Le Centre de conservation et d’étude archéologiques du Pas-de-Calais a prêté 5 peignes pour une exposition temporaire qui a lieu au Musée royal de Mariemont en Belgique du 13 février au 13 juin 2021.
Sommaire :
De la conservation à l’exposition des peignes
La fragilité des peignes nécessite une température et une humidité constantes au CCE (Centre de conservation et d’étude archéologiques) du Pas-de-Calais. Ce dernier a pour missions de conserver les collections archéologiques découvertes dans le Département et de partager les connaissances archéologiques.
Le Musée royal de Mariemont a sollicité le prêt de 5 peignes en bois de cerf pour l’exposition « Le monde de Clovis. Itinéraires mérovingiens ». Cette exposition aborde les aspects méconnus de la culture matérielle mérovingienne, les découvertes archéologiques et leur interprétation historique, les échanges à l’échelle mondiale et le mobilier découvert en Hainaut dans une perspective européenne.
Une convention de prêt a été passée entre le SRA (Service régional de l’Archéologie) de la DRAC (Direction régionale des Affaires Culturelles) des Hauts-de-France et le Musée royal de Mariemont. Une autorisation temporaire de sortie du territoire pour chacun des peignes a été également établie par le SRA pour transférer ces mobiliers vers la Belgique.
Sandrine Janin-Reynaud (régisseuse-restauratrice au CCE) a conditionné les 5 peignes dans une caisse de transport.
Début février, le convoyeur et la régisseuse du CCE vérifient de l’état des 5 peignes avant le départ pour la Belgique. La même opération de vérification a lieu à l’arrivée.
Les peignes sont exposés au Musée royal de Mariemont en Belgique du 13 février au 13 juin 2021. Fin juin 2021, Ils retourneront au Centre de conservation et d’étude archéologiques.
Les peignes prêtés
Les peignes et les fragments sont en os et bois de cervidé. Ces peignes sont composés d’une partie centrale avec les dents du peigne placés entre deux plaques transversales. L’ensemble est maintenu par 5 ou 6 rivets en cuivre.
Le peigne de type frison (A) de la fin du 7ième siècle et du 8ième siècle présente une silhouette courbe, une double rangée de dents, l’une complète, l’autre partielle. Les plaques transversales sont décorées de petites incisions verticales sur toute la longueur, groupées par quatre ou six.
Le peigne « fat teeth » (B) des 8ième et 9ième siècles présente une double denture dont les dents, petites et larges, sont écartées. Les plaques transversales comportent occasionnellement un décor de petites incisions verticales. Il était destiné à peigner les caprinés pour veiller à la bonne qualité de la laine [1].
Le peigne (C) de type friso-scandinave des 8ième et 9ième siècles a une denture simple au profil légèrement triangulaire. Les plaques transversales portent un décor d’incisions verticales groupées par quatre.
Deux fragments d’étui de peignes (D et E) des 9ième et 10ième siècles de type anglo-scandinave se caractérisent par une plaque trapézoïdale pouvant porter un motif incisé en bordure et percés de trois trous pour les rivets et d’une perforation circulaire plus large pour la suspension.
Des peignes témoignant des échanges entre Quentovic et les ports de l’espace Manche- mer du Nord
35 peignes en os à simple ou double denture et décors incisés datant du haut Moyen Âge ont été mis au jour lors d’une fouille en 2009 dans le hameau de Visemarais à La Calotterie par Achéopole. Ce secteur correspond à l’emplacement présumé du port de Quentovic se situant sur la rive gauche de la Canche et à 15 km de la Manche [2]. Quentovic bénéficiait d’une position idéale au croisement des routes maritimes et terrestres avec les ports du nord de l’Europe et les voies romaines.
Parmi les peignes découverts, 23 d’entre eux ont une fabrication d’influences et de traditions anglo-saxonnes, scandinaves ou frisonnes (Pays-Bas et sud du Danemark).
Ces types de peignes étaient inconnus dans le nord de la France. Ils sont attestés entre la fin du 7 ième siècle et la première partie du 9 ième siècle [1].
Les quantités de déchets d’os découverts lors de la fouille confirment une importante activité artisanale de tabletterie.
Dans l’état actuel des connaissances, il n’est pas possible de certifier que cela provient de la production locale de peignes de type « classique » courant pour la région, d’inspirations étrangères « à la manière de », d’artisans itinérants ou de la production d’autres objets en os [3].
Deux exemplaires de type « fat teeth » ont été mis au jour à La Calotterie. Ce type de peignes provient exclusivement de Hamwic au sud de l’Angleterre.
D’autres objets ont été mis au jour à la Calotterie et ils témoignent également d’échanges entre Quentovic et les ports de l’espace Manche-mer du Nord [4] :
- Seize pesons de forme caractéristique liés au tissage (origine anglo-saxonne).
- Une fibule de type pénannulaire en fer (courante en Angleterre et Scandinavie).
- Une anse en alliage cuivreux (décor ajouré de type anglo-frisonne).
- Un poids de balance en alliage cuivreux (provenant notamment de Dorestad, Hamwic et Lundenwic).
- Un fragment de meule en pierre basaltique (région de Niedermendig dans la vallée de Eifel).
Sources :
[1] Cense-Bacquet 2012
Cense-Bacquet, D., Rapport final d’opération d’archéologie préventive, La Calotterie, 2009, Pas-de-Calais (62), Chemin de Visemarais « Les Près de l’Eau » (AC 3p) « Le Visemarais Est » (AC 40), Volume 2, les résultats de l’opération, les études spécialisées, la synthèse, édition Archéopole, pages 36 à 50, 2012.
[2] Lebecq 2011
Lebecq, S., « Quentovic : un état de la question. Hommes, mers et terres du Nord au début du Moyen Âge. Volume 2 : Centres, communications, échanges », Villeneuve d'Ascq : Presses universitaires du Septentrion, 2011, (pages 149-164) Web. <http://books.openedition.org/septentrion/45684>.
[3] Pil 2015-2016
Pil, Nathalie, « Vroegmiddeleeuwse kammen: Hoe werden ze geproduceerd en gebruikt op de sites van Quentovic en Hamage ? », «Peignes du début du Moyen Âge : Comment ont-ils été produits et utilisés sur les sites de Quentovic et Hamage ? » , thèse Université libre de Bruxelles, Domaine d’études des Sciences de l’art et de l’archéologie, pages 141 – 142, 2015-2016.
[4] Soulat, Bocquet-Liénard, Savary, 1995
Soulat, Jean avec la collaboration de Anne Bocquet-Liénard et Xavier Savary , Le mobilier de type anglo-saxon provenant de la nécropole de "La Fontaine aux Linottes" à La Calotterie (Pas-de-Calais). Témoins des contacts entre le sud-est de l'Angleterre anglo-saxonne et la vallée de la Canche (6 ième - 7 ième siècle), Revue du Nord, Hors-série, Collection Art et Archéologie, Université de Lille. Sciences humaines et sociales, pages 305 à 307, 2016.