Les découvertes faites sur le site préhistorique de Biache-Saint-Vaast nous permettent d’en apprendre plus sur l’homme de Neandertal et son évolution. En effet, parmi les principales découvertes, nous trouvons 2 crânes d’Homme de Neandertal appartenant aux plus anciens habitants connus du Pas-de-Calais.
Légende : Fouille de Biache-Saint-Vaast en mai 1976 (crédit : A.Tuffreau)
Une découverte inédite et insolite
La découverte des 2 crânes reste inédite pour cette période de la préhistoire dans la région. Les diverses datations les situent aux alentours de - 175 000 ans. Cela en fait une découverte majeure pour la compréhension de l’histoire et de l’occupation du Pas-de-Calais pour cette période.
Ces 2 crânes d’homme de Neandertal ont plusieurs intérêts scientifiques. Ce sont les plus anciens fossiles humains découverts dans le Nord de la France. De plus, leur morphologie comble un vide dans la lignée des Hommes de Neandertal. Ils se situent entre les formes plus archaïques de Neandertal, proches d’Homo erectus, et les plus modernes qui ont côtoyé notre espèce, Homo sapiens.
Le premier crâne
Vue latérale du premier crâne néandertalien de Biache-Saint-Vaast (crédit : A.Tuffreau).
Le premier crâne a été exhumé le 05 mai 1976. Il se trouvait dans l’un des niveaux archéologiques les plus riches en artefacts et notamment en ossements d’animaux. Deux fragments de la boite crânienne et une partie du palais avec 6 molaires sont conservés. Sa petite taille et ses reliefs peu accentués font penser que nous sommes probablement en présence d’une femme jeune.
Le second crâne
Vue latérale du second crâne néandertalien de Biache-Saint-Vaast (crédit : M.A de Lumley).
La trouvaille du second crâne est quant à elle plus insolite. En effet, les conditions de fouilles de la première année sont très particulières. Les archéologues sont dans l’incertitude du temps de fouille qui va leur être laissé par les dirigeants de l’usine. Ils vont donc très vite pour faire les différents relevés et récolter les objets archéologiques.
Ce n’est qu’en 1985, que leur étude est confiée à un jeune chercheur en archéozoologie (étude des animaux anciens), Patrick Auguste. Le 08 novembre 1986, il inventorie les ossements de la couche archéologique qui a livré le premier crâne d’homme de Neandertal. Il découvre les restes d’un second crâne humain éparpillés dans ce qui convient d’appeler des restes alimentaires. Ce crâne, plus complet que le premier est cependant très fragmentaire. Il comprend des éléments de la boite crânienne et du haut de la face.
Les 2 crânes ont été découverts de manière fragmentaire dans des restes d’ossement d’animaux. Le sort subi par ces deux individus nous questionne. Ces crânes d’Homme de Neandertal ont-ils fait l’objet d’un traitement culinaire, symbolique ou religieux ?
À quoi ressemble l’homme de Neandertal de Biache-Saint-Vaast ?
L’homme de Neandertal appartient au genre humain. Il est donc à bien des aspects très similaires à nous dans son aspect physique. Cependant, quelques traits physiques marquent sa différence et sa singularité.
Les archéologues expliquent ces différences par l’isolement géographique de l’homme de Neandertal en Europe. Les premiers européens, regroupés sous le terme d’Homo Heidelbergensis, se sont adaptés aux climats glaciaires de cette époque et ont développé des caractéristiques physiques les adaptant à un environnement rude. Les plus anciens Hommes de Neandertal sont apparus il y a 250 000 ans. Les 2 crânes découverts à Biache-Saint-Vaast font partie des plus anciens fossiles de cette espèce.
Les spécificités de Neandertal
Les hommes de Neandertal sont trapus et très musclés. Ils mesurent en moyenne environ 1,65 m. C’est surtout au niveau du crâne que l’on observe les plus grandes différences :
• Les bourrelets sus-orbitaires (au-dessus des yeux) sont très développés.
• Le front est fuyant. C’est-à-dire qu’il est quasi-absent, donnant une forme aplatie au-dessus du crâne.
• Le crâne cérébral s’allonge vers l’arrière ce qui lui donne une forme ovale.
• Le cerveau a en moyenne un volume supérieur aux hommes actuels.
• La mâchoire est robuste et ne présente pas de menton.
La place de l’homme de Néandertal dans notre arbre généalogique
L’homme de Neandertal n’est pas un de nos ancêtres directs. Il s’est développé en Europe et dans une partie de l’ouest de l’Asie. Alors que notre espèce, Homo Sapiens, est originaire d’Afrique de l’Est. Les hommes de Neandertal, en particulier, ceux découverts à Biache-Saint-Vaast, sont plus probablement nos cousins. Nous sommes issus d’un même ancêtre commun, Homo erectus.
Les hommes de Neandertal ont évolué dans une Europe Glaciaire et isolée en partie par le développement de gigantesques glaciers sur les massifs montagneux. Ils doivent leurs caractéristiques physiques à cette situation géographique. Cette transformation est progressive et se voit à travers les différents fossiles découverts en Europe et en Asie.
La lignée des hommes de Neandertal
Les archéologues distinguent plusieurs groupes de fossiles pour les hommes de Neandertal :
• Les prénéanderthaliens datant de plus de 250 000 ans.
• Les néandertaliens anciens datant de 250 000 ans à 110 000 ans.
• Les néandertaliens classiques datant de 110 000 ans à 30 000 ans, date de leur disparition.
Les autres hommes de Neandertal découvert en France
Les hommes de Neandertal de Biache-Saint-Vaast sont considérés comme des néandertaliens anciens par les archéologues. D’autres fossiles de la même époque ont été trouvés en France à :
• Tourville-la-Rivière en Normandie datant de 200 000 ans. (Article de l’Inrap)
• La grotte de la Chaise à Vouhton en Charente datant de 135 000 ans.
• Montmaurin en Haute-Garonne datant 130 000 ans.
Les études des crânes d’homme de Neandertal
Les études archéologiques sur les crânes d’homme de Neandertal, notamment sur le volume et la structuration de leur cerveau montrent qu’ils possèdent un psychisme différent du nôtre. Ils ont une vision du monde qui les entoure qui leur est propre. La compréhension de leurs comportements fait l’objet de nombreuses discussions entre les archéologues et les spécialistes de cette période.
Les fouilles de Biache-Saint-Vaast ont mis en avant toutes les capacités d’adaptation et d’organisation de l’homme de Neandertal dans son environnement. La mise au jour des 2 crânes sans autres éléments des squelettes avec des ossements d’animaux a également soulevé des questions sur ces capacités d’abstractions, notamment sur sa manière de percevoir la mort ou de mener des réflexions symboliques ou religieuses.
La fin de l’Homme de Neandertal : entre assimilation et disparition
Les hommes de Neandertal classiques ont quand eux croisé le chemin de nos ancêtres d’abord au Proche-Orient puis en Europe. L’hybridation entre les deux espèces ne semble pas être à exclure comme le montrent des études ADN faites par de nombreuses équipes scientifiques à travers le monde. Cependant, cette hybridation est loin d’être généralisée et ne concerne qu’une petite frange des deux populations.
La disparition des hommes de Neandertal est sujette à de nombreuses théories (maladie, difficulté démographique, concurrence avec Homo Sapiens…). Aucune ne semble en mesure d’expliquer complétement cette extinction. Les causes sont probablement multiples et se sont étalées sur plusieurs millénaires.