Direction les coulisses de la Maison de l’Archéologie pour découvrir le travail minutieux de Sandrine Janin-Reynaud, régisseuse-restauratrice, dans le cadre de l’exposition "Ça ne manque pas de sel" du 16 septembre 2017 au 17 juin 2018 !
C’est entourée de scalpels, pinceaux, pipettes et flacons que Sandrine Janin-Reynaud nous accueille dans son laboratoire. Elle nous livre les secrets de la restauration du saloir de Bours mis au jour en 2012 lors d’un diagnostic effectué au Donjon de Bours, tour médiévale édifiée au 14e siècle. Ce grand vase en terre cuite du 15e - 16e siècle, avec une ouverture de 43 cm, était probablement utilisé pour contenir des salaisons de viande ou de légumes. Si la surface extérieure est brute, l’intérieur est vernissé pour assurer l’étanchéité du récipient.
Découvrez sans plus tarder les étapes de la restauration !
Etape 1 : Le nettoyage des anciens collages et le remontage
Le nettoyage des anciens collages
Sandrine Janin-Reynaud procède d’abord au démontage des anciens collages et au retrait de l’ancienne colle. Pour cela, les fragments sont placés dans un sac hermétique avec un fond d’acétone pendant une nuit afin de ramollir la colle.
"Je réalise ensuite un nettoyage mécanique : je viens gratter la colle ramollie au scalpel sur les tranches. Puis je les nettoie à l’acétone et au pinceau pour enlever les derniers résidus de colle" explique-t-elle.
Le remontage de l’objet
Vient le temps du remontage au ruban adhésif. Il s’agit de retrouver l’emplacement des fragments les uns par rapport aux autres avant d’appliquer la colle. Un vrai puzzle !
"J’utilise une colle acrylique longue conservation que je réalise moi-même", précise la restauratrice. Cette colle vieillit bien dans le temps, jaunit peu et est réversible, ce qui permet de l’ôter aisément lors d’éventuelles restaurations à venir.
La colle est appliquée en deux temps, avec deux dilutions différentes :
- la première application vise à isoler les tranches et permet la réversibilité du traitement
- la seconde, moins liquide, permet un collage résistant
Après application de la colle, Sandrine Janin-Reynaud maintient la pièce avec du ruban adhésif et des pinces le temps de la polymérisation de celle-ci. Le séchage nécessite 72h.
Etape 2 : Le comblement
Le but de cette étape est de restituer uniquement ce qui est nécessaire à la compréhension de la forme et de la fonction de l’objet ; un principe déontologique que la restauratrice, tient à rappeler.
Le moule
Elle réalise un moule en plastiline®, une "pâte à modeler" spéciale conservation. Une fois étalée au rouleau, la plastiline® est mise en forme directement sur l’objet aux endroits où les comblements seront effectués. Elle s’accroche aux parois intérieures du vase, mais il est nécessaire de la caler avec des mousses à l’arrière pour qu’elle conserve la forme souhaitée pendant l’application du plâtre.
La plastiline® est lissée pour gommer les aspérités qui pourraient être visibles à la surface du plâtre une fois sec.
Le comblement en plâtre
Après avoir protégé la surface de la céramique avec du ruban adhésif, Sandrine Janin-Reynaud applique généreusement à la spatule un plâtre dentaire afin de restituer les lacunes de l’objet. Elle retravaille ensuite la surface du plâtre au scalpel, légèrement en retrait par rapport à l’objet. Après 24h de séchage, le moule en plastiline® peut être retiré.
La restitution de l’anse
Après le comblement, la restauratrice procède à la restitution de l’anse du saloir afin de faciliter sa compréhension.
"Je réalise un tirage de l’anse, c'est-à-dire un moulage d’une anse existante sur un objet similaire. Je ne l’aurais pas fait si nous n’avions pas eu ce modèle et s’il n’y avait pas eu de trace de l’emplacement de l’anse d’origine sur le saloir. Il n’aurait pas été possible de la repositionner" explique-t-elle.
Le moule de l’anse est réalisé en deux temps :
- une couche de latex permet d’épouser les formes de l’anse sans altérer sa surface
- une couche de silicone moins souple sert de coque au moule
Le moule est ensuite retiré, puis rempli de plâtre. Après démoulage de l’anse, sa forme est retravaillée pour enlever l’excédent de plâtre. Puis l’anse est mise en place sur le vase et collée.
Un enduit de lissage vient combler les creux. Ce même enduit est également appliqué sur le plâtre afin d’obtenir une surface très lisse qui facilite la pose de la peinture et évite les irrégularités.
Etape 3 : La mise en teinte
Afin de protéger la céramique des projections de peinture, une couche de latex liquide est déposée au coton tige à la surface de l’objet. Le séchage est rapide, à peine une quinzaine de minutes.
La recherche de la teinte adéquate s’avère délicate : trop foncée ou trop claire, trop rouge ou trop verte, tout est affaire d’ajustements ! La restauratrice repère l’endroit où la couleur est la plus claire sur l’ensemble du vase et réalise un mélange de peinture acrylique se rapprochant le plus de la couleur de l’objet. Cette couleur est appliquée à l’éponge de manière uniforme sur l’ensemble du comblement pour obtenir un fondu uni. Plusieurs couches peuvent être nécessaires.
Une fois le latex retroussé pour mieux voir la couleur de l’existant, la restauratrice, munie d’une brosse à dents, projette des points colorés sur le fond uni en fonction de la couleur jouxtant le comblement. L’œil refait naturellement la synthèse des couleurs. L’astuce est de varier la distance de projection et la texture de la peinture selon la taille des points que l’on souhaite obtenir et l’effet recherché.
La surface de la céramique est nettoyée à l’eau savonneuse après chaque passage de points, à la fois pour la conservation de l’objet, mais également pour que la restitution ne prenne pas le pas sur l’original.
Au total, près de 130 heures de travail ont été nécessaires pour restaurer cette pièce…
Pour en savoir plus sur le diagnostic effectué au donjon de Bours, lisez la notice scientifique !