Prescrit par le Service Régional d’Archéologie du Nord-Pas-de-Calais, les parcelles AD 72, 130, 131 et 138, le long de la Chaussée Brunehaut (RD 341), au lieu-dit « la Râperie » à Thérouanne, ont été diagnostiquées par la Direction de l’Archéologie du Pas-de-Calais du 21 au 22 mai 2019. La surface prescrite concerne l’emprise au sol de la construction d’un supermarché, d’une station-service et d’un parking, soit 6028 m2. L’opération de diagnostic est localisée sur le territoire de la cité antique de Tervanna, chef-lieu de cité des Morins. Elle est située le long de l’actuelle RD 341, dite Chaussée Brunehaut, ancienne voie romaine reliant Arras et Boulogne, via Thérouanne. Deux tranchées, deux sondages et une fenêtre ont été réalisés sur le terrain, ce qui équivaut à un peu plus de 14 % de la surface prescrite.
L’opération a révélé la présence d’une occupation romaine dans la zone de non aedificandi, identifiée entre la Chaussée Brunehaut et le fossé bordier de la voie, qui se développe en partie vers l’est. Plusieurs fosses anthropiques vraisemblablement du bas Moyen Âge ont également été mises au jour.
L’intérêt de cette opération de diagnostic réside en la mise au jour de trois fours de potiers romains. Ces structures artisanales de production de céramique, sont les premières à être mises au jour dans la commune de Thérouanne. L’un des trois fours, relativement bien conservé, a été en partie testé lors du diagnostic, et a livré une grande quantité de mobilier céramique, dont une majorité de cruches. La fondation d’un bâtiment découvert à proximité de ce four pourrait être associée à l’activité de potier.
Concernant la production céramique du four, il a été clairement observé que certains tessons provenaient de ratés de cuisson. Ces rejets ont été identifiés en mode A et B : arrachements d’une partie de la pâte, bords déformés, surfaces claires voire tons orangés à la surface pour le mode B ou surfaces grisâtres pour les tessons en mode A. La cuisson probablement mal maîtrisée a conduit à ces surfaces claires plutôt que sombres et vice versa. La déformation et de rares pâtes grésées indiquent également une surcuisson. Ainsi deux rejets sont clairement identifiables (mode A et B) et reflètent peut-être l’utilisation de plusieurs modes de cuisson dans un même four pour la production de différentes catégories. Le premier est composé d’une production cuite en mode A. Il s’agit exclusivement de cruches à 1 ou 2 anses sans doute à engobe blanchâtre, à pâte sableuse, qui par leur forme s’attachent plutôt à un répertoire du milieu du IIe s. ap.-J.-C., voire les trois quarts du IIe s. ap.-J.-C.
À l’instar de nombre d’opérations archéologiques sur Thérouanne, la présente prescription n’échappe pas à la règle. Ici, les problématiques sont nombreuses et portent sur la topographie et l’extension de la ville antique au Haut-Empire, sur l’imbrication et la relation entre le monde des vivants et le monde des morts dans ce secteur périphérique de la ville antique, sur la coexistence sur un même site (limitrophe) de structures de crémation primaire et secondaire, sur l’artisanat et plus spécifiquement sur la production de céramique, sur la question du démantèlement de la ville du Haut-Empire et enfin, sur le devenir du quartier au Bas-Empire et au haut Moyen Âge.
Référence du rapport
MERKENBREACK (V.), AFONSO-LOPES (E.), MAJCHRZAK (N.), BOUTTEAU (D.), CALOIN (C.),
Thérouanne (Pas-de-Calais), 24 Chaussée Brunehaut,
Rapport final d’opération de diagnostic, éd. Direction de l’Archéologie du Pas‑de‑Calais, Dainville, 2019, 114 pages, 61 figures.