Le diagnostic de Thérouanne, situé au 13 Rue des Marais, porte sur une surface de 18643 m² partiellement inaccessible. L’emprise se localise immédiatement au nord de la plaine alluviale de la Petite Lys, à l’ouest de la ville antique et à l’extérieur de l’enceinte urbaine médiévale.
Cette opération livre, pour la première fois, des éléments d’habitat urbain, qui plus est, associés à une voirie, dans le secteur occidental de la ville de Thérouanne antique. Au moins trois phases d’occupation ont été caractérisées, correspondant peu ou prou à trois zones distinctes d’habitat, caractérisées par des structures en creux, des maçonneries, des niveaux de sol et de destruction. La chronologie de ces ensembles est centrée sur le Haut-Empire, avec une datation qui s’échelonne du Ier au IIIe s. ap. J.-C. Une continuité de l’occupation au moins au début du Bas-Empire n’est pas exclue.
Le premier ensemble bâti mis en évidence au sein de la tranchée 300 couvre une surface de plus de 200 m² sur l’emprise et se prolonge vers le sud. L’orientation de l’édifice et l’organisation des maçonneries internes permettent de projeter une surface de cet habitat autour de 800 m², ce qui en ferait une domus urbaine relativement vaste et proche de ce qui a pu être caractérisé en 2019 Route de Clarques. Cet ensemble bâti connaît au moins deux états distincts de construction. Il est associé à une voirie se développant parallèlement à la probable domus et immédiatement au nord de celle-ci. Si l’habitat pourrait avoir perduré jusqu’au IIIe s., la voirie ne semble plus être en fonctionnement après la fin du IIe s. ap. J.-C. La voie repérée ici est inédite et complète, de manière non négligeable, les connaissances du système viaire de la ville antique. L’ensemble regroupant la voirie et l’habitat couvre une surface de près de 2000 m² sur l’emprise.
Le deuxième ensemble bâti, au nord de la voie au sein de la tranchée 500, pourrait être estimé quant à lui autour de 1000 m², et semble s’organiser selon un grand espace central entouré de deux galeries latérales au nord et au sud. L’implantation de cet habitat est envisagée, au plus tôt, autour du milieu du IIe s. ap. J.-C.
Le troisième et dernier ensemble bâti caractérisé au sein de la tranchée 700, semble s’installer durant le IIIe s. ap. J.-C. Son plan et son organisation interne sont plus difficiles à appréhender car il se poursuit vers l’ouest hors emprise et il est recoupé par une vaste fosse au nord. Son extension proposée vers l’est pourrait couvrir une surface d’environ 1000 m². Les vestiges illustrant l’abandon et la destruction de l’un ou des deux ensembles bâtis des tranchées 500 et 700 présents sur l’emprise ne sont pas postérieurs au IIIe s.
Les résultats de cette opération repoussent ainsi encore plus vers l’ouest les limites de l’urbanisme de la ville antique. Au cours du Haut-Empire, un déplacement de l’occupation semble s’opérer depuis l’est vers l’ouest. En effet, aux Ier et IIe s. ap. J.-C., l’occupation se concentre dans la partie est de l’emprise. Les ensembles bâtis des tranchées 300 et 500 sont progressivement abandonnés probablement dans le courant du IIIe s. De son côté, la voirie ne semble plus en fonctionnement dès la fin du IIe s. ap. J.-C. Un nouveau pôle d’habitat plus périphérique semble se mettre en place à l’ouest de l’emprise (tranchée 700) dans le courant du IIIe s. La durée d’occupation de ce dernier ensemble reste à affiner.
De manière générale, une modification des formes de l’habitat est également observée au cours de la période gallo-romaine. L’habitat urbain identifié dans la partie est de l’emprise, associant une probable domus à une voirie semble évoluer vers des formes d’habitat moins groupées à la fin du Haut-Empire, peut-être péri-urbaines, avec la mise en évidence d’espaces non bâtis, possiblement à vocation agro-pastorale.
Pour la période médiévale / moderne, cette opération constitue une première opportunité d’observer et de caractériser une des phases d’édification des fortifications de l’une des places-fortes les plus importantes du nord de la France. L’emprise du diagnostic, située immédiatement à l’ouest de l’enceinte médiévale, a fait l’objet d’une profonde modification paysagère lors de la mise en place des fortifications. La présence de déblais, issus du creusement du fossé défensif, parfois sur plus de 2 m d’épaisseur, indique la volonté de combler un terrain initialement plus vallonné. Le nivellement des terrains situés à l’extérieur de l’enceinte urbaine ne semble donc pas relever uniquement d’une gestion opportuniste des terres extraites, mais participer pleinement au dessein des fortifications, afin de parfaire le système défensif.
Référence du rapport
Panloups et al. 2019 : Panloups É., Boutteau D., Dewitte O., Majchrzak N., Merkenbreack V., Meurisse-Fort M.,
Thérouanne (Pas-de-Calais), 13 rue des Marais,
Rapport final d’opération de diagnostic, Dainville : Direction de l’Archéologie du Pas-de-Calais, 198 pages, 133 figures.