien que très remaniée, il a été possible de retrouver sa configuration d’origine grâce aux derniers éléments préservés sur la paroi orientale. Elle était large sur rue Saint-Bertin de 4,50 m environ et profonde de 10,50 m. Le couvrement était un berceau continu reposant sur des arcs de décharge et des culots en saillie du piédroit. Ces caractéristiques architecturales ne trouvent pas de comparaison dans l’état actuel des connaissances à Saint-Omer ou dans la région. Toutefois, ces techniques de construction et le style des supports (les voussoirs des rouleaux et les culots), pris indépendamment, renvoient à des pratiques en usage à la fin du Moyen Âge.
L’opération archéologique de la rue Léon Belly a été l’opportunité de démontrer une nouvelle fois la richesse des informations livrées par l’étude des caves gothiques de Saint-Omer. Bien qu’un recensement ait été réalisé, il reste partiel et de nouveaux sous-sols sont régulièrement redécouverts. Surtout ces caves sont encore relativement mal connues et nécessitent un examen poussé associant l’archéologie du bâti et étude historique que le diagnostic ne peut pas offrir. Elles sont une source d’information encore trop peu exploitée qui participe à la connaissance de la ville et ses habitants. En cela, leur étude rentre dans le cadre de l’axe 9 « Le phénomène urbain » de la programmation scientifique du CNRA et de ses sous-axes, «l’archéologie du bâti civil » et « la fabrique de la ville ».
Enfin, il est à souligner l’intérêt patrimonial de ces ouvrages. Saint-Omer se distingue des villes médiévales de Flandre par le grand nombre, l’homogénéité architectural et le bon état de conservation de ses caves gothiques.
Référence du Rapport
Willot (J.-M.) avec la participation de Louiso (I.), Meurisse-Fort (M.), Wilket (L.),
Saint-Omer, 7 rue de Belly,
Rapport final d’opération de diagnostic, édition Direction de l’Archéologie du Pas‑de‑Calais, Dainville, 2021, 88 pages, 47 figures.