Le diagnostic archéologique des parcelles B 4p et 467p, voie communale de l'abbaye de Saint-Augustin à Thérouanne, conduit par la Direction de l’Archéologie du Pas-de-Calais du 16 au 27 novembre 2020, a concerné toute l’emprise vouée à la construction d’une station d'épuration pour le compte de Noréade, soit 1 hectare. L’opération est localisée en périphérie de l’antique cité de Tervanna chef-lieu de la Cité des Morins, au lieu-dit les Bachinets, le long de la voie communale de l’abbaye de Saint-Augustin et en bordure septentrionale de la Lys. La parcelle est localisée à l’extérieur de la Vieille Ville médiévale et moderne. Ce secteur des Bachinets a déjà fait l’objet de sondages archéologiques qui se sont révélés positifs, en 2004 (Blamangin 2004), 2014 (Merkenbreack 2014) et 2019 (Merkenbreack 2019). Onze tranchées ont été ouvertes couvrant ainsi 12 % de la surface prescrite. Les vestiges mis au jour apparaissent entre 1 m et 1,30 m sous la terre végétale. La topographie actuelle est marquée, à l’instar de ce qu’elle devait être à l’époque romaine, de même nous sommes dans un secteur fortement impacté par les débordements de la Lys, de nos jours comme durant l'Antiquité. Située tout en bas du versant du Mont Saint-Martin, la parcelle diagnostiquée accuse un dénivelé de plus de 3 m du nord au sud.
L’opération de diagnostic a permis d’appréhender deux grandes phases d’occupation, romaine d'une part, d'époque moderne d'autre part. Plusieurs sous-phases pour l'époque romaine ont pu être mise en évidence au sein des sondages réalisés au niveau du cardo, de sa création à son abandon et à l'abandon du quartier vraisemblablement à la fin du Haut-Empire. La période moderne quant à elle est caractérisée par la présence d'un bâtiment installé en bordure de l'actuelle voie communale, bâtiment dont la nature demeure inconnue à l'issue de l'opération.
La stratigraphie observée dans les différents sondages est importante. L'emprise est divisée en deux selon une diagonale sud-ouest/nord-est. Au sud de cette ligne, la caractérisation des vestiges s'est révélée complexe du fait de la profondeur d'apparition des vestiges et surtout en raison du caractère inondable de la zone dès l'Antiquité. Les quelques sondages profonds effectués ont livré de rares indices en lien avec l'occupation romaine de ce secteur de Tervanna, mais il semble que cette zone soit soumise aux aléas des inondations avec ponctuellement des épandages ou aménagements antiques. La caractérisation des berges ou d'aménagements de berges s'est révélée impossible dans le cadre du présent diagnostic. Cette diagonale projetée, est parallèle à la voie de la Lys caractérisée en 2019 (Merkenbreack 2019) et présente au sein de l'emprise a priori juste sous la ligne électrique aérienne. Au nord de cette ligne, la stratigraphie se révèle être dense, de l'ordre de 2 à 3 m selon les secteurs, avec une plus forte concentration dès que l'on s'approche de la limite nord de l'emprise. Seule une petite zone a révélé la présence du substrat naturel au sein duquel s'ouvre une série de fosses romaines et où s'installe un bâtiment. Le grand intérêt de cette opération réside également en la découverte de deux nouveaux tronçons de rue, un cardo ainsi qu'un decumanus, ainsi que dans la mise au jour de vestiges d'un portique en bordure de rue. C'est ici l'occasion d'aborder, à l'aune de nouvelles données, l'organisation de la trame urbaine du chef-lieu de la cité des Morins. Nous sommes bien ici en présence d’une stratigraphie de type urbain, ce qui n’a rien d’étonnant concernant Thérouanne.
L’essentiel des vestiges est donc caractérisé par la période romaine, en l'occurrence par le Haut-Empire. En effet, sur l’emprise ont été appréhendés les vestiges du système viaire du chef-lieu de la Cité des Morins ainsi que l'occupation de ce quartier antique sis en bordure de la Lys. La présence de vestiges d'époque moderne témoigne d’une occupation dans les faubourgs de la cité épiscopale avant la destruction totale de la ville et son sacrifice sur l’échiquier des guerres modernes en 1553 (Delmaire 1999 ; Vissière 2001).
L’opportunité d’intervenir sur une surface aussi vaste (10000 m²) et avec une stratigraphie conséquente préservée pour l’Antiquité est exceptionnelle. Ce serait ici l'occasion d’avoir une vision précise sur un quartier périphérique de la capitale des Morins, de mieux comprendre la chronologie et l’organisation de l’habitat et surtout des voies ainsi que la structuration de secteur urbain en bordure immédiate de la Lys. Pour l’heure, toutes les opérations archéologiques menées dans ce quartier n'offrent qu’une vision limitée en raison de la nature des opérations, et seule l’emprise d’un pavillon a fait l’objet d’une petite fouille en 2000 sur un tronçon de rue (parcelle Demey, Bura, Devred 2000). Le quartier est amené à évoluer dans les années à venir en raison de l'aménagement futur de la parcelle ainsi qu'en raison du projet de groupe scolaire juste au nord de la voie communale. Avec ce projet, les interventions éventuelles qui pourraient être menées dans le cadre de la modification du quartier, notamment la modification du système viaire actuel, et en l'occurrence la présente opération, c'est ici une occasion inédite d'aborder via l'archéologie préventive, un quartier antique urbain complet de Thérouanne non impacté par les aménagements postérieurs. Ce serait une aubaine pour la connaissance de Tervanna.
Vincent Merkenbreack
Référence du Rapport
Merkenbreack (V.), avec la collaboration de Afonso-Lopes (E.), Maniez (J.), Wilket (L.), Rochefort (A.), Meurisse-Fort (M.),
Thérouanne (Pas-de-Calais), Voie communale de l’abbaye de Saint-Augustin - parcelle B 4p, 467p,
Rapport final d’opération de diagnostic, édition Direction de l’Archéologie du Pas‑de‑Calais, Dainville, 2021, 240 pages, 153 figures.
Mots clés
Gallo-romain, Moyen Âge, époque moderne, Pas-de-Calais, Saint-Augustin, Thérouanne, trame urbaine,voies, domus, bûchers funéraires, tombes secondaires, puits, fosse, fossé, céramique, verre, instrumentum.