Archéologie - Pas-de-Calais le Département
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Thérouanne, Friche Lecat, rue Saint Jean, 2023, diagnostic

Le diagnostic archéologique des parcelles AB 164, 165, 166, 167 et 170, entre la rue Saint-Jean et la rue de Boulogne à l’emplacement de l’ancienne friche Lecat, conduit par la Direction de l’Archéologie du Pas-de-Calais du 24 avril au 9 mai 2023, a concerné la totalité des parcelles, soit 2009 m². Il s’agit d’une saisine anticipée préalablement à la réhabilitation de certains bâtiments en place sur l’emprise et à un projet d’aménagement non encore précisé pour le moment mais qui devrait comporter une partie parking, de potentielles nouvelles constructions à vocation sociale ainsi qu’une rue faisant la jonction entre la rue Saint-Jean et la rue de Boulogne. Plus de la moitié de l’emprise était donc inaccessible ; six fenêtres d’observation ont été ouvertes représentant 16,5 % de la surface accessible de l’emprise et toutes se sont révélées positives, ce qui était attendu au regard de la localisation de l’opération. En effet, nous sommes à l’intérieur de la Vieille Ville, le long de la rue Saint-Jean qui est l’axe principal menant à la cathédrale depuis la Porte du Saint-Esprit située initialement juste au sud de l’emprise. Les parcelles sont également situées au cœur de Tervanna qui était jadis l’antique capitale des Morins. Enfin, le contexte archéologique limitrophe est extrêmement dense avec plusieurs diagnostics et quelques fouilles réalisées à proximité.

La stratigraphie observée s’échelonne de l’Antiquité à la période contemporaine et les vestiges archéologiques apparaissent parfois directement sous le niveau de sol actuel et par endroit autour de - 0,30 à - 0,40 m. La puissance stratigraphique est d’au moins 4,70 m dans la partie sud de l’emprise, pour les niveaux anthropiques ; ce que nous avons pu caractériser grâce à un carottage et une analyse géoarchéologique des données collectées.

Le diagnostic a révélé une occupation dense et préservée du site pour le Haut-Empire, des éléments structurants significatifs pour la ville médiévale et moderne ainsi que des vestiges correspondant aux premiers réinvestissements du secteur à l’époque contemporaine.

Pour la période romaine de nombreuses problématiques ont ainsi été abordées. Le système viaire de Tervanna constitue l’une des découvertes d’envergure de l’opération. En effet, la mise au jour d’un tronçon de voirie de plus d’un mètre d’épaisseur permet de revenir sur la trame urbaine de la capitale des Morins. Appréhendée succinctement dans le cadre du diagnostic, cette découverte fait écho avec la rue mise au jour en 2019 un peu plus au nord et identifiée alors avec un cardo de la ville et probablement le cardo maximus. D’autres éléments de voirie avaient également été observés sur la parcelle voisine à l’est, ainsi que sur la parcelle limitrophe au nord. Nous avons pu identifier le fait qu’au Moyen Âge, dans cette partie de la ville, la rue antique continue d’être en partie en activité et qu’elle sert aussi de base pour des aménagements bâtis. Une fouille de ce secteur permettrait de caractériser pleinement la rue romaine, sa stratigraphie, sa chronologie, ses utilisations, son abandon partiel ou total et sa pérennité dans le paysage urbain de Thérouanne jusqu’au Moyen Âge. Ce serait aussi l’occasion de faire un point de synthèse sur le bas de la Vieille Ville concernant le devenir de la chaussée Brunehaut, son tracé mais également concernant la problématique de la rue Saint-Jean. Un travail de reprise et de synthèse des données des opérations limitrophes sur ce sujet est en effet nécessaire. Le bâti est également présent sur l’emprise avec plusieurs fondations découvertes et notamment une maçonnerie de belle facture en bordure de la rue de Boulogne dont la fonction d’habitation n’est pas assurée avec certitude.

Concernant la période médiévale / moderne, là aussi les vestiges sont préservés. Une partie de l’emprise, à l’ouest, semble plutôt être un espace de jardin ou de cour comportant des fosses dépotoirs ayant livré du mobilier céramique, de la faune mais également des couches d’argile plastique laissant entrevoir la possibilité d’une présence artisanale dans le secteur. Le reste de l’emprise comprend des constructions et des espaces de circulation, venelle et cour, qui s’apparentent à ce qui avait été mis en évidence dans la parcelle limitrophe au nord, fouillée partiellement. Une partie des vestiges mis au jour présentement fonctionne clairement avec ce qui avait été identifié alors parcelle AB 171. Une fouille permettrait de mieux comprendre l’organisation spatiale de ce secteur de la ville médiévale, juste en arrière de l’entrée principale de la cité épiscopale. La problématique du siège de la ville et de son démantèlement dans les décennies qui suivent l’année fatale de 1553 est également une des problématiques de ce site. En effet, les structures de pillages nous renseignent sur les vestiges antérieurs mais également sur les choix opérés pour le démantèlement de la ville.

Enfin, la période contemporaine est également présente au sein de l’emprise sous la forme de constructions d’habitations qui témoignent du réinvestissement de la Vieille Ville à partir des 18ième et 19ième siècles.
Cette vaste emprise, au cœur de la ville romaine et médiévale et l’une des rares encore accessibles, représente une opportunité archéologique exceptionnelle sur le plan stratigraphique, topographique ou bien encore historique concernant la fabrique de la ville de Thérouanne.

Vincent Merkenbreack, Nicolas Majchrzak

vue du sondage 1000 de la friche Lecat

Référence du rapport

MERKENBREACK (V.), MAJCHRZAK (N.) (dir.), BEAUCHAMP (A.), HEEMERYCK (J.), CARNEAUX (A.), AFONSO-LOPES (É.), SZURHAJ (M.), MARTEL (A.),

Thérouanne (Pas-deCalais), « Friche Lecat », rue Saint-Jean,

Rapport final d’opération de diagnostic, édition Direction de l’Archéologie du Pas-de-Calais, Dainville, 2023, 280 pages, 157 figures.