Archéologie - Pas-de-Calais le Département
Les informations contenues dans cette page ne sont valables avec certitude que jusqu'à cette date et heure.

Thérouanne, 32 Route de Clarques, 2014, diagnostic, occupation gallo-romaine

Sur prescription du Service régional de l’Archéologie du Nord-Pas-de-Calais, le Centre départemental d’archéologie du Pas-de-Calais a effectué un diagnostic sur l’emprise d’un projet de construction d’un atelier de stockage à Thérouanne, route de Clarques, au lieu-dit les Bachinets, sur les parcelles AB 228p, 48p et 52. Le projet porte sur une emprise de 2800 m2. L’opération s’est déroulée du 24 juillet au 4 août 2014. Au total et en accord avec le SRA, cinq tranchées ont été réalisées représentant 20,5 % de la surface prescrite.

Le diagnostic permet de conclure à une occupation très dense de la parcelle durant la période gallo-romaine, et plus précisément, durant tout le Haut-Empire, de la première moitié du 1er siècle après Jésus-Christ à l’extrême fin du 2ème siècle après Jésus-Christ.

Les vestiges, organisés de part et d’autre d’une voie orientée nord-est/sud-ouest, sont caractéristiques d’un milieu urbanisé. Les maçonneries, niveaux et structures diverses sont répartis sur toute l’emprise du diagnostic et sont recoupés par des tranchées de récupération antiques et par des structures, fosses ou fossés, probablement de la période romaine.

Les vestiges mis au jour apparaissent entre 39,20 mètres NGF pour la partie nord et 38 mètres NGF pour la partie sud (en bordure de la Route Départementale 190), c’est-à-dire entre 0,30 mètres et 0,75 mètres sous le niveau de sol actuel. La topographie actuelle diffère en partie de la topographie antique. Située au bas du versant du Mont Saint-Martin, la parcelle diagnostiquée a été remblayée probablement au Bas-Empire ou durant le Moyen Âge ce qui explique que le terrain accuse une différence de plus de un mètre d'avec la RD 190.

La stratigraphie observée dans les différents sondages est importante. Appréhendée sur plus de 1,20 mètres dans les sondages manuels, sans que le sol naturel n’ait été atteint, elle dépasse les 1,50 mètres dans le sondage mécanique réalisé à travers la voirie antique et, là aussi, le substrat naturel ne fut pas atteint. Les différentes constructions, niveaux d’occupation et de destruction témoignent généralement d’au moins six à sept phases.

Trois grands ensembles architecturaux ont été distingués. Ils sont séparés les uns des autres par des axes de circulation. Les vestiges découverts correspondent vraisemblablement à des habitations et probablement à une grande domus pour l’ensemble architectural trois. La présence d’au moins un hypocauste domestique ainsi que la nature du mobilier céramique accrédite cette hypothèse. En effet, les formes céramiques renvoient au vaisselier domestique avec 18 % de céramique de présentation, 28 % de stockage et 52 % de céramique culinaire. Ce répertoire céramique est comparable aux données récoltées sur la parcelle limitrophe au lieu-dit les Bachinets ainsi que sur le site du Hameau de Nielles.

Plusieurs phases de construction semblent se succéder au sein de ces ensembles architecturaux comme l’attestent les différents niveaux de sol et de destruction repérés en stratigraphie à l’intérieur des bâtiments ainsi que la présence de fondations antérieures à l’état mis au jour en plan sous le niveau de décapage. Toutes ces phases, d’occupation et de destruction, s’échelonnent durant tout le Haut-Empire.

Plusieurs niveaux de destruction, dont certains d’incendie, interviennent vers la fin du 2ème siècle après Jésus-Christ ou au tout début du 3ème siècle après Jésus-Christ et semblent sceller le destin de ce secteur de la ville de Thérouanne. Aucun mobilier céramique postérieur n’a en effet été mis au jour. Ce phénomène de destruction suivi d’un abandon a déjà été observé sur la parcelle adjacente (AB 46). Quelques structures (fosses et fossés) sont installées lors d’une phase postérieure dont la datation est à ce jour impossible faute de preuves chronologiques.

La voie romaine, déjà observée en 2004, offre la possibilité d’aborder la question du quadrillage urbain de Tervanna. L’existence de deux axes jointifs et perpendiculaires (parcelles au lieu-dit les Bachinets et parcelle Demey) apporte un élément non négligeable à la connaissance de la topographie antique du chef-lieu de la cité des Morins et à son évolution. On observe en effet des orientations différentes entre l’ensemble architectural trois et les axes viaires a contrario des ensembles architecturaux un et deux, phénomène déjà observé dans d’autres secteurs de la ville. Dès lors, l’existence d’un réel quadrillage orthonormé et immuable de la ville ne s’applique plus. L’organisation de la trame viaire de la ville est donc contrainte par la topographie naturelle.

L’autre question au sujet de cette voie concerne sa relation avec l’axe Thérouanne - Cassel. Le tracé de celui-ci à l’entrée de l’agglomération antique est à ce jour inconnu mais sa proximité avec la voirie découverte aux Bachinets pose question. La puissance stratigraphique de la voie observée lors du présent diagnostic (supérieure à 1,50 mètres) et la largeur primitive de celle-ci (supérieure à cinq mètres) témoignent d’une pérennité de celle-ci dans le temps. L’installation de cette voie semble intervenir vers le milieu du 1er siècle après Jésus-Christ, peut-être avant, son abandon définitif en revanche n’est pas caractérisé.

L’opération archéologique menée route de Clarques s’inscrit ici dans une démarche globale concernant la connaissance du chef-lieu de la Civitas Morinorum. L’opportunité d’intervenir sur une parcelle aussi vaste en milieu urbain antique préservé reste très rare et en particulier en ce qui concerne Thérouanne. La découverte de plusieurs structures d’habitat et peut-être même d’une grande domus en périphérie immédiate de l’agglomération antique complète indéniablement notre connaissance sur l’habitat de Tervanna, tant sur les formes de celui-ci que sur son implantation et sa relation avec son environnement. La présence de deux axes viaires apporte là aussi un éclairage nouveau sur la topographie de la ville antique de Thérouanne.

Tranchée dans le rue clarques àThérouanne.

Référence du rapport

Merkenbreack et al 2014 : MERKENBREACK V., AFONSO-LOPES E., MEURISSE-FORT M.,

Thérouanne (Pas-de-Calais), 32 Route de Clarques,

Rapport final d’opération de diagnostic, Dainville : Centre départemental d’archéologie du Pas-de-Calais, 182 pages, 110 figures.